On pourrait commencer par les sénateurs (faut garder les grands financiers pour le dessert)Les notes de frais de Jean-Marc Pastor empoisonnent l'atmosphère au Sénat
pour Le Monde.fr | 05.07.11 | 11h21 • Mis à jour le 05.07.11 | 14h32
C'est une affaire qui commence sérieusement à empoisonner l'atmosphère au Sénat. Au point que son président, Gérard Larcher, doit s'entretenir mardi 5 juillet, à 16 heures, avec les trois questeurs, à la demande de ces derniers, pour avoir "une explication". L'habituelle courtoisie qui prévaut au Palais du Luxembourg pourrait en souffrir.
A l'origine, une enquête menée par le site d'information Mediapart sur la "vie de château" des questeurs du Sénat. Ces sénateurs, au nombre de trois – deux de la majorité, René Garrec (UMP) et Gérard Dériot (ratt. UMP), et un de l'opposition, Jean-Marc Pastor (PS) –, élus par leurs pairs, sont parmi les plus hauts et plus influents dignitaires de la chambre puisqu'ils sont responsables de la bonne gestion des 346 millions d'euros de budget annuel de l'institution.
Ils bénéficient aussi de confortables avantages. Outre leur traitement de sénateur, chacun d'entre eux dispose d'un logement de fonction – qu'ils peuvent à l'occasion mettre à disposition de leurs collègues – et d'une indemnité complémentaire de 5170 euros bruts par mois. L'enquête de Mediapart révèle également l'existence d'"une rallonge annuelle pour frais de représentation" qui s'élèverait à 11 600 euros par questeur. "Cet argent n'est pas versé sur leur compte, mais il suffit de présenter des factures au service de la trésorerie", affirment les auteurs de l'enquête.
S'appuyant sur des "documents internes", Mediapart (accès payant), dans son édition du 27 juin, fait état de trois factures transmises par Jean-Marc Pastor à la trésorerie du Sénat, le 9 décembre 2010, soit quelques jours avant expiration de son crédit annuel. Deux d'entre elles correspondent à des notes de restaurant. Mediapart en produit le fac simile. La première est établie à la date du 19 novembre 2010 et porte le numéro de série 642540 : elle correspond à un repas de 51 convives pour un montant total de 1428 euros. La seconde, établie à la date du 3 décembre 2010, porte le numéro de série 642541, pour un repas de 38 convives et un montant de 1064 euros. Toutes deux ont été émises par l'Hostellerie Saint-Jacques de Monestiés, dans le département du Tarn, dont Jean-Marc Pastor est sénateur. L'établissement est géré par sa fille et, selon Mediapart, l'élu en détient lui-même des parts.
La presse locale s'empare alors des révélations du site et sollicite le sénateur socialiste. Celui-ci déconseille au rédacteur en chef du Tarn libre de s'en faire l'écho, en lui indiquant que le Sénat "a porté plainte", selon les propos rapportés par Mediapart dans son édition du 3 juillet, et en se prévalant d'un communiqué de soutien du président du Sénat, Gérard Larcher.
Problème : la responsable de la communication de la présidence du Sénat, Nathalie Bahier, affirme que ce communiqué "est un faux". "Il n'y a jamais eu de communiqué de presse de Gérard Larcher concernant cette affaire", indique-t-elle au Monde, confirmant les propos qu'elle a tenus à Mediapart. De son côté, Jean-Marc Pastor, que nous avons également joint, maintient avoir reçu dès le 27 juin le soutien du président du Sénat.
Deux versions pour l'heure contradictoires. La rencontre prévue mardi après-midi devrait permettre d'accorder les violons. Traditionnellement, le Sénat préfère laver le linge sale en famille. Cette affaire risque de provoquer quelques éclaboussures.
Patrick Roger