Extrait du livre Coran mode d'emploi de Farid Esack Ed Albin Michel Col: L'islam des lumières!
Introduction
Les musulmans ont souvent exprimé par un déploiement de métaphores l'expérience que leur faisait vivre la lecture du Coran. Il a par exemple été comparé à un brocart de Damas : « La beauté des motifs de son graphisme apparent comporte un envers, à côté duquel celui qui ne fait pas attention risque de passer, voyant ce qui est devant lui, mais sans le voir dans sa plénitude. Ou bien le Livre est comme une épouse voilée, dont le visage caché n'est connu que dans l'intimité de la perfection de la vérité. Il est comme une perle, pour laquelle le plongeur doit descendre au fond, afin de briser la coquille qui à la fois protège et dissimule le trésor» (Cragg, 1988, p. 14). Le regretté Fazlur Rahman utilisait quant à lui l'image d'un pays, se servant des catégories que sont les « citoyens », les « étrangers » et les « envahisseurs » pour décrire comment les chercheurs abordaient le Coran (1984, p. 81). Je vais poursuivre sur le thème de la beauté pour proposer une vue d'ensemble des approches du Coran et de l'érudition coranique. Sans vouloir en aucune façon, au cours de cette réflexion sur les différentes lectures savantes du Coran, anticiper sur la discussion de la nature terrestre du Coran, j'exploite l'analogie avec la personnalité et le corps d'une bien-aimée, et la façon de l'aborder. Le corps qui vient immédiatement à l'esprit est celui d'une femme, ce qui est en soi remarquable autant pour ce que cela révèle que par ce que cela recèle. Le corps féminin est généralement présenté et considéré comme passif, et le plus souvent objectivé comme « quelque chose » qui doit être approché, même quand il est vivant, et « orné »-par une sorte d'habillage lui permettant d'exercer un réel pouvoir dans un monde patriarcal. Pourtant ce corps, ou cette personne, « fait » également quelque chose à celui qui l'approche. Qu'il soit approché surtout par des hommes est aussi révélateur du monde de l'érudition coranique, un monde où les seuls acteurs importants sont de façon générale masculins. Lorsque le corps féminin est approché par d'autres femmes, on est alors face à une question qu'il faut passer sous silence. Comme dans le monde religieux dans son ensemble, au sein duquel les femmes jouent un rôle clé et pourtant, sur le plan de l'autorité et de la représentation publique, restent à la périphérie, l'érudition coranique est réellement le domaine des hommes ; la contribution des femmes, quand elle existe, est habituellement ignorée. Je comprends et je reconnais que mon analogie convient à de nombreux stéréotypes patriarcaux. Pourquoi le Coran ne se prête-t-il pas à une analogie avec le corps masculin ? Que se passerait-il si un chercheur concerné par la question de l'inégalité entre les sexes insistait pour exploiter cette dernière analogie, et que deviendrait alors ma propre analogie ? Comment traiter la question des partenaires à caractéristiques multiples, dans une époque postmoderne où on trouve des catholiques bouddhistes et des païens chrétiens ?, etc. Voilà des questions- intéressantes, mais qui resteront inexplorées. Comme toute analogie, il se pourrait que la mienne soit poussée trop loin et qu'elle induise en erreur à plus d'un égard.
L'amoureux sans esprit critique
Le premier niveau d'approche du Coran peut être comparé à celui d'un amoureux sans esprit critique vis-à-vis de sa bien-aimée. La présence et la beauté de la bien-aimée peuvent transporter l'amoureux vers un autre plan d'existence qui lui permet de faire l'expérience d'une extase sublime, d'oublier ses malheurs, ou d'y réagir. Cela peut consoler son cœur douloureux, et représenter la stabilité et la certitude dans un monde plutôt tourmenté : elle est tout pour lui. L'amoureux est souvent stupéfait quand il arrive que d'autres lui demandent : « Que trouves-tu en elle ? - Que voulez-vous dire ? Je vois tout en elle, elle est la réponse à tous mes besoins. N'est-elle pas une clarification de toutes choses (16 : 89), un remède pour tous [les maux] qu'on peut trouver au fond des cœurs (10 : 57)2?
Etre avec elle, c'est être en présence du divin. » Pour la plupart des amoureux, il est parfaitement satisfaisant de jouir de la relation sans se poser aucune question à son sujet. Quand elles viennent de l'extérieur, les questions sur la conformation physique de la bien-aimée, sur le fait de savoir si elle est vraiment d'ascendance noble, engendrée par-delà le monde de la chair et du sang, et née dans la
Mère des cités (42 : 7),
comme dit la sagesse commune, ou si ses bijoux sont authentiques, toutes ces questions seront vraisemblablement considérées comme motivées par la grossièreté ou la jalousie.
L'amoureux ordinaire, mais ardent, considérera que de telles questions sont au mieux une diversion qui empêche de jouir d'une relation, plutôt que de s'interroger ou se tourmenter à son sujet. Au pire, elles sont jugées comme reflétant une perversité et une intransigeance préméditées. Un tel amoureux correspond à la position du musulman ordinaire à l'égard du Coran, dans une relation qui sera analysée plus en détail dans le premier chapitre de ce livre.
L'amoureux érudit
Le deuxième niveau est celui de l'amoureux qui veut expliquer au monde pourquoi sa bien-aimée est si sublime, pourquoi elle est un vrai présent de Dieu qui appelle l'approbation universelle. Il entre dans les moindres détails des vertus de sa bien-aimée, de ses origines sans tache et de sa nature exquise. Cet amoureux pieux, et en même temps érudit, se lamente littéralement sur l'incapacité des autres à reconnaître ce que sont la beauté de sa bien-aimée, l'harmonie de sa conformation et sa sagesse, qui dépassent tout ce qu'on peut imaginer et qui inspirent le respect. « Elle est unique dans sa perfection, et ce ne peut être que le pur aveuglement, la jalousie et/ou l'ignorance qui empêchent les autres de le reconnaître. » C'est le chemin de l'érudit musulman religieux, fondé sur la foi préalable dans le fait que le Coran est la parole absolue de Dieu. contemporaines qui sont venues de ces érudits, on trouve les exégèses de Abu l-'Alâ'Mawdûdi (mort en 1977)4, Amin Ahsan Islahi (mort en 1997)5, Husayn Tabâtabâ'i (mort en 1981)6 et Muhammad Asad (1937-)7, 'Â'isha 'Abd al-Rahmân (Bint al-Shati)8, et l'œuvre sur les études coraniques de Muhammad Husayn al-Dhahabî9, Muhammad 'Abd al-'Azîm al-Zarqani10 (deux savants égyptiens contemporains) et Abu al-Qâsim al-Khu'i (mort en 1922) ". D'autres ont écrit sur des aspects spécifiques de la beauté de la bien-aimée, sur l'ornementation de son discours et la profondeur de sa sagesse. Outre le monde des livres, Internet offre un nouveau terrain d'expression où un grand nombre de chercheurs musulmans, souvent autodidactes, engagent un combat virulent contre tous ceux qui contestent la nature divine du Coran12 (pour dépeindre les attitudes des érudits de cette catégorie, j'ai essentiellement utilisé les œuvres des savants cairotes anciens comme Badr al-Dîn Zarkashi, mort en 794/1391, et Jalâl al-Dîn al-Suyûtî, mort en 911/1505, et, parmi les contemporains, Zarqani et al-Khu'i).
L'amoureux doué de sens critique
Le troisième type d'amoureux, tout en étant épris de sa bien-aimée, verra les questions sur sa nature et ses origines, son langage, sur le fait de savoir si sa chevelure a été teinte et ses ongles vernis, etc., comme le gage d'un amour plus fort et d'un engagement plus profond, qui non seulement résistent à toutes ces questions et aux réponses inconfortables qu'une investigation rigoureuse peut éventuellement produire, mais sont en réalité fortifiés par elles. Inversement, il se peut que cette relation soit le résultat d'un mariage arrangé, qu'il n'ait tout simplement jamais connu d'autre bien-aimée que celle-là, et que ce soit sa curiosité de chercheur qui le pousse à l'interroger ainsi. Sur la question de savoir si le Coran est la parole de Dieu, sa réponse pourrait être : « Oui, mais cela dépend de ce que l'on entend par "parole de Dieu". Peut-être est-elle divine, mais la seule façon pour moi d'entrer en relation avec elle, c'est de le faire en tant qu'être humain. Elle est devenue chair et je ne peux interroger ses origines divines. Je ne peux par conséquent l'aborder que comme si elle était une créature de ce monde. » (« L'étude du texte, dit Nâsr Hâmid Abu Zayd, doit procéder de la réalité et'de la culture comme données empiriques. À partir de là, nous parvenons à une compréhension scientifique du phénomène du texte » [1993, p. 27]). Tel est le chemin décisif de l'érudition musulmane critique, une catégorie qui peut dialoguer avec les deux catégories précédentes - de même qu'avec les deux suivantes - mais qui ne s'entend habituellement pas très bien avec elles. Ce qui ne peut pas être mis en cause, c'est la vénération de cet amoureux pour sa bien-aimée. Il perçoit avec colère l'objectivation de la bien-aimée par les deux premières catégories comme un outrage,
car la « vraie » valeur de la bien-aimée n'est pas reconnue. « Mon monde est en désordre, dit cet amoureux, et je ne peux simplement tenir à toi pour tes qualités esthétiques ; je sais que tu es capable de beaucoup plus que cela ! » Ainsi que le demande Abu Zayd : « Que de choses sont scellées parce qu'on réduit le Coran à des prières et à des lois ! [...] Nous transformons le Coran en un texte qui évoque le désir erotique ou qui intimide. Avec ses racines et ses branches, je veux extraire le Coran de cette prison, afin qu'il redevienne producteur de l'essence de la culture et des arts dans notre société » (1994, p. 27). Parmi les œuvres majeures de ces savants, on trouve l'œuvre exégétique de Fazlur Rahman (mort en 1988)13, les études de linguistique et de philosophie de Mohammed Arkoun14, l'investigation littéraire du Coran et la critique du discours religieux d'Abû Zayd15, et les analyses littéraires de Fuat Sezgin16.
L'ami de l'amoureux
La ligne de démarcation entre la catégorie précédente, l'amoureux doué de sens critique, et la catégorie suivante, l'observateur participant, est souvent ténue. De la même façon qu'on est parfois conduit à s'étonner devant certains couples (« Sont-ils toujours amoureux, ou restent-ils ensemble uniquement par égard pour le bon vieux temps ? »), on peut aussi s'interroger sur les amis intimes de quelqu'un, qui manifestent un amour insolite pour sa bien-aimée (« Que se passe-t-il réellement ? »). En d'autres termes, l'amoureux doué de sens critique est-il réellement toujours amoureux, ou l'ami fervent à la fois de l'amoureux et de la bien-aimée n'est-il pas lui aussi peut-être amoureux ? De même, on s'est interrogé sur le point de savoir dans quelle mesure l'observateur participant a intégré les sensibilités musulmanes, quand il écrit sur le Coran d'une manière telle qu'on peut se demander s'il n'est pas vraiment amoureux de la bien-aimée du musulman. Ainsi, ce que ces deux catégories ont en commun vient du fait que les catégories extrêmes les accusent d'être proches soit des non-musulmans, soit des musulmans.
L'observateur participant, le premier de la catégorie de ceux qui ne se proclament pas amoureux ou qui nient l'être, ressent un énorme sentiment de responsabilité face aux sensibilités de l'amoureux, et il est également souvent un ami proche de l'amoureux et de la bien-aimée. « La beauté se lit fréquemment dans les yeux de celui qui la contemple, argumente-t-il, et si c'est ce que le Coran signifie pour les musulmans et s'ils l'ont reçu comme la parole de Dieu, alors qu'il en soit ainsi. Nous ne savons pas si Gabriel l'a réellement communiqué à Muhammad, et nous ne le saurons jamais. Ce que nous savons vraiment, c'est que le Coran a été et continue à être reçu par les musulmans comme tel. Pouvons-nous laisser ouverte la question des "autres options possibles" et l'étudier comme une Ecriture reçue, qui est également un phénomène historique ? » Wilfred Cantwell Smith (1980), qui met plus l'accent sur les dimensions spirituelles de cette réception — contrairement à Montgomery Watt qui insiste sur les dimensions sociologiques —, est sans nul doute le savant le plus en vue à adopter cette position 17. « Etant donné qu'il fut d'abord transmis sous forme orale, demande en outre William Graham, pouvons-nous nous concentrer sur le Coran comme texte sacré oral, plutôt que comme texte écrit18 ? » D'autres, dans cette même catégorie, peuvent avoir leurs propres objets d'adoration et d'amour, tout en reconnaissant la beauté de la bien-aimée du musulman. Peut-être peuvent-ils même l'aimer, dans un sens toutefois différent, mais en hésitant à exprimer cet amour par crainte d'être mal compris (« J'ai toujours admis le point de vue selon lequel Muhammad a authentiquement cru que les messages qu'il recevait - et qui constituent le Coran - provenaient de Dieu. J'ai hésité pendant un certain temps à parler de Muhammad comme d'un Prophète, parce que cela aurait été mal interprété par les musulmans... » (Watt, 1994, p. 3)l9. Un autre érudit du même genre, dont les travaux ont été pour moi source d'inspiration, est Kenneth Cragg, le pasteur anglican d'Oxford que Fazlur Rahman décrivait comme « un homme qui n'était peut-être pas un citoyen à part entière du monde du Coran, mais certainement pas non plus un étranger, encore moins un envahisseur ! » (1984, p. 8l)20. L'approche irénique de l'étude du Coran cherche semble-t-il à faire contrepoids aux « offenses passées » que les savants ont infligées aux musulmans, et elle a souvent pour but de « mieux évaluer la religiosité islamique et de favoriser une attitude nouvelle à son égard » (Adams, 1976, p. 40). Cette catégorie de savants accepte dans ses grandes lignes l'historiographie musulmane et ses affirmations concernant le développement du Coran. Alors que les deux premières catégories - le « musulman ordinaire » et le savant religieux, ce dernier étant de plus en plus conscient de leur présence - les trouvent dérangeants et souvent condamnables, ils sont souvent dans un dialogue vigoureux et mutuellement enrichissant avec le savant musulman critique qui constitue la troisième catégorie.
Le voyeur
Le second observateur de cette catégorie ne ressent pas une telle responsabilité et affirme qu'il est simplement à la recherche des faits qui concernent le corps de la bien-aimée. Il affirme en réalité être un « observateur désintéressé » (Rip-pin, 2001, p. 154). Voulant mettre en question tous les paramètres de la « sagesse » reçue, il peut même suggérer que l'idée d'une communauté homogène appelée « les musulmans », qui a émergé au cours d'une période de vingt-trois ans en Arabie, est une idée contestable - pour parler par euphémisme. La bien-aimée, selon lui, n'a pas de pedigree arabe sans tache, encore moins est-elle « engendrée, non pas créée ». Elle est au contraire la « progéniture illégitime de parents juifs » (« Le cœur du message du Prophète [...] apparaît comme du messianisme juif» [Crone et Cook, 1977, p. 4]), ou de parents juifs et chrétiens (« Le contenu du Coran [...] consiste presque exclusivement en éléments adaptés de la tradition judéo-chrétienne » [Wansbrough, 1977, p. 74]). Ces savants considèrent l'ensemble du corpus littéraire musulman sur l'histoire islamique comme faisant partie de l'histoire du salut, qui « n'est pas un compte rendu historique d'événements liés au salut et ouvert à l'étude de l'historien ; l'histoire du salut n'a pas eu lieu ; c'est une forme littéraire qui possède son propre contexte [...] et doit être abordée à l'aide de moyens appropriés, à savoir l'analyse littéraire » (Rippin, 2001, p. 155). Fondées sur ce type d'analyse, l'œuvre de John Wansbrough (1977)21, d'Andrew Rippin (qui a beaucoup fait pour rendre accessibles les écrits lapidaires, techniques et même souvent obtus de Wansbrough) et celle plus récente d'un chercheur écrivant sous le nom de « Christoph Luxenborg » (2000)22 cherchent à prouver que la première période de l'islam fait preuve d'une « grande flexibilité dans les attitudes des musulmans à l'égard du texte et d'une lente évolution vers l'uniformité [...] qui n'atteint son point culminant qu'au quatrième siècle de l'hégire » (ER, voir « Qur'an »). Alors que certains de ces chercheurs, qu'on appelle souvent « révisionnistes », ont mis l'accent sur une approche littéraire du Coran, leurs points de vue sont étroitement liés à l'idée que l'histoire musulmane est essentiellement le produit d'un milieu judéo-chrétien, argument présenté par Patricia Crone (1977) et Michael Cook (Crone
et Cook, 1977 et Cook, 1981), deux chercheurs dont la contribution à la pensée révisionniste est immense23. L'hypothèse de base de ce groupe de chercheurs est qu'il est indispensable de procéder à une approche critique à la source, à la fois du Coran et des récits de ses débuts, qu'il faut comparer ces récits avec d'autres - extérieurs aux sources musulmanes — et utiliser les preuves matérielles contemporaines, y compris celles qui découlent de l'épigraphie, de l'archéologie et de la numismatique.
Point n'est besoin de dire que cette approche, qui est une forme de voyeurisme, et son désintéressement supposé n'ont pas été accueillis favorablement par ceux qui admettent ouvertement une relation entre eux-mêmes d'une part, et l'amoureux et/ou la bien-aimée d'autre part. Comme le voyeur qui peut se bercer d'illusions en pensant qu'il est un simple observateur sans bagage, ces chercheurs « objectifs » prétendent n'avoir, dans leur approche du Coran, aucune motivation de nature confessionnelle, ni aucune arrière-pensée autre que celle d'analyser le corpus dans l'intérêt de l'érudition. Il n'y a malheureusement aucune recherche innocente.
Le polémiste
Lié à la dernière catégorie, on trouve le polémiste, qui a en réalité peu en commun avec la méthodologie de ceux qui le soutiennent, les révisionnistes, bien que l'amoureux sans esprit critique - et à l'occasion aussi, de façon assez injuste, l'amoureux à l'esprit critique (cf. Rahman, 1984, p. 88) - les mette dans le même sac24. Le polémiste est en fait entiché d'une autre femme, soit la Bible, soit le sécularisme. Ayant vu sa propre bien-aimée présentée comme uniquement humaine - bien que dotée d'un esprit divin dans le cas de la première de ces bien-aimées, la Bible - et terrorisé par la perspective que la bien-aimée de son ennemi musulman puisse attirer un nombre croissant d'adeptes, il tente désespérément de prouver que « ta bien-aimée est aussi humaine que la mienne ». Ayant essayé en vain, pendant des siècles, de convaincre les musulmans de la beauté de sa propre bien-aimée (la Bible), il en vient maintenant à parler au musulman de la laideur de la sienne (celle du musulman). Relevant de la même catégorie, on trouve celui qui s'alarme de l'influence politique supposée croissante de l'amoureux, et qui suggère que ses actes sont le résultat de ce que lui chuchote sa bien-aimée. Souscrivant à une mentalité du genre « cherchez la femme », il demande, en maniant la rhétorique : « Le Coran ne demande-t-il pas de tuer ? Aussi la bien-aimée doit-elle être démasquée et remise à sa place, afin qu'elle ne puisse plus exercer une emprise aussi pernicieuse sur son amoureux. » Les méthodologies des révisionnistes ne sont jamais sérieusement discutées par ce polémiste - il en est d'ailleurs incapable -, car s'il se mettait à y réfléchir sérieusement, son propre cadre de référence fondamentaliste volerait probablement en éclats. Pour le polémiste, toutes ces questions viennent en conclusion des recherches des révisionnistes - quoique disparates et provisoires (Wansbrough dit à propos de ses propres travaux qu'ils sont « conjecturaux », « incomplets », « temporaires et catégoriquement provisoires ») - sur la nature complètement humaine et faillible de la bien-aimée de ces musulmans. Les pamphlets, les tracts et Internet sont les supports d'expression des polémistes.