Scoop : Castro soutient Israël (et dénonce l’antisémitisme d’Ahmadinejad) –
par Jean-Patrick Grumberg
Mercredi 8 septembre 2010 3 08 /09 /2010 15:56
Dans un article paru hier soir sur le site The Altantic (1), Jeffrey Goldberg révèle l’interview exclusif que vient de lui accorder Fidel Castro, lors d’une rencontre qui a eu lieu, à la demande d’El Commandante, à Cuba. Castro a lu l’article que Goldberg a publié sur le blog The Atlantic et intitulé « le point de non retour » (2) ou il couvre la situation triangulaire Etats Unis/ Iran/ Israël, et il a souhaité inviter son auteur pour lui faire part de son opinion, d’une part, mais, surtout, explique Castro, pour que Goldberg la transmette à Ahmadinejad et au reste du monde. Car Castro, explique Goldberg, est très préoccupé par la menace que représenterait une confrontation Etats Unis/ Iran au moyen Orient.
On apprend dans cette interview, dans un retournement qui devrait envoyer une onde de choc dans les milieux trotskystes mondiaux, que si Fidel Castro considère évidemment que les Etats Unis et Israël se dirigent de façon gratuite et précipitée vers le conflit avec l’Iran (après tout, Castro est le père de l’anti américanisme primaire et il a toujours été très critique vis-à-vis d’Israël, traitant l'état hébreu d'état nazi capable d'envoyer aux fours crématoires 1.5 millions de palestiniens s'il le pouvait), il n’a que des mots très durs en direction du nabot aux yeux de goret. « Ahmadinejad ferait bien de servir la cause de la paix en arrêtant de nier la Shoah, en reconnaissant l’histoire unique de l’antisémitisme, et en faisant l’effort de comprendre pourquoi les israéliens ont peut pour leur existence ». Un scoop vous disai-je.
Goldberg relate que Castro a commencé leur longue discussion en décrivant la première fois qu’il a été confronté à l’antisémitisme. Il avait cinq ou six ans et il vivait à la campagne. Ce qu’un enfant entendait à l’époque, le vendredi saint, pendant la semaine de pâques, était qu’il fallait se tenir calme car dieu était mort cette semaine là. Chaque année, on nous répétait que c’était la semaine ou dieu était mort. Qu’était il arrivé à dieu ? On nous expliquait que les Juifs l’avaient tué. « Les juifs ont tué dieu. Ils accusent les Juifs d’avoir tué dieu ! Vous vous rendez compte ? »
Fidel continua. « Je ne savais pas ce qu’était un juif. Je pensais que c’était un oiseau avec un grand nez. Je ne savais même pas pourquoi on les appelait comme ça. Voilà à quel point la population était ignorante ».
« Le gouvernement iranien devrait comprendre les conséquences de l’antisémitisme théologique, cela fait deux mille ans que ça dure. Je ne crois pas qu’un peuple ait été autant calomnié que les Juifs » (et ça continue de plus belle avec Israël, Note de JPG), explique Fidel Castro. « Les musulmans ont été calomnié aussi, mais les juifs l’ont été bien plus car on les tient pour responsable de tous les maux, et ils sont critiqués à tous propos. Personne ne reproche quoi que ce soit aux musulmans. Le gouvernement iranien doit comprendre que les Juifs ont été chassés de leur terre, persécutés et maltraités partout dans le monde, parce qu’on leur reproche d’avoir tué dieu. Selon moi, continue Castro, voilà ce qui leur est arrivé : une sélection négative. Qu’est ce que la sélection négative ? Pendant plus de deux mille ans, ils ont été victimes de terribles persécutions, et puis il y eut les pogroms. On pourrait s’imaginer qu’ils auraient disparu. Mais je pense que leur culture et leur religion leur a permis de rester une nation unie. Les Juifs ont vécu une existence qui est bien plus difficile que la notre. Il n’y a rien d’équivalent à l’holocauste. »
Jeffrey Goldberg demande alors à Fidel Castro s’il dirait à Ahmadinejad ce qu’il vient de lui dire ? « je vous le dit pour que vous puissiez le publier »
Castro analysa ensuite le conflit entre Israël et l’Iran. Il dit qu’il comprend la peur des iraniens d’une agression israélo américaine, et il ajouta que selon lui, les sanctions contre l’Iran et les menaces israéliennes ne feront pas renoncer le régime iranien à poursuivre sa quête de l’arme nucléaire. « le problème ne va pas se régler, car les iraniens ne plieront pas sous la menace, c’est mon avis » dit il. Et il ajoute : « l’Iran est un pays profondément religieux, contrairement à Cuba, et les leaders religieux sont moins capable de faire des compromis. Même un Cuba séculier a su résister à plusieurs demandes des Etats Unis depuis cinquante ans »
Castro craint la confrontation entre l’Ouest et l’Iran. Il craint qu’elle dégénère en un conflit nucléaire. « L’Ouest sous estime la capacité de l’Iran à faire des dégâts. Les hommes s’imaginent qu’ils peuvent se contrôler, mais Obama pourrait s’emporter, et cela pourrait dégénérer en une guerre nucléaire ».
Interrogé sur sa prise de position, en 1962 lors de la crise des missiles, ou Castro avait recommandé à l’URSS de bombarder les Etats Unis si ces derniers attaquaient Cuba, Fidel Castro répond : « Après avoir vu ce que j’ai vu, et appris ce que je sais, ça ne valait pas la peine »
Jeffrey Goldberg explique combien il a été surpris d’entendre El Commandante exprimer des doutes si profonds sur sa prise de position lors de la crise des missiles, mais ce qui le surprend plus encore, c’est la sympathie que Fidel Castro a montré envers les Juifs, et particulièrement envers le droit d’Israël a son existence, qu’il défendit de façon non équivoque.
Une seconde partie de cette interview qui dura trois jours est à paraître.
Jean-Patrick Grumberg
(1) http://www.theatlantic.com/international/archive/2010/09/fidel-to-ahmadinejad-stop-slandering-the-jews/62566/
(2) http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2010/09/the-point-of-no-return/8186