Au niveau collectif – et inconscient – la circoncision est perçue comme une menace d'extermination
Seule la psychanalyse peut relier ces massacres et expliquer celui commis par Anders Breivik.
Freud s'est montré timide dans ses condamnations des conséquences individuelles de la circoncision. Nous allons voir que, de son vivant, il ne l'a pas qualifiée de menace de castration.
"Lorsque nos enfants entendent parler de la circoncision rituelle, ils se la représentent comme équivalente à la castration."[1] (1912)
Dans sa remarque de 1916, il semble l'estimer être un progrès dans l'histoire de la civilisation :
"Il ne me semble pas douteux que la circoncision, …, est un équivalent de la castration et vient en prendre le relais."[2],
Quelques lignes plus loin, il fait le rapprochement qui s'impose entre circoncision et punition de la manusexualité mais le situe soigneusement soit en rêve soit chez les primitifs :
"… ce qui est particulièrement remarquable, c'est la représentation de l'onanisme, ou plutôt de sa punition, la castration, par la chute ou l'arrachage d'une dent, parce qu'on trouve un pendant en ethnologie, ce que ne savent sans doute que très peu de rêveurs. Il ne me semble pas douteux que la circoncision pratiquée chez tant de peuples, est un équivalent de la castration et vient en prendre le relais. On nous rapporte d'ailleurs qu'en Australie, certaines tribus primitives procèdent à la circoncision comme rite de puberté (pour la fête marquant l'entrée de la jeunesse dans l'âge d'homme), tandis que d'autres tribus, bien qu'habitant tout près des premières, ont remplacé cet acte par l'extraction d'une dent."
En 1933, il condamne la circoncision pseudo-médicale des jeunes enfants chez les anglo-saxons sans s'en prendre à la circoncision néo-natale :
"... l'angoisse de castration est un des moteurs les plus fréquents et les plus forts du refoulement et par là même, de la formation des névroses. Des analyses de cas où ce ne fut pas la castration mais bien la circoncisionqui fut pratiquée chez des garçons comme thérapie ou comme punition de l'onanisme (ce qui ne fut pas rare dans la société anglo-américaine) ont donné la dernière certitude à notre conviction."[3]
Ce n'est que dans une œuvre posthume [4] qu'il condamne la circoncision en tant que menace de castration susceptible de générer un grave traumatisme. Il semble que cette prise de conscience a été provoquée par la montée du Nazisme. Cependant, elle est restée extrêmement discrète, puisqu'effectuée par le biais d'une note au sein d'un développement sur les graves méfaits des menaces de castration[5], et tout en reprenant la théorie inconsciemment apologétique de la circoncision-soumission au père, alors qu'elle est en réalité une soumission au grands-parents et à la société.
Par contre, à plusieurs reprises, Freud a condamné la circoncision à cause de ses répercussions sur la psychologie des foules :
"... les petits garçons entendent dire que les Juifs ont quelque chose de coupé au pénis – un morceau du pénis, pensent-ils – et cela leur donne un droit de mépriser les Juifs." [6] (1909)
"Parmi les coutumes par lesquelles les Juifs s'isolèrent, celle de la circoncision a produit une impression déplaisante, inquiétante (unheimlich), qui s'explique sans doute parce qu'elle rappelle la castration redoutée... " d'après [7] (1910)
L'hypothèse selon laquelle nous pouvons aussi chercher ici une racine de ces haines des Juifs (judenhasses) qui émergent de façon si primaire et génèrent des comportements si irrationnels chez les occidentaux, me paraît incontournable. La circoncision est inconsciemment assimilée à la castration."[8](1936)
L'impensé de Freud
Le massacre du 22 juillet 2011 à Oslo par un membre de l'extrême-droite norvégienne est l'un des exemples individuels d'islamophobie (et, par derrière, de judéphobie) les plus marquants de l'histoire récente. Cet évènement peut être associé à la forte corrélation entre génocide et circoncision :
Sur les douze génocides des temps modernes : Congolais, Héréros, Arméniens, Juifs, Gitans, Biafrais, Bengalis, Tutsis, Hutus, Kurdes, Bosniens, habitants du Darfour, onze, ont impliqué des circoncis d'un côté au moins et trois des deux côtés. Les circoncis en ont perpétré six.
Au niveau collectif (et toujours inconscient), la circoncision n'est pas seulement perçue comme une menace de castration (et donc de mort) mais comme une menace d'extermination. Cela explique la folie d'Anders Breivik et de l'extrême-droite en général.
Les extrême-droites religieuses ne peuvent que mener les peuples à s'entre-exterminer.
Nous rappellerons pour conclure la prédiction du père de la psychanalyse :
"Il me semble qu'il aurait été beaucoup plus raisonnable de créer un foyer juif dans une terre moins chargée de signification historique… Je constate avec regret que le fanatisme irréaliste de notre peuple est en partie responsable de l'éveil de la méfiance des arabes. Je ne puis trouver en moi l'ombre d'une sympathie pour cette piété fourvoyée qui fabrique une religion nationale avec les restes du mur d'Hérode, heurtant les sentiments des populations indigènes...".
(1) Totem et tabou. 1912. Paris : PUF ; 1998. O.C., XI, p. 373, n. 1.
(2) Leçons d'introduction à la psychanalyse. 1916-17. Paris : PUF ; 2000. O.C., XIV, p. 170.
(3) Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse. 1933. Paris : PUF ; 1995. O.C., XIX, p. 170.
(4) Abrégé de psychanalyse. 1938. Paris : PUF ; 1978. p. 61, n.
(5) Le petit Hans. 1909. Paris : PUF ; 1993. O.C., X, p. 31, n. 1.
(6) Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci. 1910. Paris : PUF ; 1993. O.C., X, p. 121, n. 2.
(7) L'homme Moïse et la religion monothéiste. 1936. Paris : Gallimard ; 1986. p. 184.
(
Lettre de février 1930 à Chaim Koffler. Freudiana 1973 : 19.[strike]