Trois vagues d’assauts nocturnes à main armée. Des cocktails Molotov et des bombes artisanales lancées contre des commissariats de police et des édifices publics, des agences bancaires, des supermarchés. Plus de cent bus urbains incendiés... Les mille quatre attaques lancées à São Paulo par l’organisation criminelle Premier commando de la capitale (PCC) en mai, juillet et août de cette année ont été d’une telle ampleur que, certains jours, elles ont paralysé cette ville, cœur économique et financier du Brésil, une des mégapoles les plus peuplées du monde avec ses vingt millions d’habitants. Les commerces ont fermé, la circulation s’est arrêtée, cinémas, théâtres et restaurants ou bars ont bouclé peurs portes. En juillet, deux millions de personnes se sont retrouvées du jour au lendemain sans transports publics (
1). Les gens s’enfermaient chez eux, terrorisés.
Le bilan officiel des trois épisodes fait état de trente-quatre policiers en civil ou en uniforme et de onze gardiens de pénitencier tués, ainsi que de cent vingt-trois civils exécutés en représailles par des groupes d’extermination qui seraient liés à la police de São Paulo (
2).
Le PCC est né en août 1993, dans un établissement pénitentiaire de Taubaté, à l’intérieur de l’Etat de São Paulo. Un régime d’une extrême rigueur : cellules individuelles, à peine deux heures de sortie à l’air libre par jour, interdiction des appareils de radio ou de télévision, des journaux, revues, livres ainsi que des visites dans l’intimité ; bains froids, vidange des toilettes actionnée depuis l’extérieur par des gardiens ne le faisant que lorsque l’air est déjà irrespirable ; repas ne méritant pas ce nom car agrémentés de cafards vivants... Qu’un prisonnier ose protester à voix haute, et il sera agressé à coups de tuyaux de fer.
Cela commence par un pacteLe directeur de ce bagne, José Ismael Pedrosa, ferme alors les yeux sur les mauvais traitements infligés par les geôliers. Il est connu pour avoir assuré la direction de Carandiru, en 1992, quand se produisit dans ce pénitencier de São Paulo la fameuse tuerie de cent onze détenus par une troupe de choc de la police militaire (Pedrosa allait être assassiné treize ans plus tard, en octobre 2005, dans une embuscade attribuée au PCC).
Mais, ce 31 août 1993, à Taubaté, après un an de demandes refusées, Pedrosa finit par autoriser un championnat de football entre les détenus. Seulement, le match programmé entre le Commando Caïpira – équipe de prisonniers originaires de l’intérieur même de l’Etat – et le PCC – nom adopté en opposition à celui de l’adversaire – n’a pas lieu. Quand les deux équipes se rencontrent à l’entrée de la cour où doit se dérouler la partie, le détenu José Márcio Felicio, « Geleiao » (« le gélatineux »), un mètre quatre-vingt-dix, cent trente kilos, saisit à deux mains la tête d’un rival et la fait pivoter pour lui briser le cou et le tuer sur-le-champ. La rixe générale qui s’ensuit ne prendra fin qu’après la mort d’un autre détenu, également de la main de « Geleiao ».