Les Ch’tis n’existent pas…
Le Nord Pas de Calais s’étend des cotes de la Manche et de la mer du Nord jusqu’aux Ardennes. Ce pays à la géographie multiple, a fait naître des hommes divers, des cultures variées.
Culture maritime de la Cote d’Opale et du Westhoek. Le regard tourné vers les mers froides où ils trouvent leur pitance, les hommes ont la ligne d’horizon à hauteur des yeux, légère, à peine marquée entre le ciel et la mer. La ligne continue, rectiligne sur le plat pays. L’eau des watergangs flâne, en harmonie avec la terre. Seul le vent donne du souffle au paysage. Les noms chantent flamand : Coudekerque, Zuydecoote, Wormhout, ou William Schotte , Wandecasteel….
Culture d’élevages dans l’Avesnois et la Thiérache. Les fermes sont nichées dans les bocages vallonnés des contre-fort des Ardennes. Les terres de l’ancien Saint Empire Germanique sont des roches anciennes. La terre adapte son teint et le fermier son ouvrage à la course des saisons.
Culture commerçante des Villes de Flandre flanquées de leur Beffroi. Elle s’est bâtie autour du commerce des draps et de la dentelle, a fait fortune dans l’essor économique Flamand du Moyen-âge. Elle étale ses richesses dans l’architecture de ses villes et dans les musées de peinture.
Cultures des producteurs de l’industrie : culture des fabriques, culture minière, culture métallo, diverses et riches des apports des vagues d’immigration successive. Cultures façonnées et unifiées dans le combat ouvrier, elles ont fait la richesse de l’industrie française pendant deux siècles.
Alors, le Ch’ti, est-il fils de marin, d’agriculteur, de bourgeois, d’ouvrier ? Est-il fils de Flamand, de Germain, d’Immigré ? ou bien rien de tout cela ?
Le Ch’ti n’est-il pas plutôt fils de Zola ? Les « Rougon-Macquart » ne racontent-ils pas l’histoire d’une classe rustre, sans instruction, dégénérée dont aucun héros n’échappe à sa condition ?
Le Ch’ti n’est il pas fils de Van Der Meersch ? Ce romancier du Nord associe les bistrots, l’alcool, la bagarre, la débauche à la culture du peuple. Et « la jeune fille pauvre » ne doit son salut que dans le service, l’accueil inconditionnel de la misère de sa classe pour en faire une source de rédemption ?
Le Ch’ti est un mythe créé par quelques grands auteurs qui ont écrit sur les classes laborieuses à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle. Les origines du Ch’ti sont dans la représentation de ces classes par une certaine bourgeoisie.
Le Ch’ti n’est pas né dans le Nord mais dans la littérature. Le mythe du Ch’ti a été entretenu depuis. Le Nord n’est-il pas le lieu de prédilection pour les reportages sur la misère en France. Et comme il est difficile d’associer le soleil et la chaleur à ses clichés, alors, dans le Nord, il fait froid, très froid, et il pleut dès qu’on franchit la frontière.
Dany Boun reprend le mythe et le transforme. Ces Ch’ti ont perdu toute origine sociale. L’alcoolisme n’est plus le fruit des conditions de misère, il est justifié par le froid et le mauvais temps. L’accident des ivrognes, les insultes à la police, font rigoler et restent sans conséquence. L’usurpation du statut d’handicapé devient prétexte à une farce.
Le Ch’ti de Dany Boun est aux héros de Zola ou Van Der Meersch, ce que les personnages de Walt Disney sont aux héros des Contes de Grimm : Les dimensions psychologique et sociale des héros ont disparu au profit de personnages bons enfants, dans lesquels chacun peut se reconnaître.
Le mythe est devenu farce consensuelle.
Rire mais ne pas être dupe
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