Pierre
Perret: tolérance zéroCinq ans de prison. Mais aussi 45.000 euros. C'est ce qu'encourt
l'écrivain
Bernard Morlino du fait de la plainte du chanteur
Pierre
Perret. Cinq ans ! Un bail, un bagne, une éternité. Le plus
affligeant, le plus inquiétant, c'est qu'on trouve ça normal.
L'auteur compositeur d'« Ouvrez la cage aux petits oiseaux
prisonniers », qu'on a connu jadis plus drôle, plus grivois, et moins
liberticide, s'active à mettre sous les verrous le biographe d'Emmanuel
Berl, de Philippe Soupault, de Georges Brassens, et personne ne bronche.
Silence chez ses éditeurs, à la Société des Gens de Lettres, à la
Maison des Ecrivains et même dans le bloc-notes de Bernard-Henri Lévy,
pourtant toujours prompt à défendre la veuve et l'orphelin. Tout ce beau
monde semble au contraire s'accommoder de cette aberration : la
convocation, le 16 février au matin, de Bernard Morlino par, tenez-vous
bien, la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne, qui
porta à sa connaissance la lourde peine dont il était menacé.
De quoi ce dangereux délinquant niçois de 58 ans, lecteur fervent de
Paul
Léautaud et de
René Fallet, est-il donc coupable ? D'avoir
osé, sur son blog où
il mêle ses deux passions, la littérature et le foot, se moquer de
Pierre Perret. D'avoir même écrit :
« Comme Perret n'aime pas la
tolérance [allusion à une vidéo où le chanteur jugeait que la
tolérance était
"une faiblesse"],
nous serons quelques-uns à
ne pas en avoir pour lui. » Et surtout de ne pas avoir fait le deuil
de ses amis
Louis Nucéra et
Alphonse Boudard, lesquels
préféraient la vraie tendresse de Brassens à la fausse bonhomie de
Perret, et « les Copains d'abord » à « Tonton Cristobal ». On voit par
là que l'écrivain Morlino est doublement suspect : d'avoir de la verve,
dont il use volontiers pour railler les impostures de l'époque, et
d'être obstinément fidèle à ceux qu'il a aimés. Délit de brio et délit
d'amitié, voilà son crime. Et ça ne vous choque pas, et ça vous laisse
de marbre ?
http://bibliobs.nouvelobs.com/20100304/18103/pierre-perret-tolerance-zero