En parvenant à refroidir et à concentrer des grains de lumière ensemble, des chercheurs allemands ont créé des «superphotons». Cet objet physique inédit permettrait de graver plus finement que le laser les puces électroniques. La prouesse expérimentale est formidable. Presque incroyable. Une équipe de physiciens de l'université de Bonn est parvenue à créer un objet physique inédit dont la théorie supposait pourtant l'existence depuis presque un siècle: il s'agit d'
un condensat de Bose-Einstein constitué de photons. Pour dire les choses de manière (plus) simple, ils ont réussi à refroidir des grains de lumière jusqu'à atteindre une température proche du zéro absolu dans un espace si restreint qu'ils ont fini par se comporter comme une seule grosse particule. Celle-ci a été baptisée «super-photon». Cette découverte, qui bouleverse le monde de la physique expérimentale, fait l'objet d'une publication retentissante
dans le magazine Nature.
Jusqu'à présent, les physiciens étaient persuadés que «condenser» des photons se révèlerait impossible. Une théorie élaborée par Satyendra Nase Bose et Albert Einstein dans les années 20 prévoyaient pourtant l'existence d'un état de la matière particulier proche du zéro absolu (- 273°C) auquel les atomes mais aussi les photons pouvaient accéder. Cet état appelé «condensé» prévoyait que les éléments constitutifs de la matière aligneraient leurs propriétés sur celles des voisins. Après de premières preuves expérimentales en 1937, les premiers condensats de gaz étaient créés artificiellement en 1995.
«Un spectaculaire travail de physique»Parvenir au même résultat avec des photons tenaient alors de l'inatteignable graal. Ces particules ont tendance à disparaître d'autant plus vite que la température diminue. Parvenir à les refroidir autant tenait de la gageure. La ruse expérimentale de l'équipe allemande est à la mesure du défi qui leur était proposé. Ils ont utilisé un colorant placé entre deux miroirs. Ce composé chimique refroidi est capable de capter les photons envoyés par les scientifiques avant des les recracher, bien plus froid, vers les surfaces réfléchissantes concaves. Cette géométrie permet de concentrer les grains de lumière en un point bien précis. La remarquable simplicité du système a laissé pantois le prix Nobel de physique Wolfgang Ketterle qui évoque sur
le site de Nature, «un spectaculaire travail de physique».
Peut-on déjà imaginer des applications aux super-photons? A ce stade, il convient de rester prudent. Les expérimentateurs allemands pensent toutefois que leur innovante technique va permettre de créer des lasers d'un nouveau type, bien plus précis que tous ceux existants. Un laser de «superlumière» serait si précis qu'il permettrait de franchir un nouveau palier de miniaturisation dans le domaine des puces électroniques, ou de composants en silicium. Le chemin à parcourir avant que ce type d'instrument ne voit le jour paraît toutefois encore bien long.