La visite avortée de Bernard Kouchner NOUVELOBS.COM | 23.10.2009 | 12:29
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Info nouvelobs.com
Le ministre a renoncé à se rendre à Jérusalem et Ramallah en raison,
officiellement, d’un emploi du temps trop chargé. Mais il y a d'autres
explications officieuses. Bernard Kouchner (Sipa) Vers
l’Orient compliqué, Bernard Kouchner risque de s’envoler ce soir avec
des idées sombres. La visite que devait faire le ministre français des
Affaires étrangères, en fin de semaine en Israël et dans les
territoires palestiniens, après être passé par Beyrouth et Damas, a été
annulée et son voyage de quatre jours dans la région va se limiter à
une visite à Beyrouth. Selon le Quai d’Orsay, le ministre a renoncé à
se rendre à Jerusalem et Ramallah en raison d’un emploi du temps trop
chargé au début de la semaine suivante, lié à une réunion des ministres
des Affaires étrangères de l’Union Européenne. Cette explication
convainc d’autant moins que la visite était en préparation depuis la
semaine précédente et que le ministre était évidemment au courant de
ses engagements pour les jours et les semaines à venir lorsqu’il a
proposé ses dates aux responsables israéliens.
Les véritables explications sont donc ailleurs. Les sources informées,
à Jérusalem, en fournissent deux qui, d’ailleurs, se complètent.
L’épine du Rapport GoldstonePremière explication : Le gouvernement israélien a refusé à Bernard
Kouchner l’autorisation d’entrer dans la bande de Gaza. Le ministre
entendait se rendre dans le territoire palestinien dont les accès sont
contrôlés par Israël, pour inspecter les travaux, entrepris grâce à
l’aide de la France, à l’hôpital al-Qods, gravement endommagé lors de
l’opération israélienne « Plomb durci » en décembre 2008 et janvier
2009. A la demande personnelle de Nicolas Sarkozy, Benjamin Netanyahou
avait autorisé, il y deux mois, la France à prendre en charge ce
chantier. Mais le premier ministre israélien estime aujourd’hui qu’une
visite du ministre français pourrait être exploitée par le Hamas pour
créer un évènement médiatique en exposant de façon spectaculaire les
dégâts provoqués par l’armée israélienne. Et pour le ministre français,
il est difficile de se rendre ces-jours-ci dans les territoires
palestiniens sans faire au moins un passage par l’hopital al-Qods.
Deuxième explication : Netanyahou et les dirigeants israéliens n’ont
pas caché, la semaine dernière, leur déception et leur mécontentement
de voir la France s’abstenir au Conseil des droits de l’homme des
Nations Unies lors du vote sur le « Rapport Goldstone ». Leur mauvaise
humeur et l’interdiction d’entrer à Gaza peuvent aussi s’expliquer
ainsi. Curieusement, les Palestiniens, qui auraient pu se réjouir de
constater que le France n’avait pas joint sa voix à celles des
Etats-Unis, de l’Italie ou des Pays-Bas, qui ont voté contre l’adoption
du rapport, ne sont pas non plus satisfaits du choix de Paris dont ils
espéraient une prise de position claire et un vote favorable à
l’adoption du document. – qui fut finalement adopté par 25 voix contre
6.
Guéant et Lévitte sont passés avant…Les déboires de Bernard Kouchner, dans l’organisation de ce voyage, ne
se limitent pas à l’étape israélo-palestinienne : l’escale à Damas,
initialement prévue, a également été supprimée lundi. Aucune
explication convaincante de cette décision n’a été fournie, à ce jour,
par la France ou la Syrie. Le porte-parole du Quai d’Orsay, Bernard
Valero, a indiqué mardi que ce report était dû à des « raisons de
construction du programme, de compatibilité d’horaires de rendez-vous,
etc ». Un élément d’explication est peut-être à chercher dans la
décision syrienne de ne pas signer le 26 octobre, comme l’escomptaient
les Européens, l’Accord d’association entre l’Union européenne et la
Syrie. Le régime de Damas, qui n’avait pas caché son mécontentement
lorsque l’accord avait été « gelé » en 2004 par l’Union européenne,
s’est déclaré « surpris » d’apprendre que les Européens entendaient
signer le 26 octobre et souhaite aujourd’hui prendre son temps pour «
examiner tous les détails de cet accord ». Par ailleurs, on ne peut
exclure un geste de mauvaise humeur de Damas après la condamnation,
lundi, par Paris, de l’arrestation à Damas d’un défenseur des droits de
l’homme, l’avocat Haytam Al Maleh. Ces déboires syriens soulignent la
différence de traitement réservée par Damas aux visiteurs officiels
français selon qu’ils représentent le président de la République ou le
ministère des affaires étrangères. Deux semaines avant la rebuffade
affrontée par Bernard Kouchner, le secrétaire général de l’Elysée,
Claude Guéant, et le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy,
Jean-David Levitte, s’étaient rendus à Damas où ils avaient été reçus
le 3 octobre par le président syrien Bachar al-Assad à qui ils avaient
remis un message de son homologue français portant, selon l’agence
syrienne Sana, « sur les développements au Proche-Orient ». Le voyage
de Bernard Kouchner se limitera donc à un aller-retour à Beyrouth pour
y rencontrer le chef de l’Etat, d’autres responsables politiques et
participer à une table ronde au Salon du livre francophone. Là encore,
il a été précédé par un émissaire de l’Elysée. Le conseiller de Nicolas
Sarkozy, Henri Guaino s’est rendu à Beyrouth, lui aussi, le 4 octobre,
où il a été reçu par le président Michel Sleimane. Cela dit, Bernard
Kouchner n’a pas renoncé à se rendre dès que possible en Israël et dans
les territoires palestiniens. Selon le Quai d’Orsay, une visite serait
en préparation et pourrait se dérouler à la mi-novembre.