> Le psycho-sociologue
Serge Tchakhotine a montré dans un livre célèbre, "
Le Viol des foules" que la propagande politique fait appel à quatre pulsions :
- La
pulsion combative : agressivité, esprit de lutte. D'où le succès des purges et des persécutions qui sont le lot de tous les régimes totalitaires.
- La
pulsion nutritive : esprit d'appropriation. D'où le succès de slogans simplistes comme "la terre aux paysans", "l'usine aux ouvriers" ou "la conquête de l'espace vital".
- La
pulsion sexuelle : D'où le succès des défilés de corps dénudés, des manifestations sportives ou gymniques.
- La
pulsion parentale : esprit communautaire, instinct grégaire. D'où l'abus de formules basiques comme "la race allemande" "le peuple tout entier" "un seul Führer" "tous derrière le camarade Staline".
On peut y ajouter quatre principes :
1 - Le
principe d'universalité : on utilise tous les moyens (presse, radio, affiche, journaux muraux, arts, architecture, édition, manuels scolaires, littérature enfantine, etc.)
Ainsi, dans les rues des villes soviétiques du temps de Staline, les haut-parleurs dissimulés dans les lampadaires crachaient à longueur de journée des communiqués officiels : "Assassinats d'ouvriers en Grèce"... "Les brigades de choc du Donetz prennent l'engagement solennel"... "On demande des volontaires pour la récolte des betteraves"... "Un nid de saboteurs en Oural"...
La propagande doit exclure toute intimité et toute spécificité individuelle.
2 - Le
principe de simplification-grossissement : la doctrine est condensée en quelques slogans percutants et simplistes ("Tout le pouvoir aux soviets", "La terre aux paysans", "Le Duce a toujours raison", "Ein Volk, ein Reich, ein Führer").
Les adversaires sont systématiquement discrédités, qualifiés de "traîtres", "comploteurs", "ennemis du peuple", "opportunistes",... voire "rebuts du genre humain" (sic). Un manichéisme sans nuance qui oppose toujours les "bons" (Aryens, travailleurs) aux "méchants" (les juifs, les ploutocrates, koulaks, forces capitalistes ou impérialistes).
3 - Le
principe de répétition inlassable : qui aboutit à un martèlement obsédant. Goebbels disait : "
L'Eglise catholique dure parce qu'elle répète la même chose depuis 2000 ans", et Hitler affirmait : "
La masse ne se souviendra des idées les plus simples que si elles sont répétées des centaines de fois... le slogan doit figurer toujours condensé en une formule invariable en manière de conclusion" (Mein Kampf).
"
Le travail d'agitation doit être savamment organisé ; il doit être systématique, quotidien..." (La Pravda, 27 décembre 1936)
Toutefois, les thèmes de propagande sont modulés, selon les publics. Dans l'Allemagne nazie, le juif est présenté comme un accapareur devant un public de paysan, comme un spéculateur devant un public d'hommes d'affaires ou d'ouvriers, comme un intrigant politique devant un public d'étudiants. D'ailleurs, cette diversification des arguments fut plus tard reprise par les spécialistes du marketing dans le "principe de segmentation de la cible" ... on appelle cela aujourd'hui de la "communication"...
4 - Le
principe de transfusion : qui consiste à utiliser les préjugés de la foule afin de les canaliser à son profit. Les vieilles rancunes enfouies dans l'inconscient collectifs sont réveillées (antisémitisme, anticléricalisme, préjugés raciaux, haine des riches, xénophobie). La propagande devient ainsi une "technique de captage" (là encore utilisée aujourd'hui dans la pub et la communication politique) qui désigne à la vindicte populaire des "boucs émissaires" (le juif, le profiteur, le prêtre, l'intellectuel décadent, l'étranger...)