Quand on ne connaît pas on va faire la cuisine. 179. Ray Scott: "The prayer" (1969).Publié le 31 août 2009 par Bricabraque George Wallace, le gouverneur de l'Alabama (1963-1987).George Wallace représente l'archétype du politicien sudiste populiste. Il doit ses succès électoraux et sa grande popularité au refus de toute déségrégation et au maintien de lois racistes dans l'état dont il sera gouverneur durant de longues années: l'Alabama. Pendant près de deux décennies, il devient un des adversaires les plus impitoyables des militants des mouvements pour les droits civiques. Revenons sur son cas grâce à une chanson de
Ray Scott.
George Wallace débute sa carrière politique en 1946 avec son élection à la chambre des représentants de l'État d'Alabama. C'est à l'époque un progressiste libéral du parti démocrate. Ainsi, lors de la convention démocrate de 1948, il refuse de suivre les Dixiecrats (les élus démocrates conservateurs du Sud, hostiles à toute remise en cause de la ségrégation) dans leur sécession et il apporte son soutien à Harry Truman.
En 1958, il se présente au poste de gouverneur de l'Alabama; Il bénéficie du soutien de la NAACP, l'organisation pour l'avancement des gens de couleurs. Lors des primaires démocrates, il perd contre John Patterson, le favori du Ku Klux Klan. Wallace comprend alors que le seul moyen de l'emporter passe par l'adoption d'une ligne dure sur la ségrégation raciale. Désormais, il caresse l'électorat blanc raciste dans le sens du poil.
De fait, ce virage porte ses fruits puisqu'il triomphe en 1962, grâce à un programme ultra-ségrégationniste et anti-fédéral. Il devient ainsi le gouverneur de l'Alabama. Wallace, nouvelle bête noire des militants pour les droits civiques, multiplie le provocations et outrances. Lors de son discours d'inauguration, il lance son slogan favori:"segregation now, segregation tomorrow, and segregation forever." (ségrégation maintenant, ségrégation demain, ségrégation pour toujours).
Wallace défie Nicolas Kastenbach à l'entrée de l'université d'Alabama.
En juin 1963, il s'oppose physiquement à l'entrée des troupes fédérales venues imposer la déségrégation scolaire à l'université d'Alabama, à Tuscaloosa. Les deux premiers étudiants noirs, Vivian Malone et James Hood, protégés par la Garde nationale, ne rentrent dans l'établissement que grâce à l'intervention du ministre de la justice, Nicolas Kastenbach, mais bien sûr sous les huées d'une foule haineuse.
Lors de la campagne de
Birmingham,
Martin Luther King retrouve Wallace sur sa route. Ce dernier soutient les autorités municipales dans leur bras de fer avec les militants des droits civiques et ne condamne pas la répression terrible qui s'abat sur de très jeunes manifestants pacifiques.
Le dimanche 15 septembre 1963, une
bombe explose dans l’église baptiste de la 16ème rue
à Birmingham (Alabama), tuant quatre écolières noires. Wallace est rendu responsable de l'atmosphère de haine qui règne dans l'État et
Martin Luther King l'appelle personnellement pour l'accuser d'avoir le sang de ces enfants sur ses mains.
Dans son célèbre discours prononcé à
Washington, en août 1963,
Martin Luther King mentionne tout particulièrement l'Alabama et son gouverneur. Il lance: "Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots "interposition" et "nullification" *, un jour, justement en Alabama, les petits garçons et petites filles noirs, les petits garçons et petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et sœurs. "
* "interposition", "nullification": théories selon lesquelles un Etat de l'Union aurait le droit de s'interposer pour annuler les lois fédérales préjudiciables à ses administrés. Elles furent abondamment invoquées par les éléments les plus racistes lors des débats sur l'esclavage au XIX° et encore dans les années 1960 au moment de la déségrégation.
Wallace lors d'un meeting en 1964.
La constitution de l'Alabama empêche Wallace de se présenter pour un nouveau mandat. Qu'à cela ne tienne. Il pousse son épouse, Lurleen Wallace, sur le devant de la scène. Une fois élue gouverneur, en 1966, c'est lui qui continue dans les faits de gouverner (jusqu'au décès de Lurleen en 1968).
Les sondages présentent Wallace comme un acteur clef des élections présidentielles 1968.
Wallace voit grand et n'entend pas se cantonner au seul Alabama. Il veut porter la voix du Sud ségrégationniste aux présidentielles. Sachant qu'il n'a aucune chance d'être choisi lors des primaires démocrates, il se présente aux élections présidentielles de 1968 comme candidat du nouveau parti indépendant américain (American Independent Party - AIP). Sans les deux grosses machines des partis démocrate et républicain, il réussit pourtant à convaincre près de 13% des électeurs. Les cibles ne manquent pas pour le candidat qui s'en prend tour à tour aux libéraux, aux Noirs, aux jeunes contestataires... A ces derniers il lance: "You shout four letter words at me, well, I have two for you: S-O-A-P and W-O-R-K." (vous me jetez a la figure des mots de quatre lettres, j'en ai deux pour vous: S-O-A-P (savon) et W-O-R-K (travail). Quant à ceuw qui l'accusent, il leur rétorque: "I was killing fascists when you punks were in diapers." (Je tuais des fascistes alors que vous, punks, vous portiez des couches)".
Il l'emporte même dans cinq Etats du sud, contribuant ainsi à la défaite du démocrate Humphrey face à Nixon.
Carte des élections présidentielles américaines en 1968.
Grâce à son succès électoral, Wallace est devenue un personnage connu dans tout le pays. Il bénéficie sans discontinuer d'une très forte popularité. En 1970, il récupère son poste de gouverneur de l'Alabama face à Albert Brewer, le gouverneur sortant. De nouveau, il tente sa chance et tente se présenter aux présidentielles de 1972. Cette fois-ci, il revient dans le giron démocrate et accepte de participer aux primaires. Il a pour adversaires principaux George McGovern et Hubert Humphrey.
Ces primaires se présentent sous les meilleurs hospices puisqu'il rafle 42% des votes aux primaires de Floride, remportant la totalité des comtés de l'État.
Tout bascule dans le Maryland. Alors qu'il fait campagne dans le comté de Laurel, un exalté en quête de notoriété, Arthur Herman Bremer, lui tire dessus à quatre reprises. Wallace sent sort miraculeusement, mais il reste paralysé. Bénéficiant d'un important élan de sympathie, il remporte les primaires du Michigan, du Maryland, de Caroline du Nord et du Tennessee. Il ne parvient cependant pas à devancer le progressiste George McGovern (largement battu par Nixon lors des présidentielles).
Désormais,
George Wallace se déplace en fauteil roulant (ici en novembre 1972).
En 1974 et 1982, l'inamovible Wallace se fait réélire gouverneur de l'Alabama (la Constitution ayant été modifiée).
Progressivement, il infléchit son discours en devenant un chrétien born-again. Il renie ses prises de position racistes et demande publiquement pardon à la communauté noire. C'est au cours de cette période que de nombreux Noirs accèdent enfin à des postes de responsabilité dans l'Etat. Sa santé fragile l'oblige à se retirer de la vie politique en 1987. Il décède en 1998 à Montgomery, Alabama.
La pochette du disque. La version retenue ici ne dure que 3 minutes, or, sur le disque, une version longue du morceau s'étire sur près d'une demi-heure.
Ray Scott, dans «
the prayer », souhaite les pires avanies à
George Wallace. Ses prières ne sont guère charitables, mais elles en disent long sur ce que pouvaient ressentir les Afro-américains pour des semeurs de haine du calibre de Wallace. "Il ne faut pas souhaiter la mort des gens (ça les fait vivre plus longtemps"), comme le chantait Dominique A. En tout cas, il faut reconnaître que le politicien sudiste ne sera pas épargné par le sort, jusqu'à presque exhausser les prières de Scott...