11 juillet 2010
“Ils
ne dompteront pas le fier Lion de Flandre” Les Français l’ont un peu oublié, mais le 11 juillet
1302, les chevaliers de Philippe IV le Bel se sont fait écraser par des
paysans flamands. Acculés dans les marais de Groeninge, près de
Courtrai, les soldats ont été copieusement massacrés par les milices
locales armées de goedendag.
Victorieux, les Flamands ont pris le soin de dépouiller les nobles de
leurs éperons, ces tiges de métal fichées à l’arrière des bottes des
cavaliers et qui servaient à diriger les chevaux.Transformée en grande fresque romanesque par l’écrivain Hendrik
Conscience en 1838, cette bataille, dite des Éperons d’or, est célébrée
chaque année en Flandre. Devenu fête nationale, le 11 juillet est
particulièrement commémoré à Courtrai. Troupiers en habit d’époque,
fanfare, chorale et simples badauds quittent la place du musée pour
rejoindre la clairière où se seraient déroulés les combats. La plupart
des participants ont plus de cinquante ans, il fait une chaleur de
plomb, mais la marche est joyeuse.
En fin de parcours, une centaine de chaises en plastique ont été
disposées au pied du monument de Groeninge. Construite par Godfried
Devreese, l’immense statue en bronze doré représente la Vierge des
Flandres maîtrisant un lion déchaîné. En face de l’édifice sont plantés
deux grands éperons entrelacés et dominés de flambeaux. Une fine pluie
piquette les bannières noires et or. Les tambours se sont tus. Dans la
clairière détrempée s’élève l’hymne flamand (traduit ici).
“Ils
ne le dompteront pas, le fier Lion de Flandre”
Comme le souligne Maxime, jeune flamingant de 21 ans
originaire de Courtrai, il s’agit
“davantage d’un meeting politique
que d’une commémoration”. Lui milite depuis cinq ans au Vlaams
Belang, un parti d’extrême droite qui réclame l’indépendance de la
Flandre. A l’en croire, l’immense majorité des Flamands est favorable à
la sécession du pays.
“Nous sommes les plus nombreux : 6 millions de
néerlandophones contre 4 millions de Wallons. Une majorité soumise à une
minorité qui vampirise notre économie et notre culture. Le français
domine tout. Notre langue est menacée et nous voulons que ça cesse.”Embarrassés par leur défaite aux dernières
élections législatives, les barons du parti chrétien démocrate
(CD&V) font profil bas. Kris Peeters, le ministre président de la
région flamande, est mollement applaudi par une foule acquise aux idées
radicales. Dans les rangs des participants, le nom de Bart de Wever,
leader de la nouvelle alliance flamande (NVA) et militant séparatiste,
circule comme un mantra. Avec 28,2 % des voix, son parti est arrivé en
tête du dernier scrutin.
Quand les discours cessent, une chorale entonne des
chants nationalistes. Certains l’accompagnent, la main sur le coeur,
pendant que d’autres agitent des drapeaux. Comme tout le monde, nous
avons reçu un chansonnier avec les paroles des principaux hymnes. Pour
deux étrangères, l’atmosphère est assez lourde, mais Faben van Eeckhaut,
journaliste politique à la RTBF nous assure que la réunion est
“beaucoup
moins oppressante qu’il y a encore quelques années” :
“Un
gadget historique”
P
our Josef van den Bogaerd, 69 ans, la célébration du 11
juillet, c’est surtout l’occasion de prendre l’air. Debout à l’écart de
la foule, il discute sous les arbres avec Marita van den Boffshe, une
fringante septuagénaire tout de jaune et de noir vêtu. Né et élevé à
Courtrai, le vieil homme nous explique qu’il assiste chaque année aux
commémorations, mais contrairement à la majorité des participants, il ne
souhaite pas l’éclatement du pays.
“Je suis un peu anarchiste,
dit-il.
Toutes ces revendications flamingandes, c’est des conneries.
J’aime ma langue, je suis fier d’être Flamand, mais il faut séparer
notre intelligence et notre coeur.”La bataille des Eperons d’or, selon lui, c’est de la
littérature.
“On la célèbre parce que c’est une victoire flamande,
mais il y a eu d’autres événements moins glorieux “. En 1382,
par exemple, les Français ont vaincu et incendié la ville.
“Etrangement,
ironise Josef,
cette bataille-là, les Flamands l’ont un peu oublié”.