Le plan inédit de Mark Eyskens pour « réformer fondamentalement la Belgique »
Rédaction en ligne
mercredi 11 août 2010, 09:11
« Le point de départ de mon raisonnement est de trouver une formule qui évacue BHV, ce qui permettrait d’engager une négociation sur le fond de nos problèmes. » Par Mark Eyskens (CD&V), ministre d’État
© Dominique Rodenbach
Les dernières années l’impression a prévalu que la Belgique s’enlisait progressivement dans une situation comparable à celle de la IVe république en France, due à l’indécision endémique et à l’impossibilité pour les deux grandes communautés de coopérer. Les élections du 13 juin ont, espérons-le, ouvert une fenêtre d’opportunité propice à la négociation d’un pacte communautaire. Il faut mettre fin aux angoisses réciproques, les francophones et leurs communautés craignant d’être abandonnés à leur sort par la Flandre et les Flamands appréhendant une communauté francophone allergique à toute réforme de l’État belge, tendant à responsabiliser davantage les Régions et les Communautés. Il est urgent de dessiner les contours d’une Belgique efficace et modernisée, capable de relever les énormes défis auxquels il faudra faire face, entre autres sur le plan économique et social. Cela ne sera possible que grâce à une profonde recomposition des institutions politiques du pays.
Les négociations gouvernementales sont entrées dans une phase cruciale. Toute percée importante sur la voie d’un nouveau pacte institutionnel semble entravée par le lancinant problème de BHV, dont l’intensité symbolique menace les acteurs politiques de perdre la face et de se casser la figure. Le point de départ de mon raisonnement est de trouver une formule qui évacue BHV, ce qui permettrait d’engager une négociation sur le fond de nos problèmes. Cela devrait aller de pair avec une vaste refonte de nos institutions politiques.
1. La Chambre et le Sénat devraient être fusionnés et transformés en un Parlement ou Congrès confédéral, disposant des compétences de la Chambre actuelle. Ce Parlement confédéral serait composé pour deux tiers de représentants issus des parlements régionaux et communautaires – ce qui aujourd’hui est déjà partiellement le cas pour le Sénat – et pour un tiers de représentants du niveau fédéral, élus dans une circonscription fédérale correspondant à l’entièreté du territoire de la Belgique. Les parlementaires seraient élus sans répartition communautaire préalable des sièges à pourvoir.
2. L’on pourrait dès lors supprimer les élections parlementaires fédérales, ce qui aurait pour conséquence que le problème de BHV disparaîtrait spontanément. Les élections dans la circonscription fédérale coïncideraient avec les élections régionales et européennes, ce qui mettrait fin à l’actuelle fréquence élevée d’élections. Il serait aussi mis fin à la possibilité des candidats de se faire élire dans une assemblée dans laquelle ils ne comptaient pas siéger
3. La législature du Parlement ou Congrès confédéral s’étendrait sur cinq ans et coïnciderait avec la durée des législatures dans les parlements des entités fédérées. Le congrès confédéral ne pourrait pas être dissous en cours de législature, ce qui donnerait une plus grande stabilité au gouvernement fédéral.
4. Le Parlement confédéral exercerait les fonctions du législateur fédéral. Il serait en outre habilité à arbitrer les conflits d’intérêts entre les différents niveaux de pouvoirs de la Belgique (selon une procédure impliquant des majorités qualifiées).
5. En début de législature, le Congrès confédéral élirait en son sein un Premier ministre et cela pour une période de deux ans et demi, éventuellement renouvelable. Cette modalité ouvre la porte à une alternance des chefs de gouvernements fédéraux en fonction de leur appartenance linguistique. Les candidats ministres serraient préalablement entendus et évalués par une commission du Congrès confédéral.
6. Le Parlement confédéral pourrait à la majorité qualifiée des deux tiers (des membres et des présents) et une majorité dans chaque groupe linguistique modifier la répartition des compétences entre le fédéral et les entités fédérées, sans devoir appliquer la procédure actuelle de révision de la constitution (déclaration de révision et dissolution du parlement). L’article 195 actuel de la Constitution (NDLR : qui fixe les modalités de révision de la Constitution) serait dès lors modifié afin d’accorder au Congrès confédéral les compétences (permanentes) d’une constituante, sans dissolution parlementaire préalable.
7. Le Congrès confédéral approuverait le budget du royaume, à savoir le budget fédéral et les budgets des entités fédérées, préalablement approuvés au sein de leurs parlements. Ce budget global sera dorénavant et préalablement soumis pour évaluation à la Commission européenne, dans le cadre de l’harmonisation des politiques budgétaires de l’UE.
8. La frontière linguistique, les frontières des Régions et les facilités linguistiques actuelles ne pourraient être modifiées par le Congrès confédéral que moyennant une double majorité qualifiée : les deux tiers des membres et une majorité dans chaque groupe linguistique. Il en serait de même quant à une scission partielle ou totale de la sécurité sociale.
Cet ensemble de réformes comporte de très nombreux avantages :
– il crée un Congrès ou Parlement confédéral, épicentre de la politique fédérale mais avec une composante majoritaire régionale ;
– il prévoit la création d’une circonscription fédérale de nature à légitimer les représentants du pouvoir fédéral ;
– il résout BHV par sa disparition en tant qu’arrondissement électoral, suite à la suppression des élections parlementaires fédérales ;
– il renforce la légitimation démocratique du Premier ministre fédéral en le faisant élire par le Congrès confédéral ;
– il concentre toutes les élections, instaure des assemblées parlementaires indissolubles pendant cinq ans et donne une grande stabilité au gouvernement ;
– la révision de la constitution est rendue beaucoup plus facile au niveau de la procédure mais impliquerait de toute manière un accord entre les communautés (la procédure de la sonnette d’alarme pourrait dès lors être supprimée) ;
– le système concilie les intérêts des régions, des communautés et du niveau fédéral.