Un article de The Economist sous la loupe de Guy Milliere
(mercredi 18 février 2009)
Le magazine anglais « The Economist » posait récemment la question : Nicolas Sarkozy est-il un socialiste caché ? L’auteur répondait, pour partie, par l’affirmative. Je ne puis lui donner pleinement tort. Nombre de décisions prises par Nicolas Sarkozy depuis son arrivée à l’Élysée ne dépareraient pas dans l’action d’un dirigeant socialiste moderne en de nombreux endroits d’Europe.
Je ne puis, pour autant, pas définir le Président de la République par le socialisme. Mieux vaudrait, pour le qualifier, user d’un mot qu’il ne déteste pas : pragmatique. Celui qui se dit pragmatique prétend s’adapter aux situations, se fier à l’air du temps, humer l’atmosphère, et en arrive à changer de position et d’idées d’instant en instant.
Dans les mesures de Nicolas Sarkozy, il y a de tout, en effet, mais rien qui soit poussé jusqu’au bout. Faute de vraie réforme à même de relancer l’offre et l’esprit d’entreprise, Nicolas Sarkozy a mis en place ce qui s’est appelé le « bouclier fiscal ». Faute d’un retour à une flexibilité souhaitable sur le marché du travail et d’une effective baisse des charges, il a assoupli le régime des heures supplémentaires. Parce qu’il voulait capter l’électorat ouvrier, il a promis de sauver des emplois, comme chez Mittal à Gandrange, et il lui est arrivé d’employer en ce domaine des mots que n’aurait pas reniés Olivier Besancenot.
Parce que l’écologie lui semblait susciter divers engouements, il a mis en place un « Grenelle de l’environnement », maintenu le « principe de précaution » dans la Constitution, n’a rien fait pour lutter contre la phobie anti-OGM qui nuit tant aux entreprises de biotechnologie françaises et européennes. Il n’a rien fait non plus contre les coûteux délires des adeptes de la thèse du réchauffement global dû aux activités humaines.
Confronté à la crise financière, il adopte des mesures qui semblent un décalque au rabais de celles envisagées par Barack Obama aux États-Unis, et, comme Obama. Il essaie de redonner vaguement un peu de pouvoir d’achat aux couches les moins fortunées et, sous le nom d’« investissements », met en place une politique de grands travaux qui va creuser la dette publique, sans permettre à la France de redevenir un pays pleinement dynamique.
La suppression de la taxe professionnelle n’est qu’une opération cosmétique, dans la mesure où elle impliquera de trouver d’autres recettes pour combler le manque à gagner. La réforme universitaire, qui a suscité des remous, ces dernières semaines, n’est elle-même qu’une demi-mesure : donner de l’autonomie à des universités sans que celles-ci puissent fonctionner en concurrence et devenir des entreprises de transmission du savoir aboutit à une forme d’autogestion à la yougoslave, sans que les acteurs aient à assumer les responsabilités financières de leurs décisions.
L’opposition entre « capitalisme patrimonial » et capitalisme d’actionnaires relève d’une vision assez inepte du fonctionnement de l’économie contemporaine, et montre que personne à l’Élysée n’a vraiment compris la mondialisation des entreprises et des investissements. Les propositions sur le partage des profits reposent sur la même consternante incompréhension. Il existe en France des économistes compétents, mais on ne les écoute visiblement pas : on leur préfère des keynésiens, en oubliant au passage que les théories keynésiennes ont échoué partout où elles ont été mises en œuvre.
On pourra me dire que si la France et l’Europe se dirigent vers le naufrage et la ternitude, les États-Unis de Barack Obama en adoptant les méthodes qu’ils adoptent prennent la même direction.
La différence est que nombre d’Américains commencent à comprendre qu’Obama, en devenant Président, a franchi son seuil d’incompétence, car c’est de plus en plus visible. La différence est qu’aux États-Unis, une alternance est possible dès l’automne 2010 et que si, d’ici là, comme c’est probable, Obama offre davantage de preuves de son inaptitude à occuper la fonction présidentielle, les conclusions seront tirées.
En Europe, le déficit démocratique créé par la technostructure bruxelloise se fait sentir partout. En France, Sarkozy peut être considéré non pas comme ce qu’il y a de mieux, mais comme ce qu’il y a de moins pire. C’est infiniment triste.