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 Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction

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Biloulou

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MessageSujet: Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty31/1/2009, 11:24

ANNEXES - BIJLAGEN
Rapport sur Guantanamo Bay de Madame Anne-Marie Lizin, Représentant spécial du Président de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, M. Göran Lennmarker

8 juillet 2007

Introduction

Le présent rapport se propose, dans le prolongement des rapports présentés respectivement en juillet 2005 à Washington et en juillet 2006 à Bruxelles, lors des sessions de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, de faire le point sur la situation des détenus de la base américaine de Guantanamo Bay. Comme les rapports précédents, il a été établi sur la base d'un examen critique de nombreuses sources : rapports officiels de l'Administration américaine; informations en provenance des médias, rapports d'organisations intergouvernementales; rapports d'organisations non gouvernementales; informations fournies par les avocats des détenus, interviews de détenus par les médias, etc. Il est basé également sur des entretiens officiels, tant au Département d'État (DoS) qu'au Département de la Défense (DoD) avant et après la visite du centre de détention de Guantanamo Bay le 20 juin 2007 ainsi que sur les informations recueillies lors de la visite. Il faut rappeler qu'une première visite du centre avait été autorisée et effectuée en mars 2006. Comme lors de la précédente visite, aucun entretien privé avec les détenus n'a été autorisé.

Une première constatation s'impose. Depuis juillet 2006, la situation a évolué de manière significative à la fois sur les plans politique (les Démocrates détiennent actuellement la majorité à la Chambre des Représentants et au Sénat) et juridique. Si les appels à la fermeture du camp de Guantanamo Bay se sont multipliés ces dernières années en provenance de chefs d'États, de gouvernements, et de nombreuses organisations internationales et non gouvernementales, le débat sur la fermeture est maintenant largement ouvert aux États-Unis, y compris au niveau le plus élevé.

On se rappellera que face aux pressions internationales et internes, le Président George W. Bush a déclaré à plusieurs reprises en 2006 qu'il souhaitait fermer le camp et déférer les détenus devant la justice. À l'époque, il affirmait qu'il ne cessait de demander aux pays dont des ressortissants se trouvent dans le camp, de reprendre ceux qui ne devaient pas être jugés par des « commissions militaires ». Il constatait également que de nombreux pays refusaient de récupérer leurs ressortissants, et que d'autres ne fournissaient pas d'assurances suffisantes garantissant que ces hommes seraient bien traités, maintenus en détention ou au moins étroitement contrôlés, ou encore qu'ils ne participeraient pas à nouveau à des activités terroristes.

Aujourd'hui, les candidats à sa succession évoquent le problème et prennent position. Ainsi, Hillary Rodham Clinton, Barack Obama, John Edwards et Christopher J. Dodd, candidats à l'investiture du parti démocrate, se sont clairement prononcés en faveur de la fermeture. Dianne Feinstein, sénatrice démocrate, a déposé le 30 avril dernier un projet de loi (bill) devant le Sénat demandant la fermeture du centre. Ce projet était sponsorisé par les candidats démocrates cités plus haut, ainsi que par les Sénateurs démocrates Edward M. Kennedy et Sheldon Whitehouse. Coté républicain, l'unanimité en faveur du maintien du centre s'est effritée. Ainsi, le Sénateur John McCain, candidat à l'investiture du parti républicain, s'est prononcé en faveur de la fermeture et du transfert de certains détenus vers Fort Leavenworth (Kansas) aux États-Unis. En revanche, Rudolph W. Giulani, ancien maire de New-York, ne s'est pas prononcé sur la question tandis que Mitt Romney s'est exprimé en faveur de l'extension du centre de détention de Guantanamo Bay.

Robert Gates, l'actuel Secrétaire à la Défense a demandé en mars 2007 la fermeture du camp et le transfert des détenus sur le territoire des États-Unis tout en précisant que certains détenus ne devait jamais être libérés. Plus récemment, l'ex-Secrétaire d'État Colin Powell, qui défendait en 2004 encore les traitements en vigueur à Guantanamo Bay, a réclamé la fermeture de la prison dès que possible, estimant qu'elle était devenue « un problème majeur pour l'Amérique aux yeux du monde ». De fait, comme nous l'avons mentionné dans nos rapports précédents, Guantanamo Bay reste un abcès de fixation de l'anti-américanisme dans le monde et porte préjudice à l'image des États-Unis, y compris dans les pays amis.

Cette constatation semble ne pas convaincre nombre de responsables républicains qui estiment que le centre doit rester opérationnel aussi longtemps que la « guerre contre le terrorisme » n'est pas gagnée. Ils insistent surtout sur le fait qu'il serait dangereux pour la sécurité des Américains de transférer sur leur territoire, dans des prisons militaires de haute sécurité, comme par exemple, Fort Leavenworth (Kansas), Kentucky's Fort Knox, Marine Corps Base Camp Lejeune (North Carolina) ou Lackland Air Force Base (Texas), les « pires ennemis des États-Unis ». D'une part, parce que ceux-ci pourraient s'y prévaloir des lois américaines et des droits que leur confèrent notamment l'habeas corpus. D'autre part, parce qu'en cas de libération, ils seraient immédiatement à pied d'œuvre pour se livrer à de nouvelles activités terroristes. Cette thèse est largement contestée par les Démocrates qui, au contraire, estiment que c'est la seule solution pour aboutir, à court terme, à la fermeture du centre de détention de Guantanamo Bay, qui reste la cible d'incessantes critiques internationales.

Lors d'une audition (« Hearing ») consacrée à Guantanamo Bay, organisée par la U.S. Helsinki Commission (l'une des rares commissions mixtes Chambre des Représentants/Sénat) le 21 juin dernier, son président, le Congressman Alcee L. Hastings, son vice-président, Benjamin L. Cardin, leader du groupe démocrate au Sénat, ainsi que le leader du groupe démocrate à la Chambre des Représentants, Steny H. Hoyer, se sont tous prononcés en faveur de la fermeture. Votre rapporteuse a été conviée à témoigner devant cette commission.

Le présent rapport intègre tous ces éléments. Il se compose de IV sections. La section I est consacrée à l'évolution du nombre de détenus de Guantanamo Bay. La section II évoquera, sans entrer dans les détails, les complexités juridiques actuelles du dossier. La section III analysera les données recueillies lors de la visite du 20 juin 2007 et relatives à l'évolution des conditions de détention et des techniques d'interrogation. Enfin, la section IV sera consacrée au suivi des conclusions et aux recommandations formulées dans notre rapport précédent.transférés sans délai.

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Biloulou

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MessageSujet: Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Section I. L'évolution du nombre de détenus   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty31/1/2009, 11:25

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Section I. L'évolution du nombre de détenus

1. Par rapport à notre dernière visite, le nombre de détenus a largement diminué. Il reste actuellement, selon les informations données par les autorités du centre de détention, approximativement 380 détenus.

De nombreux détenus ont, en effet, déjà été libérés ou transférés vers leur pays d'origine ou vers d'autres destinations. En juillet 2006, des détenus Chinois appartenant à la minorité turcophone et musulmane des Ouïgours, originaires de la province du Xinjiang, ont été libérés et transférés en Albanie, où ils ont obtenu l'asile politique, plutôt qu'en Chine. Une quinzaine d'Ouïgours seraient toujours détenus à Guantanamo Bay. Des Bahreïnis ont également été libérés. En août 2006, un détenu d'origine turque a été libéré et transféré en Allemagne où il est né. En septembre 2006, huit détenus Koweïtiens ont été libérés et transférés dans leur pays. Selon le Pentagone, en septembre 2006, un total de 320 détenus avaient été libérés et transférés vers 26 pays. En octobre 2006, un Bahreïni, un Iranien et deux Pakistanais ont été transférés vers leurs pays respectifs. À la même époque, une dizaine de détenus de nationalité marocaine ont été remis au Maroc par les Autorités américaines. Cinq Marocains détenus avaient déjà été libérés en août 2004. Ce mouvement de transfert s'est accéléré en 2007. Ainsi en février 2007, sept détenus ont été transférés vers l'Arabie Saoudite. Lors de notre visite, 25 détenus étaient en attente d'être transférés. Au lendemain de celle-ci, deux détenus Tunisiens ont été transférés dans leur pays d'origine où ils seront jugés.

2. Selon les Autorités américaines, quelque 385 détenus ont ainsi été libérés ou transférés vers leur pays d'origine ou d'autres pays depuis l'ouverture du centre de détention début 2002. Certains de ces transferts ont fait l'objet de longues et d'âpres négociations avec les pays d'origine ou d'accueil. Ces négociations sont toujours en cours, notamment avec la Mauritanie, le Yémen, l'Arabie Saoudite et l'Afghanistan, ces deux derniers pays étant engagés dans un « processus politique de réconciliation » qui devrait, du moins théoriquement, faciliter le transfert de leurs ressortissants encore détenus à Guantanamo Bay. Nos interlocuteurs américains ont insisté sur le fait que tous les transferts font l'objet d'un examen minutieux au cas par cas.

Comme nous l'avons déjà indiqué, les Autorités américaines réaffirment leur souci de ne pas transférer des détenus vers des pays qui ne respectent pas les droits fondamentaux ou qui appliquent des traitements inhumains ou dégradants. C'est le cas, évoqué plus haut, des détenus Ouïgours transférés en Albanie et non en Chine qui réclamait pourtant leur extradition, affirmant qu'ils étaient des terroristes de nationalité chinoise. Les Autorités américaines insistent également sur le fait qu'elles exigent des garanties de la part des pays d'accueil afin que les détenus, soupçonnés d'appartenance à une organisation terroriste, fassent l'objet de mesures judiciaires. La crainte subsiste, en effet, de les voir libérés, faute de preuves tangibles et de les voir rejoindre le djihad pour combattre les États-Unis et leurs alliés, en Irak, en Afghanistan ou ailleurs. D'après nos interlocuteurs au Pentagone, 29 détenus libérés et transférés seraient effectivement retournés au combat. Cette situation nous a été confirmée lors d'un briefing organisé par le commandant en second du centre de détention.

3. Si les transferts posent de nombreux problèmes, un élément neuf est cependant intervenu depuis septembre 2006.

En effet, en septembre 2006, 14 prisonniers détenus par la CIA dans des lieux tenus secrets ont été transférés à Guantanamo Bay dans l'attente de leur procès devant les « commissions militaires ». Selon le Pentagone, il s'agit d'individus particulièrement dangereux pour la sécurité des États-Unis. Identifiés par la CIA, les noms ont été rendus publics. Il s'agit de :

— Khalid Cheikh Mohammed : né au Koweit dans une famille d'origine pakistanaise, il a été arrêté le 1er mars 2003 au Pakistan. Numéro 3 d'Al-Qaida, il est considéré comme le « cerveau » présumé des attentats du 11 septembre. Il est soupçonné également d'être à l'origine du projet d'attentat « Bojinka » en Asie dans les années 1990 et figurait sur la liste des terroristes les plus recherchés par le FBI;

— Riduan Isamuddin, dit Hambali : arrêté le 14 août 2003 en Thaïlande, cet Indonésien est soupçonné d'être le représentant d'Al-Qaida en Asie du sud-est et le « cerveau » du réseau terroriste régional Jamaah Islamyah. Il était recherché par les forces de sécurité indonésiennes en lien avec l'attentat de Bali, le 12 octobre 2002, et celui contre l'hôtel Marriott de Djakarta le 5 août 2003;

— Abou Zoubeida : arrêté le 28 mars 2002 au Pakistan, ce Palestinien, qui a grandi en Arabie Saoudite, était un proche collaborateur de Ben Laden. Selon les Autorités américaines, il aurait dirigé un des camps d'entraînement en Afghanistan;

— Ramzi ben al-Shaiba : arrêté le 11 septembre 2002 au Pakistan, ce Yéménite était membre de la cellule de Hambourg (Allemagne) et est considéré comme l'un des coordinateurs présumés des attentats du 11 septembre. Il serait impliqué dans des projets d'attaques déjoués contre des compagnies d'aviation américaines;

— Moustapha Ahmae al-Hawsawi : soupçonné d'avoir joué un rôle clé dans le financement des attentats du 11 septembre et dans la transmission d'informations à Khalid Cheikh Mohammed et aux autres participants;

— Lillie, alias Mohammed Nazir Ben Lep : ce Malaysien était un assistant de Hambali et serait impliqué dans l'attentat de l'hôtel Marriott à Djarkarta en 2003;

— Walid ben Attash, alias Khallad : arrêté en 2003, ce Yéménite aurait participé à l'attaque du navire américain USS Cole en octobre 2000 (17 morts). Il est également soupçonné d'avoir participé aux attentats du 11 septembre et d'avoir planifié une attaque contre le consulat américain de Karachi au Pakistan;

— Majid Khan : ce Pakistanais qui a vécu avec sa famille à Baltimore aux États-Unis avant de rentrer dans son pays d'origine en 2002, est soupçonné d'avoir préparé des attaques contres des stations service américaines;

— Abdel Rahim al-Nachiri : arrêté fin octobre 2002 dans les Emirats Arabes Unis, ce Saoudien est suspecté d'être responsable des opérations d'Al-Qaida pour le Golfe. Il aurait notamment organisé des attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en août 1998 (224 morts) et celui contre le navire USS Cole en octobre 2000;

— Abou Faraj al-Libi : arrêté en 2005, il est soupçonné d'être un agent de Ben Laden en Libye;

— Zubair : ce Malaysien est soupçonné d'être membre du réseau terroriste Jamaah Islamiyah et d'avoir agi aux côtés de Hambali. Il serait l'auteur d'un projet d'attentat à Los Angeles, qui n'a pas abouti;

— Ahmed Khalfan Ghailani : arrêté le 25 juillet 2004 au Pakistan, ce Tanzanien est soupçonné d'avoir activement participé à des attentats anti-américains au Kenya et en Tanzanie;

— Gouled Hassan Dourad : ce Somalien était membre d'un réseau basé à Mogadiscio en lien avec Al-Qaida;

— Ali Abd al-Aziz Ali : neveu de Khalid Cheikh Mohammed et cousin de Ramzi Youssef, l'un des « cerveaux » des attentats du World Trade Center en 1993, il était suspecté de préparer un attentat contre le consulat américain à Karachi lors de son arrestation.

Ces 14 détenus ont été déférés devant le « Combatant Status Review Tribunal » (CSRT) qui a examiné leur statut d'« Enemy combatant ». Les audiences se sont déroulées à huis clos et les comptes-rendus de ces audiences ont été publiés par le Pentagone après avoir été censurés pour des raisons de sécurité.

Plus récemment, en avril 2007, le Pentagone a annoncé le transfert dans le centre de détention de Guantanamo Bay, d'un Irakien membre d'Al-Qaida, Abd al Hadi al-Iraqi, proche d'Oussama Ben Laden, qui a passé une quinzaine d'années en Afghanistan et qui aurait été en contact direct avec les principaux leaders de l'organisation terroriste, comme Ayman al-Zawahiri, Khalid Cheikh Mohammed, Abu Faraj al-Libi, Hamza Rabi'a et Abd al-Rahman al-Mujair. L'intéressé serait l'un des plus anciens terroristes d'Al-Qaida, membre de son comité militaire, qui aurait supervisé de nombreuses actions et l'entraînement paramilitaire de militants, avant le 11 septembre 2001. On ignore les circonstances de son arrestation.

Au lendemain de notre visite, il nous a été confirmé qu'un Somalien et un Kenyan, tous deux suspectés d'être membres d'Al-Qaida, ont été transférés à Guantanamo Bay.

4. Ces transferts vers Guantanamo Bay d'individus incontestablement dangereux, démontrent la volonté évidente de l'Exécutif d'y rassembler les terroristes responsables des actions les plus marquantes contre la sécurité des États-Unis capturés sur divers théâtres d'opérations. Dans ces conditions, nous observons que le profil et la dangerosité moyenne des détenus est en train de se modifier. Au fur et à mesure des transferts des détenus de moindre importance et de l'arrivée de ces nouveaux profils, apparaît clairement la volonté sous-jacente de confirmer l'utilité d'un ou de plusieurs centres de détention de ce type.

5. En annonçant ces transferts, le Président Bush reconnaissait pour la première fois que certains suspects avaient été détenus et interrogés longuement à l'étranger par la CIA. Selon lui, l'interrogatoire de détenus au secret par la CIA a permis de sauver la vie de nombreuses personnes aux États-Unis et à travers le monde. Il a également mentionné que le Pentagone avait rendu public en septembre 2006 un nouveau manuel (Army Field Manual 2-22.3) qui définit les méthodes de traitement et d'interrogation des détenus. Il a d'ailleurs déclaré que le programme d'interrogation de la CIA constituait un « outil essentiel dans la guerre contre le terrorisme ». En effet, les terroristes capturés connaissent le fonctionnement des réseaux. Ils sont, en principe, au courant des endroits où les djihadistes se trouvent ainsi que les projets d'attentats. Selon le Président Bush, ces renseignements ne pouvaient être trouvés nulle part ailleurs, et la sécurité des États-Unis dépend de l'obtention de tels renseignements. Ceux-ci sont censés donner une meilleure idée de la structure d'Al-Qaida, de son financement, de ses communications et de sa logistique.

6. On peut s'interroger sur la manière dont les aveux ont été obtenus par les interrogateurs de la CIA. À ce sujet, de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme, les avocats (pour la plupart Américains) de certains détenus, et des personnalités américaines ont dénoncé des méthodes qui s'apparentent à la torture, comme l'exposition à des températures extrêmes, le « water-boarding » (simulacre de noyade), positions et nudité forcées, etc.

Il faut rappeler également que les Autorités américaines ont toujours nié que les techniques d'interrogatoires, y compris celles qualifiées d'« agressives », étaient assimilables à de la torture. Elles ont affirmé que ces techniques avaient fait l'objet de nombreuses remises en cause depuis cinq ans du fait de leur caractère « inapproprié » ou, plus encore, du fait des abus et exactions constatés à Abou Graib pour lesquels des militaires américains ont été poursuivis et condamnés.

Ainsi, pour la première fois depuis l'ouverture du camp de détention en 2002, ce sont des djihadistes dangereux ou présumés tels qui viennent d'y être transférés. Les Autorités américaines ont toujours affirmé que des détenus très dangereux se trouvaient dans le centre avant 2006. Cette situation avait été dénoncée par de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme et les avocats de certains détenus. Rappelons que les « Combatant Status Review Tribunals » (« CSRTs ») avaient cependant confirmé le statut d'« Enemy combatant » de 393 détenus qui semblent ne pas avoir eu accès aux documents (la plupart étant « classifiés ») justifiant leur maintien dans ce statut.

7. Le nombre de libérations ou de transferts depuis 2002 démontre effectivement que de nombreux individus ont été envoyés à Guantanamo Bay dans des conditions pour le moins discutables. Tout récemment, le professeur Mark Denbeaux, de la Seton Hall University, confirmait ce que de nombreux observateurs avaient déjà relevé, à savoir que 5 % des détenus avaient été capturés par les forces américaines en Afghanistan et que la majorité des autres détenus avaient été capturés ou livrés par l'Alliance du Nord en Afghanistan ou par les services secrets pakistanais contre des primes (« bounties ») (1) . À ce sujet, il faut signaler que l'ONG Amnesty International mène actuellement une campagne très active en Europe en faveur de la libération d'un caméraman soudanais de la chaîne de télévision qatarie Al Jazira, arrêté par les forces de sécurité pakistanaises à la frontière afghane en décembre 2001 et livré à l'armée américaine en janvier 2002. L'intéressé a été transféré aussitôt à Guantanamo Bay. Rappelons que lors de notre précédente visite en mars 2006, le général Jay Hood, à l'époque commandant du centre de détention, avait déclaré que le nombre de détenus particulièrement dangereux ne dépassait pas 80. C'est d'ailleurs aujourd'hui un chiffre du même ordre qui est cité pour les détenus susceptibles d'être jugés par les nouvelles « commissions militaires » mises en place après le vote par le Congrès du « Military Commissions Act of 2006 ».

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MessageSujet: Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Section II.1 Le « Military Commissions Act » de 2006 et ses conséquences   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty31/1/2009, 11:32

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Section II. Le « Military Commissions Act » de 2006 et ses conséquences

1. Dans le domaine juridique, la situation semble aujourd'hui plus claire mais en fait, l'imbroglio demeure. Le bras de fer entre l'Exécutif, qui persiste dans sa volonté de faire juger un certain nombre de détenus par des « commissions militaires » tout en affirmant sa volonté de transférer au plus vite d'autres détenus vers leurs pays d'origine ou vers d'autres destinations, et la Cour suprême des États-Unis est loin d'être terminé. La logique extrajudiciaire mise en place par l'Administration Bush pour juger les suspects de terrorisme continue d'être remise en cause. Rappelons à ce sujet que nous sommes dans une logique de justice militaire et non civile. De plus, la situation politique ayant changé du fait des dernières élections législatives, les relations entre l'Administration et le Congrès se sont compliquées. Si le dossier irakien demeure aujourd'hui prioritaire dans le débat politique, la question de Guantanamo Bay continue, comme nous l'avons souligné plus haut, de connaître de fréquents rebondissements et de défrayer la chronique.

2. Rappelons que le 30 décembre 2005, le Président américain avait signé le « Detainee Treatment Act » qui a été adopté par le Sénat et la Chambre des Représentants. Cette loi, en raison d'un amendement proposé par le Sénateur républicain Graham, enlevait toute juridiction aux Cours fédérales pour revoir la situation des détenus de Guantanamo Bay, et ce contrairement à la décision de la Cour suprême qui avait jugé en juin 2004 dans l'affaire Rasul c. Bush qu'était reconnu aux détenus le droit de demander aux Cours américaines de statuer sur la légalité de leur détention (droit de recours appelé habeas corpus). Par cet amendement, le gouvernement des États-Unis s'est donné le droit de détenir indéfiniment les prisonniers de Guantanamo Bay. En fait, les détenus conservaient le droit de contester la décision du CSRT devant une Cour fédérale. À l'époque, le « Detainee Treatment Act » avait été adopté sans délibération en commissions parlementaires.

Début janvier 2006, sur la base de cette nouvelle loi, l'Administration américaine adressait une motion aux tribunaux saisis des affaires d'habeas corpus en cours, leur demandant que tous les recours déposés en faveur des détenus soient définitivement rejetés. Le Center for Constitutional Rights (CCR), organisation membre de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH), qui représente de nombreux détenus, affirmait aussitôt que tout espoir de justice était, dans ces conditions, nié et que cette situation constituait une violation flagrante de la Constitution des États-Unis.

À l'époque, le Président Bush avait également demandé au Congrès d'adopter un projet de loi destiné à clarifier les règles applicables aux membres du personnel américain spécialisé dans la guerre contre le terrorisme en dressant « la liste des actes précis, reconnaissables qui seraient considérés comme des crimes aux termes de la loi sur les crimes de guerre ». Il convenait de préciser que ceux qui appliquaient ces règles remplissaient les obligations des États-Unis au titre de l'article Commun 3 des Conventions de Genève qui interdisent les « atteintes à la dignité des personnes », notamment les « traitements humiliants et dégradants » (2) . En outre, il avait demandé au Congrès de bien préciser que les terroristes capturés ne pouvaient pas utiliser les Conventions de Genève comme base juridique pour poursuivre le personnel américain devant des tribunaux américains.

3. Dans la décision qu'elle a rendue le 29 juin 2006 au sujet de l'action intentée par un détenu, Salim Ahmed Hamdan, la Cour suprême a jugé que l'article Commun 3 des Conventions de Genève s'appliquait aux « Enemy Combatants ». Dans la même décision, la Cour invalidait le système des « commissions militaires » mises en place par le Département de la Défense (DoD) aux termes de l' « Executive Order » du Président Bush en date du 13 novembre 2001 (3) . La Cour a jugé que ces commissions étaient inconstitutionnelles faute d'avoir été autorisées par le Congrès et pour non conformité au Code de justice militaire que le Président Truman a promulgué en 1950 et qui règle notamment l'organisation des cours martiales.

Suite à cette décision, le Président Bush a soumis au Congrès un projet de loi en septembre 2006 qui autoriserait des « commissions militaires » à juger des personnes soupçonnées d'être des terroristes et qui clarifierait les règles régissant les méthodes utilisées par les interrogateurs américains destinées à obtenir des détenus des renseignements sur les groupes terroristes. Il faut rappeler qu'en 2002, le Président Bush avait déclaré que les membres d'Al-Qaida et les autres détenus soupçonnés de terrorisme capturés lors de la guerre en Afghanistan étaient des « Enemy combatants » qui ne pouvaient pas bénéficier des protections des Conventions de Genève.

Le 6 septembre 2006, le Pentagone affirmait dans une directive que l'armée américaine devait respecter l'article 3 des Conventions de Genève. La directive en question devait s'appliquer aux prisonniers placés sous la responsabilité du Pentagone et ne couvrait donc pas les détenus interrogés par les agents de la CIA dans les prisons secrètes à l'étranger.

4. Le 29 septembre 2006, le Sénat des États-Unis a donc adopté par 65 voix contre 34 le projet de loi fixant les règles d'interrogatoires et de procès des étrangers suspects de terrorisme. Le texte de loi, qui avait été voté la veille par la Chambre des représentants par 253 voix contre 168, a été promulgué par le Président le 17 octobre. Cette « loi sur les commissions militaires et le traitement des détenus » (« Military Commissions Act of 2006 ») est, nous l'avons mentionné plus haut, la conséquence de l'invalidation de la Cour suprême d'un précédent mécanisme pour juger les détenus.

Les détracteurs de cette loi affirment qu'elle légalise une version à peine édulcorée des méthodes utilisées par les États-Unis après les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Elle permet, en effet, la détention indéfinie de toute personne qualifiée cette fois d'« Unlawful Enemy combatant ». Cette désignation, inscrite pour la première fois dans un texte de loi, inclut toute personne de nationalité étrangère qui soutient « matériellement et intentionnellement » des « groupes terroristes » avec des armes, de l'argent ou d'autres formes d'aide. Une fois détenues, ces personnes n'auront aucun recours légal basé sur la législation applicable aux États-Unis pour faire appel de la validité de leur détention, même si elles ne sont pas inculpées.

Elle crée des tribunaux militaires appelés « commissions militaires » pour juger les « Unlawful Enemy combatants » étrangers soupçonnés d'être des terroristes, détenus jusqu'à présent à Guantanamo Bay en dehors de tout cadre juridique. La composition des tribunaux militaires est détaillée dans le texte de la loi. Un avocat militaire est affecté à la défense de toute personne accusée d'actes criminels, et celle-ci aura aussi le droit de faire appel aux services d'un avocat civil.

La loi stipule que les procureurs militaires auront le droit d'utiliser, dans certaines circonstances, des preuves obtenues sous la contrainte ou par « hearsay », pour condamner des étrangers. Mais la loi stipule également que si l'accusé prétend qu'une déclaration a été faite sous la contrainte, celle-ci ne pourra pas être admise pendant le procès à moins que le juge détermine qu'il « serait dans l'intérêt de la justice et de l'équité d'introduire cette information ». En revanche, les suspects terroristes américains, continueront de comparaître devant des tribunaux fédéraux, où tous les droits de la défense sont garantis. Le texte interdit aux « commissions militaires » d'utiliser des témoignages obtenus par des techniques d'interrogatoires comprenant des « traitements ou des châtiments cruels, inhabituels ou inhumains ». Mais sa rétroactivité est fixée au 30 décembre 2005, et les « aveux » obtenus avant cette date peuvent donc être retenus à charge. Cette clause protège ainsi juridiquement les agents de la CIA qui auraient usé de méthodes assimilables à de la torture avant cette date, et partant, les responsables qui les ont cautionnés. Le 30 décembre 2005 est la date à laquelle le Président Bush a promulgué une rallonge budgétaire pour le DoD qui comprenait une disposition, connue sous le nom d'amendement McCain, portant sur les règles à suivre en matière de traitement des détenus.

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Dernière édition par Biloulou le 28/2/2009, 14:27, édité 1 fois
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MessageSujet: Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Section II.2 Le « Military Commissions Act » de 2006 et ses conséquences   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty31/1/2009, 11:33

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Si la loi interdit à l'avenir les « traitements cruels ou inhumains », définis comme des « tortures » et des techniques infligeant de « sérieuses douleurs physiques ou mentales », elle permet cependant l'utilisation d'aveux obtenus par une certaine forme de coercition. En fait, elle laisse au Président une marge de manœuvre pour décider des techniques que les enquêteurs américains peuvent utiliser légalement dans leurs interrogatoires (4) . Des dispositions qui semblent manifestement destinées à protéger les enquêteurs de la CIA de poursuites pour crimes de guerre.

Par ailleurs, le texte interdit aux détenus de faire appel de la détention, une clause jugée contraire à la Constitution par les Démocrates et certains Républicains. Un appel limité contre le jugement reste cependant possible auprès du groupe spécial d'examen des jugements des « commissions militaires », puis auprès d'un tribunal civil fédéral situé à Washington D.C., enfin auprès de la Cour suprême, mais il ne peut porter que sur la conformité de la procédure suivie. Seule concession accordée aux détenus en échange : ils auraient le droit d'avoir accès à certains documents retenus contre eux pour autant que ces documents ne présentent aucun risque pour la sécurité nationale.

Tous les Sénateurs Républicains, à l'exception d'un seul, ont approuvé cette loi, ainsi que 12 des 44 Sénateurs Démocrates. Plusieurs de ceux qui ont voté pour, ont cependant exprimé le vœu que la Cour suprême invalide ultérieurement les clauses les plus contestables de ce texte.

Rappelons que celle-ci a rejeté le 2 avril 2007 le recours de dizaines de détenus qui demandaient le droit de saisir un tribunal fédéral pour contester leur détention sans inculpation. Alors qu'une majorité de quatre juges était nécessaire pour que la Cour se saisisse de ces affaires, seuls trois juges avaient manifesté leur volonté d'examiner ces recours. Deux autres juges ont estimé qu'il était trop tôt pour que la Cour reconnaisse sa compétence, les détenus n'ayant pas épuisé les recours internes, tout en admettant que si les procédures venaient à prendre encore du retard, la justice devrait agir rapidement pour faire en sorte que la fonction et les raisons d'être du recours d'habeas corpus ne soient pas discréditées. À cette date, les autorités américaines comptaient traduire 60 à 80 détenus devant les « commissions militaires » et renvoyer environ 85 autres détenus dans leur pays d'origine. La décision de la Cour suprême concernait donc tous les autres détenus, promis dès lors à une détention illimitée sans inculpation.

Deux mois plus tôt, le 20 février 2007, la cour d'appel fédérale de Washington avait rejeté les requêtes présentées au nom des détenus et visant à leur garantir un recours en habeas corpus.

Rappelons qu'en 2004, par 5 voix contre 4, la Cour suprême avait déclaré que les terroristes présumés devaient pouvoir contester leur détention. Le gouvernement américain avait alors mis en place une procédure de « révision du statut d'ennemi combattant ». Les détenus, dénonçant cette procédure administrative où ils comparaissaient sans avocat, avaient déposé de nouveaux recours qui ont abouti à la décision précitée de février.

5. Le vendredi 30 mars 2007, un premier détenu, l'Australien David Hicks, après avoir plaidé coupable, a été condamné à une peine de neuf mois de prison par une « commission militaire ». Il s'agissait de la toute première condamnation par un tribunal militaire. Dans le cadre d'un accord d'échange de prisonniers entre les États-Unis et l'Australie, David Hicks purgera sa peine dans une prison située dans sa ville natale, Adélaïde. L'intéressé a passé plus de cinq ans dans le centre de détention de Guantanamo Bay. L'accord conclu entre David Hicks et les procureurs militaires américains stipule que l'Australien n'aura pas le droit de parler à la presse pendant un an et qu'il devra reverser l'ensemble de ses droits d'auteur au gouvernement australien s'il décide d'écrire un livre sur sa longue détention à Guantanamo Bay.

Un second détenu, Omar Khadr, le seul détenu canadien de Guantanamo Bay, capturé en 2002 en Afghanistan à l'âge de 15 ans, aujourd'hui âgé de 20 ans, a comparu le 24 avril 2007 devant une autre « commission militaire ». L'intéressé, mineur à l'époque des faits qui lui sont reprochés, à savoir l'assassinat d'un infirmier militaire américain en Afghanistan, complot, soutien matériel au terrorisme et espionnage, encourait une peine de prison à perpétuité. Le 4 juin, un juge militaire a déclaré non recevable les accusations portées contre Omar Khadr, parce que celui-ci avait été déclaré « Enemy Combatant » par un jury militaire il y a quelques années à Guantanamo Bay et que seuls les « Unlawful Enemy Combatant » pouvaient être jugés par une « commission militaire » en vertu de la nouvelle loi sur les tribunaux militaires, signée en 2006 par le Président américain. Un colonel, qui dirige la défense militaire, a d'ailleurs affirmé qu'aucun des détenus n'avait été déclaré « Unlawful Enemy Combatant » et que, par conséquent, tout le système devait être révisé.

La décision du juge militaire citée plus haut n'a pas entraîné la mise en liberté d'Omar Khadr. Le Pentagone y voit une question purement « technique » facile à résoudre, et non pas un précédent qui menace le système des « commissions militaires ». Mais la décision du juge a cependant redonné espoir aux avocats de la défense et aux organisations de défense des droits de l'homme qui estiment que Omar Khadr et les autres détenus devraient être jugés devant des tribunaux américains ordinaires.

Un autre juge militaire, a décrété que le seul autre détenu de Guantanamo Bay actuellement accusé d'un crime, le Yéménite Salim Ahmed Hamdan, accusé d'avoir été le chauffeur et le garde du corps d'Oussama Ben Laden, « ne relevait pas de ce tribunal » aux termes de la nouvelle législation.

Ces décisions constituent un revers pour le Pentagone, qui espérait accélérer le traitement des dossiers de Guantanamo Bay.

6. Il semble que, selon des informations publiées le jeudi 26 avril par le New York Times, les Autorités américaines auraient l'intention de limiter l'intervention de la centaine d'avocats qui défendent les détenus, estimant que les visites d'avocats civils ont causé « d'importants problèmes et des menaces pour la sécurité du camp ». Une requête en ce sens aurait été déposée, selon le quotidien américain, devant la cour d'appel des États-Unis, visant à remplacer les dispositions actuelles, mises en place en 2004, régissant l'intervention des avocats sur la base de Guantanamo Bay. Cette requête viserait à réduire le nombre de visites qu'un avocat pourrait rendre à son client, alors que les règles actuelles ne limitent pas le nombre de visites autorisées. Toujours concernant ces visites, un avocat qui souhaiterait prendre la défense d'un détenu ne disposerait plus que d'un seul entretien. Des avocats militaires et des agents de renseignement pourraient également avoir accès aux e-mails envoyés par les avocats à leurs clients. Jusqu'à présent, selon le quotidien américain, ces messages étaient « inspectés » sans être lus. Les nouvelles mesures permettraient à des représentants du gouvernement de refuser aux avocats l'accès à des preuves utilisées par des « commissions militaires » pour déterminer si les détenus sont des « Unlawful Enemy Combatant ».

Beaucoup d'avocats ont dénoncé cette requête et ont accusé le gouvernement de vouloir refaire de Guantanamo Bay un « trou noir légal ». En fait, la requête a été retirée.

Dans le cadre du système actuel, les procureurs comptent, comme indiqué plus haut, inculper au moins 80 détenus de Guantanamo Bay. Il n'est pas exclu que de nouveaux obstacles juridiques ne viennent perturber le fonctionnement des « commissions militaires ».

À cet égard, rappelons qu'il existe un principe général de droit contenu dans l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme selon lequel un prévenu a le droit d'être jugé « dans un délai raisonnable ». Le fait qu'un grand nombre de détenus s'y trouvent depuis 4 ou 5 cinq ans constitue manifestement un dépassement du délai raisonnable.

En tout état de cause, comme nous l'avons rappelé plus haut, il s'agit d'un choix interne basé sur la logique d'une justice militaire. La qualité des arguments juridiques des partisans comme des adversaires doit être mesurée à l'aune de ce choix. Il n'en demeure pas moins que le problème de la fermeture du centre de détention est devenu, comme nous l'avons mentionné dans l'introduction, l'un des grands thèmes du débat politique aux États-Unis.

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MessageSujet: Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Section III.1 Des conditions de détention et des techniques d'interrogatoires contestées   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty31/1/2009, 11:38

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Section III. Des conditions de détention et des techniques d'interrogatoires contestées

1. De nombreuses organisations de défense des droits de l'homme continuent de dénoncer les techniques d'interrogatoires assimilées à de la torture, malgré les dénégations des autorités officielles. Elles estiment, en effet, que le flou entourant ces techniques autorisent tous les abus, comme la privation de sommeil ou l'exposition à des températures extrêmes. Pour Human Rights Watch, par exemple, le texte législatif dont question plus haut, « réécrit des parties essentielles des Conventions de Genève et enlève le droit le plus fondamental des détenus, celui d'être entendu ».

Rappelons que les avocats des détenus ont protesté en juillet 2006 contre la volonté des autorités américaines d'examiner tous les documents en possession des détenus, y compris ceux protégés par la confidentialité des échanges entre un client et son avocat. Cette mesure faisait suite au suicide de trois détenus, un Yéménite et deux Saoudiens, le 10 juin 2006. Selon les autorités américaines, il s'agissait de déterminer s'ils avaient été aidés ou si d'autres suicides étaient en cours de préparation. C'est ainsi que les documents en possession des détenus (notes personnelles, courriers familiaux, documents juridiques) ont été saisis. Seuls les documents des trois détenus suicidés et de onze autres détenus ont été lus et traduits. Il a été constaté que les détenus avaient utilisé du papier réservé aux échanges avec leurs avocats pour communiquer entre eux.

S'appuyant sur cette constatation, les Autorités américaines ont demandé début juillet 2006 à la justice l'autorisation d'étudier tous les documents, déposant pour cela la même requête dans chacun des dizaines de dossiers déposés devant la justice fédérale par des détenus contestant leur détention. La requête concernait l'ensemble des détenus, tous englobés, selon les avocats, dans une « théorie de culpabilité par association » sans qu'aucun élément ne soit fourni pour démontrer la complicité de tel ou tel détenu dans les suicides. Il faut rappeler que le commandant du camp de détention de l'époque, le vice-amiral Harry Harris Jr., avait qualifié ces suicides d'« acte de désespoir » et d'« acte de guerre asymétrique dirigé contre les États-Unis ». Ses propos avaient suscité de vives protestations de la part des avocats et de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme.

Quoiqu'il en soit, et malgré les mesures drastiques de surveillance prises pour éviter de nouveaux suicides, un détenu saoudien, du nom d'Abdoul-Rahman bin Ma'ada bin Dhafer al Aameri, a mis fin à ses jours dans sa cellule le 30 mai 2007. Ce suicide est le quatrième enregistré parmi les détenus depuis l'ouverture du camp de détention en janvier 2002.

En avril 2007, on dénombrait 13 grévistes de la faim à Guantanamo. Cette grève a commencé en janvier ou février et s'est poursuivie par intermittence, les détenus en grève de la faim étant alimentés contre leur gré à l'aide de sondes. Selon un porte-parole militaire, l'alimentation forcée n'est pas destinée à briser la grève de la faim. Il s'agit d'une procédure médicale pour apporter les calories nécessaires afin de rester en bonne santé. Selon le même porte-parole, ce mouvement de grève de la faim « semble avoir coïncidé avec le nombre important de médias venus couvrir le procès de David Hicks, dénommé « le taliban australien » qui a eu lieu fin mars 2007. « Dès que les médias sont partis, le nombre de grévistes de la faim a nettement diminué », a-t-il ajouté, précisant également que « la grève de la faim est une tactique enseignée dans le manuel d'entraînement d'Al-Qaida ».

Fin janvier 2007, un détenu originaire de Bahreïn, avait expliqué à son avocat qu'une vingtaine de détenus du camp 6 avaient entamé une grève de la faim pour protester contre les conditions de vie dans ce nouveau quartier de haute sécurité ouvert en décembre 2006.

Il faut rappeler que les grèves de la faim sont récurrentes à Guantanamo Bay. La première a eu lieu dès le printemps 2002, et le mouvement s'est surtout amplifié pendant l'été 2005, atteignant un pic de 131 grévistes en septembre 2005. Quelques mois plus tard, ils étaient encore 84, et en mai 2006, le nombre de grévistes est remonté jusqu'à 89. Comme nous l'avons mentionné dans notre rapport précédent, les grévistes sont alimentés par une mince sonde gastrique, de couleur jaune, utilisée dans la plupart des hôpitaux, qui est enfoncée progressivement dans une narine jusqu'à ce que l'embout atteigne l'estomac, où de la purée sous pression est alors envoyée. Cette technique est jugée « sûre » par les médecins militaires, mais elle est appliquée de manière douloureuse et humiliante, selon des avocats des détenus. Certains ex-détenus prétendent que cette alimentation forcée provoque des lésions et des hémorragies importantes, ce que contestent les médecins militaires rencontrés lors de la visite du centre médical. Celui-ci a été agrandi et est tout à fait adapté aux dons de soins dans les meilleures conditions, et l'équipe de psychiatres y a été renforcée depuis notre dernière visite.

2. Les camps 5 et 6 que nous avons visités sont deux bâtiments modernes qui ne comportent que des cellules d'isolement. Ils ont été construits sur le modèle des prisons américaines de moyenne sécurité et dotés des équipements de surveillance les plus sophistiqués. La construction du camp 6, achevée en décembre 2006 et qui comporte actuellement 168 cellules, a coûté 37 millions de dollars (soit 28 millions d'euros). Les camps 5 et 6 ont été construits pour recevoir les détenus les plus dangereux, notamment ceux en provenance des prisons secrètes de la CIA. Ils ont été adaptés pour assurer une sécurité maximale. La partie centrale des bâtiments comporte, comme dans les prisons américaines, des ensembles de tables et de chaises métalliques arrimées entre elles. Cette partie centrale n'est utilisée que par les gardiens. Lors de notre visite, de nombreuses bouteilles d'eau destinées aux détenus étaient stockées sur les tables. Des grillages de sécurité et des caméras sont visibles partout. Dans le camp 5, la cellule de l'imam est clairement identifiée par un panneau sur lequel se trouve sa photo ainsi que la mention « imam ». Ce qui permet à ce dernier de diriger la prière de manière régulière à partir de sa cellule.

Dans le camp 6, le visiteur est introduit dans une cellule témoin, d'environ trois mètres sur quatre. Les cellules rectangulaires n'ont pas de fenêtres donnant accès à la lumière du jour. Elles sont éclairées par des néons. La nuit, selon les explications qui nous ont été fournies, la lumière est mise en veilleuse. Les portes sont dotées d'ouvertures vitrées jusqu'au sol à la différence du camp 5 où les ouvertures vitrées sont à mi-hauteur. Les cellules sont équipées d'un matelas posé sur un socle en béton ainsi que d'un lavabo d'acier surbaissé et d'un wc. Les détenus disposent de quelques « objets de confort » (brosse à dent, dentifrice, linge, etc.) et d'un Coran. Ils sont enfermés 22 heures sur 24. Cinq espaces grillagés de plus ou moins 20 m2 sont mis à la disposition des détenus pour les deux heures de « récréation » prévues par le règlement du camp.

Les gardiens, non armés lorsqu'ils sont au contact direct des détenus, portent un gilet destiné à parer d'éventuels coups de couteau ou autres objets contondants, des gants en latex, une protection anti-strangulation (« a neck protection ») et parfois des masques chirurgicaux.

Selon les avocats des détenus, la lumière est allumée en permanence dans ces quartiers de haute sécurité. Certains prétendent que les gardiens claquent les portes volontairement et proposent le chariot de la bibliothèque à toute heure du jour ou de la nuit pour priver les détenus de sommeil. De plus, ils affirment que les températures dans les cellules d'isolement peuvent subir de profondes modifications dans le sens de la hausse ou de la baisse. Toujours, selon les avocats, les détenus d'un même quartier rapportent que leurs gardiens viennent leur parler pendant la prière et font passer leur refus de répondre pour une insubordination justifiant l'intervention d'une « équipe de réaction » chargée d'y mettre fin par la force.

Les entretiens avec les détenus n'étant pas autorisés, il ne nous a pas été possible de vérifier ces allégations. Des avocats affirment également que la tête des insoumis est rasée et leur barbe taillée de force, ce que contestent les responsables du camp. Nous ne pouvons confirmer ces allégations. Les responsables insistent d'ailleurs sur l'attention portée aux relations avec les détenus. À cet effet, une équipe de spécialistes (« Behavioral Science Consultation Team ») a été mise sur pied. Celle-ci est chargée de veiller tout particulièrement à ce qu'aucune exaction ne soit commise à l'encontre des détenus par les gardiens qui reçoivent, par ailleurs, une formation spécifique selon les tâches qui leur sont assignées.

3. Un rapport d'Amnesty International publié début avril 2007 dénonçait le camp 6 dont question plus haut, parce que les détenus y sont maintenus dans l'isolement, dans des conditions plus dures encore que dans les prisons de sécurité maximum aux États-Unis, alors que selon l'ONG dont question, les affectations semblent plus liées aux places disponibles qu'au comportement des détenus. Ces allégations ont été formellement démenties par les responsables du camp.

Cela dit, il semble, selon diverses sources, que certains détenus mènent une « guérilla » permanente, malgré les mesures de sécurité draconiennes, contre leurs gardiens. Celle-ci se traduirait par des jets de « fluides corporels » (salive, matières fécales, sperme, urine, sang provenant des hémorroïdes, vomissures) sur les gardiens. Un « pilonnage » intense, selon les responsables du camp de détention, qui ont comptabilisé scrupuleusement plus de 432 « jets de fluides corporels » entre juillet 2005 et août 2006. Nous n'avons pas pu obtenir davantage d'informations sur des incidents plus récents.

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MessageSujet: Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Section III.2 Des conditions de détention et des techniques d'interrogatoires contestées   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty31/1/2009, 11:38

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6. Une chose mérite d'être signalée. Entre nos deux visites (mars 2006 et juin 2007) du camp de détention, les tensions se sont accrues. Les grèves de la faim se sont multipliées ainsi que les agressions verbales et physiques contre les gardiens. Ces tensions se sont développées après les suicides de trois détenus en juin 2006. Depuis lors, le fait de réussir à attenter à sa vie est l'objet d'une lutte tenace entre les détenus et les autorités militaires. Jusqu'alors, les gardiens avaient toujours réussi à empêcher les suicides, craignant l'impact de la mort de détenus dans le monde musulman. Pour cela, diverses tactiques avaient été utilisées : multiplication des patrouilles, alimentation forcée des grévistes de la faim, lecture de passages du Coran condamnant le suicide.

Le 16 mai 2006, une émeute a éclaté dans le camp 4. Selon des témoignages rapportés dans la presse, des détenus ont tendu un guet-apens aux gardiens. Ayant tapissé d'excréments le sol de leur chambrée et simulé un suicide pour attirer les gardiens, ils les ont attaqués avec des armes de fortune (5) jusqu'à ce que les militaires ouvrent le feu avec des balles en caoutchouc et des grenades fumigènes. Selon les dires des responsables, c'est au moment de la fouille des chambrées et à l'examen des corans mis à la disposition des détenus, que les affrontements les plus graves se seraient produits. Rappelons que le camp 4 est le quartier le moins strict, où les détenus en tenue blanche, considérés comme « coopératifs », vivaient en chambrée de dix et circulent librement dans l'enceinte dont les grillages sont recouvert d'un tissu synthétique de couleur verte. À la suite de ces affrontements qui ont, toujours selon la version officielle, provoqué des dégâts importants aux infrastructures, le camp 4 avait été provisoirement fermé et les détenus transférés provisoirement dans d'autres camps.

Nous avons constaté que le camp 4 est à nouveau ouvert mais que le nombre de détenus par chambrée a été réduit à cinq. Des caméras sont visibles partout. Des affiches reproduisant notamment l'article 3 des Conventions de Genève ainsi que le règlement interne du camp ont été placardées ainsi que des photocopies d'articles anodins provenant de la presse de certains pays musulmans. Une classe pour l'enseignement des langues ou l'apprentissage à la lecture a été aménagée. Elle comporte des tables métalliques fixées au sol et des chaises en plastique. Des anneaux de fixation munis de sangles destinés à entraver les pieds des détenus sont visibles au sol. Cette classe, dans laquelle figure un petit écran, fait également office de salle de cinéma. Selon les autorités du camp, près de 300 films, la plupart d'anciens documentaires ou des films sportifs, sont accessibles aux détenus. Des livres et des revues soigneusement sélectionnés sont régulièrement proposés aux détenus. Des bacs à plantation sont mis à la disposition des détenus qui y cultivent quelques légumes. Lors de notre passage dans le camp 4 nous n'avons remarqué aucune réaction particulière de la part des détenus, des hommes à la barbe fournie, avec une chéchia sur la tête. Ces détenus peuvent sortir plusieurs fois par jour dans les espaces côtoyant leurs geôles.

L'émeute de mai 2006 a permis de mesurer le degré de solidarité entre les détenus et a également permis d'identifier ceux qui résistaient à la pression de « leaders » autoproclamés. Cela dit, il semble, d'après nos sources, que de nombreux détenus soient encore sous la coupe d'un « leader politique ».

7. Par contre, selon les dires du conseiller islamique déjà rencontré lors de notre première visite, les tensions sont aujourd'hui moins fortes. L'espoir semble reprendre le dessus depuis les transferts de nombreux détenus et la visite d'une délégation saoudienne. Les agitateurs ne représentent plus qu'une minorité et la plupart d'entre eux sont identifiés. Il reconnaît cependant l'existence d'une « direction occulte » qui exerce une pression sociale sur l'ensemble des détenus. Il faut relever que le conseiller islamique dont question enseigne chaque jour une ou deux expressions en arabe aux gardiens afin de leur permettre d'identifier certains messages en provenance des détenus. Ceux-ci communiquent entre eux d'un camp à l'autre. Selon ses dires, la nuit quand tout est calme, les voix des détenus s'entendent facilement de camp à camp. Nous avons pu vérifier lors de notre visite dans les camps 5 et 6 que des détenus invectivent les gardiens et communiquent entre eux.

Outre la perspective d'un transfert éventuel, le climat dans le camp 4 semble avoir changé parce que les détenus perçoivent de réelles améliorations dans leur vie quotidienne : organisation de cours de langue, apprentissage à la lecture, projection de films et affichage de nouvelles (voir plus haut). Cela dit, la pression sociale demeure forte et peu de détenus osent s'opposer aux consignes données par les « leaders ».

8. L'aumônier rencontré, qui selon ses dires, prend en charge la santé spirituelle et mentale des gardiens et de tous ceux qui sont en charge des interrogatoires, n'a aucun contact avec les détenus. Il s'occupe de l'organisation des services religieux tant catholique que protestant. Il estime jouer un rôle dans la gestion du stress car il est souvent en première ligne avant l'unité de gestion du stress. S'il détecte parmi les gardiens des comportements inhabituels ou dépressifs, il le signale immédiatement. À la question de savoir s'il était parfois confronté à de l'agressivité chez certains gardiens qui retireraient du plaisir dans leur relation de pouvoir sur les détenus, il a répondu que ce type de situation était rare mais que s'il détectait pareil comportement, il était de son devoir de le signaler immédiatement à la hiérarchie.

La responsable des gardiens a rappelé que chaque gardien était identifiable par les détenus grâce à son numéro cousu sur son uniforme et que toute plainte émanant d'un détenu donnait lieu à une enquête. Des briefings quotidiens sont organisés pour rappeler aux gardiens, notamment aux nouveaux venus, le respect d'un certain nombre de règles.

9. Il nous faut une fois encore constater que le centre de détention de Guantanamo Bay continue de susciter de nombreuses questions et réactions. Nous avons, dans notre rapport précédent, fait écho d'interrogations sur la qualité des renseignements collectés auprès des détenus, de même que sur leur degré de dangerosité. En ce qui concerne ce dernier point, le fait qu'un grand nombre de détenus aient été libérés ou transférés démontre de manière évidente que beaucoup d'entre eux se sont retrouvés à Guantanamo Bay presque par hasard à cause de leurs fréquentations suspectes ou parce qu'ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment.

En revanche, ceux des détenus qui viennent d'être transférés dans le centre de détention en provenance de prisons secrètes de la CIA sont incontestablement des hommes qui sont directement impliqués dans des opérations terroristes ou du moins soupçonnés d'appartenir à la mouvance Al-Qaida. La plupart d'entre eux ont probablement déjà livré des informations importantes et devraient, si l'imbroglio juridique est dénoué, être jugés prochainement par les « commissions militaires ».

On peut toutefois se demander une fois de plus si Guantanamo Bay est d'abord un centre de détention ou un site servant à la collecte de renseignements. On a, en effet, le sentiment que l'incertitude demeure chez les responsables militaires du Commandement Sud de l'Armée (SOUTHCOM), même si les autorités du centre de détention continue d'affirmer que les renseignements obtenus auprès des détenus ont permis de sauver de nombreuses vies et de mieux connaître le fonctionnement des groupes terroristes liés à Al-Qaida. Actuellement, près de 115 détenus seraient régulièrement interrogés. Des renseignements utiles aux opérations militaires en cours en Afghanistan seraient collectés. D'après le responsable des services de renseignements du centre, certains détenus Afghans donneraient encore des informations sur la topographie compliquée de lieux situés en Afghanistan. Nous ne sommes pas en mesure de confirmer ou d'infirmer ses dires. Nous ne pouvons nous baser que sur les seules sources officielles disponibles. Il est cependant avéré que la majorité des détenus ne subissent plus que quelques interrogatoires par an et l'on peut dès lors s'interroger sur la qualité des renseignements obtenus après trois ou quatre ans de détention.

10. Nous avons souligné dans notre rapport précédent certaines carences en matière de collecte et de partage des renseignements. Rappelons le manque de coordination entre les différentes agences de renseignements, voire les rivalités entre elles ainsi que la rétention d'information classifiées à l'égard de services de renseignements étrangers. Cette situation engendre des conséquences négatives, puisque chacune des agences ne connaît pas nécessairement les informations apprises par d'autres, ou même — pire encore — fournit involontairement des indices importants au détenu pour savoir ce que l'on connaît déjà sur lui.

Selon nos sources, le DoD partage volontiers ses informations avec d'autres services, alors que la CIA, par exemple, conserve pour elle les renseignements les plus importants. Ces confusions s'expriment également dans le fait que les analystes livrent des rapports très inégaux, sans standardisation ni supervision des résultats écrits, et que ceux-ci ne sauraient être considérés comme des « produits finis » du point de vue du renseignement. Découlant des interrogatoires, beaucoup de ces rapports ne seraient lus que par peu de gens, voire par personne. En outre, il faut rappeler que les initiatives pour créer une base de données centralisée n'ont été prises que deux ans après l'établissement du centre de détention, ce qui fait que beaucoup d'informations ne s'y sont trouvées que tardivement.

Lors de notre visite en mars 2006, nous avons constaté que le niveau des personnes chargées des interrogatoires était très variable. La majorité d'entre eux sont des réservistes ou des personnes travaillant sous contrat pour une durée déterminée. A peine quelqu'un maîtrise-t-il le sujet ou une langue parlée par les détenus, qu'il se trouve déjà remplacé, une situation qui crée une instabilité que certains détenus peuvent exploiter à leur profit. Cette instabilité n'est guère propice à la création d'un climat de confiance avec les interrogateurs et n'incite pas les détenus à coopérer puisqu'ils savent déjà qu'ils auront quelqu'un d'autre face à eux quelques mois plus tard. Nous avons signalé ce problème lié à la rotation des personnels dans notre rapport précédent.

Il semble que la plupart des contractants ou contractantes présents à Guantanamo Bay soient des strategic debriefers, entraînés à obtenir des informations de personnes faisant défection ou de détenus coopératifs — rarement le profil de certains présumés terroristes appartenant à la mouvance Al-Qaida. Or, mener un interrogatoire ne s'improvise pas : il faut des années d'expérience. Selon nos sources, à quelques exceptions près, la plupart de ceux ou celles envoyés à Guantanamo Bay ne possèdent pas ces compétences. En outre, actuellement des contractants de plus en plus jeunes sont envoyés sur place qui n'ont qu'une connaissance basique de la mouvance complexe d'Al-Qaida. Après la lecture d'un ou deux livres sur le sujet, ils reçoivent une formation de quatre semaines au Pentagone pour mener des interrogatoires, puis débarquent à Guantanamo Bay, munis de ce seul bagage. Face à de tels interlocuteurs, qui se montrent souvent trop imprécis, certains détenus (notamment Saoudiens) qui méprisent les Américains, se sentent en position de force. A cela s'ajoute le fait que beaucoup d'interrogateurs partent du principe que les détenus ne coopéreront jamais et se sentent ainsi, psychologiquement, battus d'avance.

Il est difficile de vérifier ces affirmations car les interrogateurs sont tenus au secret professionnel. Selon nos sources, elles sont toutefois fiables. Quoiqu'il en soit, elles stimulent l'indispensable réflexion, comme nous l'avons mentionné dans notre précédent rapport, sur une meilleure coordination entre les services de renseignement et le partage des informations nécessaires pour lutter contre le terrorisme international.

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MessageSujet: Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Section IV. Conclusions et recommandations   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty31/1/2009, 11:40

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Section IV. Conclusions et recommandations

A. Conclusions

1. Nous constatons que l'Administration américaine actuelle continue à privilégier l'option militaire dans la lutte contre le terrorisme. Comme nous l'avons indiqué dans notre rapport précédent, toute son argumentation juridique repose sur ce terme de « guerre » et contraste de manière générale avec l'approche européenne et de celle de la majorité des États participants de l'OSCE qui criminalisent le terrorisme et privilégient les procédures pénales normales. Dans l'optique américaine, les procédures prévues par la « Military Commissions Act » de 2006 répondent donc à une logique implacable même si elles sont contestées par de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme et les avocats des détenus. Cela dit, nous constatons que le monde judiciaire américain a regagné du pouvoir. Désormais, les enjeux juridiques sont clairement sur la table : nul ne peut prévoir, à ce stade, si les « commissions militaires » fonctionneront normalement dans le cadre de la loi précitée, ou si de nouveaux rebondissements juridiques sont à attendre. Le dernier rebondissement date du 29 juin dernier, lorsque la Cour suprême s'est dite prête à examiner la demande de détenus de Guantanamo Bay qui estiment avoir le droit de contester leur détention auprès de juges fédéraux. Rappelons qu'en avril 2007, la même Cour avait refusé de se pencher sur les demandes de ces détenus. Les juges ont fait savoir qu'ils étudieraient deux recours lors de la prochaine session, qui débutera en octobre prochain. La situation est donc loin d'être totalement clarifiée;

2. Nous relevons que l'Administration américaine a repris à son compte l'idée formulée dans la recommandation 10 de notre précédent rapport, à savoir qu'il serait utile qu'une commission internationale d'experts juridiques poursuive une réflexion approfondie sur un éventuel développement du droit humanitaire international en ce qui concerne la question générale des « nouvelles catégories de combattants » et de l'évolution récente du terrorisme international. De manière générale, l'idée d'adapter le droit humanitaire international fait son chemin. Il conviendrait qu'une initiative soit prise dans ce sens dans le cadre du CICR ou par un groupe de pays membres de l'Union européenne ou de l'OTAN;

3. Nous constatons également que le débat politique interne aux États-Unis s'est intensifié sur la question de la fermeture du centre de détention de Guantanamo Bay et que des évolutions politiques sont à attendre;

4. Il nous semble aujourd'hui évident qu'avec le transfert, voire la libération de nombreux détenus, et l'arrivée d'individus, au profil plus net, à la dangerosité désormais incontestable, la prison est en train de changer de destination, d'autant que des moyens financiers ont été investis dans la construction d'un camp de haute sécurité (camp 6) et l'aménagement prochain de nouvelles infrastructures destinées aux « commissions militaires ». Il convient toutefois de souligner que le budget concernant ces infrastructures, dont la fabrication est en projet, a été réduit par le secrétaire d'État à la Défense, Robert Gates;

5. Nous constatons également que le transfert des détenus qui ne présentent plus aucune dangerosité est au cœur des préoccupations des responsables américains; que des efforts en ce sens sont déployés par le Département d'État et le DoD, efforts qui se heurtent souvent à des refus de la part des pays qui ont des ressortissants à Guantanamo Bay soit parce que ceux-ci ne veulent pas assumer leurs responsabilités; soit le plus souvent, parce que ces pays estiment que les conditions qui leur sont imposées par l'Administration américaine sont trop lourdes au regard de leur propre législation, notamment dans le domaine humanitaire. Beaucoup de ces pays ne sont pas en mesure de contrôler les mouvements des ex-détenus et ne possèdent pas d'infrastructures pénitentiaires suffisamment sécurisées pour garantir que ceux-ci ne retourneront pas au combat;

6. Une des recommandations du rapport de juillet 2006 suggérait aux États participants de l'OSCE qui ont encore des ressortissants à Guantanamo Bay, de négocier le transfert de leurs nationaux, ou éventuellement d'accueillir sur leur territoire des non nationaux, et cela, éventuellement avec l'assistance d'organisations internationales compétentes (CICR, etc.).

Votre rapporteuse a pris l'initiative d'adresser des courriers dans ce sens, y compris aux États non participants de l'OSCE, mais qui ont des ressortissants à Guantanamo Bay. En ce qui concerne l'accueil des ressortissants, les réponses vont généralement dans le même sens. Dans la plupart des cas, elles sont favorables et confirment que des négociations ou des transferts sont en cours. Ces négociations sont parfois difficiles. Ainsi, la Chine a demandé à plusieurs reprises que les détenus de nationalité chinoise soient rapatriés et déploré que certains de ses ressortissants aient été transférés par les États-Unis en Albanie. D'autres pays, comme le Bahrein ou le Koweit, sont disposés à assumer leurs responsabilités et confirment que des négociations sont en cours avec les Autorités américaines. L'Algérie, sous réserve d'un accord portant sur les modalités pratiques des transferts, a marqué son accord. D'autres pays encore, comme le Yémen, exigent que les États-Unis fournissent les preuves et informations relatives à la culpabilité des détenus mais sont prêts à faire les gestes nécessaires pour que leurs ressortissants soient rapatriés. Il en va de même du Kazakhstan qui souhaite accueillir ses ressortissants pour autant qu'ils ne se soient pas rendus coupables d'activités terroristes.

En ce qui concerne le courrier relatif à l'accueil de détenus non nationaux, les réponses reçues sont extrêmement variables. Elles sont souvent de caractère diplomatique. Ainsi, les pays membres de l'Union européenne émettent des avis négatifs invoquant des raisons juridiques ou politiques. D'autres pays évoquent leur manque de moyens, notamment en matière de surveillance. En revanche, l'Albanie qui a déjà accueilli des détenus de nationalité chinoise, vient de faire savoir qu'elle examinera favorablement la possibilité de recevoir sur son territoire d'autres détenus non nationaux, dans la mesure de ses capacités limitées.

Le transfert des détenus qui ne sont plus considérés comme « Enemy Combatant » est important car leur maintien à Guantanamo Bay risque de renforcer leur radicalisme et donc leur possible recrutement par des réseaux islamistes. L'hypothèse de les placer sous la responsabilité d'une organisation internationale qui accepterait de négocier leur accueil dans des pays tiers pourrait être explorée rapidement. Un détenu transférable qui serait pris en charge par chacun des pays membres de l'Union européenne équivaudrait à régler le problème des 25 détenus en attente.

B. Recommandations

Votre rapporteuse :

1. Constate que malgré les pressions internationales et les prises de position de nombreux chefs d'État et de gouvernement, le centre de détention de Guantanamo Bay est toujours opérationnel;

2. Prend acte que le statut juridique de la détention, des procédures à mettre en place ainsi que de la fermeture du centre, font l'objet d'importants débats aux États-Unis entre Démocrates et Républicains et que les candidates et candidats aux élections présidentielles de 2008 se déterminent sur ces problèmes qui concernent prioritairement les États-Unis et leur image dans le monde;

3. Prend acte que le nombre de détenus est en constante diminution du fait de leur transfert vers leur pays d'origine ou vers un pays tiers; que les négociations se poursuivent entre les États-Unis et les pays qui ont des ressortissants à Guantanamo Bay et qu'il y a actuellement 81 détenus considérés comme transférables;

4. Constate qu'un certain nombre de détenus présumés dangereux ont été transférés à Guantanamo Bay en provenance de prisons secrètes de la CIA, dans le but d'y être jugés par des « commissions militaires »;

5. Constate que lesdites « commissions militaires » ont été mises en place après le vote du « Military Commissions Act » (MCA) en septembre 2006 par le pouvoir législatif des États-Unis, mais que leur fonctionnement se heurte toujours à de nombreuses objections d'ordre juridique malgré le fait que les Autorités affirment qu'elles instruiront les procès avec impartialité et offriront toutes les protections dont bénéficient les inculpés devant les tribunal pénaux de l'État fédéral et devant les cours martiales de l'armée;

6. Recommande aux Autorités américaines de tout mettre en œuvre, quelle que soit la formule juridique finalement choisie afin que les droits des détenus à un procès équitable et transparent soient préservés;

7. Constate, après sa visite du centre de détention de Guantanamo Bay, que les Autorités américaines traitent désormais les détenus conformément à l'article 3 commun des CG, ainsi que conformément aux lois américaines prohibant la torture ainsi que les traitements cruels, inhumains ou dégradants et les traitent, en fait, comme s´ils étaient des prisonniers de guerre;

8. Recommande aux Autorités américaines de veiller spécialement à ce que les détenus en voie d'être transférés ou libérés puissent échapper à la pression, voire au contrôle, du groupe des détenus les plus radicaux;

9. Recommande aux Autorités américaines de respecter leurs engagements en ce qui concerne les garanties élémentaires prévues par le droit humanitaire international actuel en rappelant toutefois la nécessité de moderniser celui-ci (voir point 13);

10. Recommande aux États participants à l'OSCE qui ont encore des ressortissants dans le centre de détention de Guantanamo Bay de redoubler d'efforts afin que ceux-ci soient transférés au plus tôt sur leur sol pour y être éventuellement jugés s'il appert qu'ils sont coupables d'activités terroristes;

11. Suggère d'encourager les contacts entre les Autorités américaines et certaines organisations internationales susceptibles, dans le cadre de leurs compétences, de jouer un rôle dans le transfert de certains détenus; une équipe restreinte d'experts internationaux agréés par les Autorités américaines pourrait intervenir dans les modalités de transfert;

12. Recommande que les Autorités américaines mettent tout en œuvre pour déclassifier des informations pertinentes dans la lutte contre le terrorisme et s'engagent à partager les renseignements utiles avec les États participants à l'OSCE, afin notamment de faciliter les transferts de certains détenus;

13. Recommande une fois de plus la création d'une commission internationale d'experts juridiques chargés de poursuivre la réflexion sur un éventuel développement du droit humanitaire international en ce qui concerne la question générale des « nouvelles catégories de combattants » au regard de l'évolution récente du terrorisme international; cette commission internationale devrait s'interroger sur le fait de savoir si des instruments supplémentaires ne sont pas nécessaires pour contrer ou prévenir ces menaces nouvelles pour la paix et la sécurité internationales, en ce compris le statut des prisonniers de ces nouveaux conflits asymétriques, compte tenu du flou juridique et les pratiques actuelles;

14. En conséquence de ce qui précède, exhorte les Autorités américaines, à tout mettre en œuvre afin que le centre de détention de Guantanamo Bay, qui continue à nuire à la réputation démocratique des États-Unis, soit fermé et les détenus transférés sans délai.


Dernière édition par Biloulou le 28/2/2009, 14:28, édité 1 fois
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MessageSujet: C'est malheureux   Rapport de l'OSCE sur le centre de détention de Guantánamo - Introduction Empty28/2/2009, 09:21

Si au lieu de s'appeler Guantánamo, ça s'appelerait Guantanamera, on aurait pu en faire une chanson, du genre, style comme Cool




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