Une enquête choc des journalistes Serge Bilé et Audifac Ignace («Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ? Enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican », Ed. Pascal Galodé) dénonce le racisme et l’exploitation que subissent des religieux africains à Rome. Certaines nonnes reconnaissent même louer leurs charmes auprès d’ecclésiastiques.
VSD. Pourquoi vous êtes vous intéressés au racisme au Vatican ?
S.B. En 2005, je présentais mon livre (1) à Turin quand une vieille dame m’a remis la photocopie d’un télégramme adressé par le Saint Siège aux Alliés en janvier 1944 : le pape Pie XII demandait qu’aucun soldat noir ne stationne à Rome (les alliés refusèrent). J’ai aussi appris que le futur Pie XII, alors qu’il était nonce apostolique en Allemagne après la Première guerre mondiale, avait réclamé le départ des soldats noirs de l’armée française qui occupaient la Ruhr.
J’ai aussi relevé qu’en 1935 Pie XI avait approuvé l’invasion par Mussolini de l’Ethiopie (indépendante et chrétienne). Rappelons que, dans la Bible, Cham, fils de Noé, est censé noircir à cause de ses péchés (2). Et que St Maurice était Noir mais est représenté en Blanc (3). Je me suis donc demandé si ce racisme perdurait.
VSD. Ce racisme est-il toujours aussi prégnant ?
S.B. Depuis le Concile de Vatican II (1962-1965, ouvre l’Eglise à la tolérance œcuménique et à la modernité NDLR), le racisme est plus feutré. Jean-Paul II avait fait un grand pas en direction de l’Afrique. Mais un ecclésiastique camerounais nous a confirmé que le racisme est encore présent dans certains couvents et au Vatican. Le climat politique de l’Italie de Berlusconi peut l’alimenter. Notons que Benoît XVI veut réintégrer les intégristes, qui refusent Vatican II.
VSD. Vous évoquez le cas de prêtres africains sans-papiers.
S.B. Il s’agit de prêtres africains venus étudier à Rome et, qui faute de moyens, se font payer pour dire la messe. Ils accumulent les heures de travail, manquent les cours, ratent leurs études et finissent sans-papiers, SDF. Ils sont une centaine dans ce cas, et sont aidés par la communauté de San’ Edigio.
VSD. Vous avez même interviewé des religieuses africaines qui se prostituent ! Comment une telle situation est-elle possible ?
S.B. En Afrique, nombre de femmes rentrent dans les ordres sans véritable vocation, pour échapper à la misère. En Italie, les congrégations subissent une crise des vocations : elles ont donc besoin de ces religieuses africaines, comme main d’œuvre dans leurs maisons de retraites. Ces nonnes travaillent de 6h à 20h, sans un centime, et se sentent souvent discriminées par rapport aux nonnes italiennes. Leurs papiers sont parfois confisqués par la mère supérieure.
Certaines finissent donc par céder aux avances d’ecclésiastiques : une nonne témoigne avoir des relations tarifées avec deux évêques, un Français et un Sud-américain... Une demi-douzaine de nonnes séropositives ont été renvoyées en Afrique sans le moindre soutien financier ou moral –nous avons retrouvé au Congo le père de l’une d’elles. Une soeur congolaise tient même une véritable filière de prostitution. En 2001, un rapport dénonçait déjà les abus sexuels dont sont victimes des nonnes de la part de prêtres dans 23 pays.