1 -
- Léo Strauss a écrit:
Rejeter le droit naturel revient à dire que tout droit est positif, autrement dit que le droit est déterminé exclusivement par les législateurs et les tribunaux des différents pays. Or il est évident qu'il est parfaitement sensé et parfois même nécessaire de parler de lois ou de décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu'il y a un étalon du juste et de l'injuste qui est indépendant du droit positif et lui est supérieur : un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger le droit positif.
Bien des gens aujourd'hui considèrent que l'étalon en question n'est tout au plus que l'idéal adopté par notre société ou notre "civilisation" tel qu'il a pris corps dans ses façons de vivre ou ses institutions.
Le débat autour du jusnaturalisme est ancien. Les Stoïciens l'ont tenu, il a duré plus de six siècles, partagé entre Hellènes et Latins, ces derniers - Sénèque, Epictète, Marc-Aurèle et surtout Cicéron - nous ont permis de connaître les ouvrages des premiers dont nous ne connaissons que des fragments.
Diogène Laërce citant Chrysippe qui fut le successeur de Zénon de Cittium fondateur du stoïcisme écrivit "
La justice existe par nature et non par convention, ainsi que la loi et la droiture de la raison, comme dit Chrysippe au Traité du Beau"
Les Stoïciens, Gallimard, Pléiade, 1962, VII, 128 (piqué dans un de mes vieux cours de philosophie du droit).
Je pense que
l'excellent André, plus versé que moi dans les Humanités vous parlerait mieux que moi de l'apport de Cicéron (
De Res publica, De Legibus, De Finibus...) "
Est quidem vera lex recta ratio, naturae congruens, diffusa in omnis, constans, sempiterna etc..."(Il existe une loi véritable, qui est la droite raison, qui s'accorde avé la nature, répandue en tous, immuable et impérissable..) République, III, 22, 33 (éd. Bréguet, Belles Lettres, t. 2, p. 67).
En grec
dikaion kata phusin et dans les textes latins
jus naturae,
jus naturale ou plus fréquemment
lex naturalis , sont des termes que l'ont rencontre dans les ouvrages des stoïciens.
Saint Augustin évêque d'Hippone (354-430) repris à sa manière le
jus naturalis en le faisant entrer dans le cadre du
jus divinum. Puis vint saint Thomas d'Aquin (1224-1274) pour redonner du souffle à ce concept.
Le premier théologien à formuler le droit naturel dans son acception moderne fut le dominicain Francisco De Vitoria (1483-1546) de l'Ecole de Salamanque.
Plus tard Hugo Grotius (1583-1645) s'appuyant sur la doctrine du droit naturel posa les bases du droit international.
N'oublions pas la Réforme protestante qui institua un regain puissant du droit naturel, avant la Contre-Réforme du catholicisme.
En attendant les Lumières
Evidemment c'est de l'hébreu pour les juristes star académisés actuels.
Pauvre Léo.