Saint Augustin, Père et Docteur de l'Eglise.Vie de Saint augustin:http://www.magnificat.ca/cal/fran/08-28.htm
Oeuvres complètes de Saint Augustin:http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/augustin/index.htm
CHAPITRE XXVI. AMOUR DE SOI-MÊME ET DU PROCHAIN. 48. Allons plus loin, il semble que nous n'avons rien dit du sujet de la charité, de l'homme lui-même.
Mais celui qui serait de cet avis prouverait qu'il a bien peu compris ce que nous avons dit. En effet, il est impossible que celui qui aime Dieu ne s'aime pas lui-même. Je vais plus loin et je dis que celui-là seul qui aime Dieu sait s'aimer lui-même. N'est-ce pas s'aimer suffisamment soi-même que d'employer tous ses soins à parvenir à la jouissance du vrai et souverain bien?
1. Jean, XVII, 3. — 2. Rét. liv. I. ch. 7, n. 4.
Et si ce souverain bien, comme nous l'avons prouvé, c'est Dieu lui-même, peut-on douter qu'aimer Dieu et s'aimer soi-même ne soit une seule et même chose?
Mais quoi !
est-ce qu'entre les hommes, il ne doit y avoir aucun lien d'amour?
Il doit tellement y en avoir, que le degré le plus sûr, pour parvenir à l'amour de Dieu, c'est l'amour de l'homme pour ses semblables.49.
Interrogé sur les préceptes qui conduisent à la vie éternelle, que le Seigneur nous formule lui-même dans le second commandement. Car il ne s'est pas contenté d'un seul, lui qui savait qu'entre Dieu et l'homme il y a une distance infinie,
la distance qui sépare le Créateur de la créature faite à son image. Comment s'exprime-t-il?
- Citation :
- « Tu aimeras ton prochain comme toi-même (1). »
Tu t'aimeras suffisamment toi-même, si tu aimes Dieu plus que toi-même. Dès lors ce que tu fais pour toi , fais-le aussi pour ton prochain, et cela afin qu'il aime Dieu d'un amour parfait. En effet, tu ne l'aimes pas comme toi-même, si tu ne travailles à lui faire acquérir ce même bien auquel tu aspires. Car ce bien unique est de telle nature , qu'il ne perd rien de son immensité , lors même que tous y tendent avec toi.
De ce précepte donc découlent les devoirs de la société humaine, sur lesquels il est difficile de ne pas s'illusionner. Avant tout pratiquons la bienveillance,
c'est-à-dire n'usons contre personne, ni de méchanceté, ni de ruse, et souvenons-nous que nous n'avons rien de plus proche que l'homme lui-même.
50. Recueille donc cette parole de saint Paul :
- Citation :
- « L'amour du prochain ne fait pas le mal (2). »
Les témoignages que j'invoque sont très-courts, mais, si je ne me trompe, ils sont très-bien choisis et d'un parfait à-propos. Personne n'ignore, sans doute, qu'au sujet de l'amour du prochain,
les Livres saints renferment, à toutes les pages, des paroles aussi nombreuses qu'importantes. Or, on peut commettre deux sortes d'offenses contre le prochain, soit en le lésant, soit en ne lui aidant pas quand on le peut. S'en rendre coupable, c'est ce qu'on appelle parmi les hommes être méchant, et celui qui aime les évite avec soin, D'où je conclus que notre proposition est suffisamment démontrée par cette parole:
- Citation :
- «la charité pour le prochain évite de faire le mal. »
1. Matth. XXII, 39. — 2. Rom. XIII, 10.
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Et si nous ne pouvons parvenir au bien qu'en cessant de faire le mal, nous sommes parfaitement dans la vérité, en trouvant dans ces caractères de l'amour du prochain la source même et comme le berceau de la charité envers Dieu. En effet, de ce principe : « L'amour du prochain ne fait pas le mal » , nous nous élevons à réaliser cette autre parole citée plus haut :
- Citation :
- « Nous savons que tout arrive en bien à ceux qui aiment Dieu (1). »
51. Mais s'agit-il de décider si l'amour de Dieu et l'amour du prochain, marchant d'un pas égal, arrivent ensemble à la plénitude et à la perfection,
ou bien si l'amour de Dieu commence le premier et si ensuite c'est l'amour du prochain qui se perfectionne avant l'autre, j'avoue que je l'ignore.
D'un côté, il semble qu'au début la divine charité nous attire puissamment à elle; de l'autre, il paraît plus facile d'atteindre la perfection dans les choses moindres. Quoi qu'il en soit,
soyons certains avant tout que celui qui éprouve des sentiments de mépris à l'égard du prochain ne parviendra jamais ni à la béatitude, ni à Dieu, que pourtant il croit aimer. Plût au ciel qu'il fût aussi facile de faire du bien ou de ne pas nuire au prochain, qu'il est facile de l'aimer quand on est bien élevé et bienveillant !
La bonne volonté ne suffit pas, on a besoin encore d'une certaine raison et d'une certaine prudence
que Dieu seul peut nous donner comme étant la source de tous les biens. J'avoue que c'est là une question difficile, mais puisque le sujet l'exige j'en dirai quelques mots, espérant tout de Celui qui est l'auteur de ces dons.