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Pirates, flibustiers et autres écumeurs des mers...
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OmbreBlanche
Nombre de messages : 11154 Age : 51 Localisation : Nord Franche-Comté (25) Date d'inscription : 16/11/2008
Sujet: Pirates, flibustiers et autres écumeurs des mers... 19/5/2009, 00:49
Citation :
Pour les uns, ces flibustiers ne sont que des bandits mus par les plus bas instincts : vénalité, pulsion de mort, haine de la civilisation. Pour d'autres, les pirates sont des héros de la liberté, qui défient l'ordre en place et les puissants du monde entier.
Ainsi la longue épopée des pirates suscite-t-elle encore aujourd'hui un regain d'intérêt parmi certains militants et théoriciens altermondialistes. Alors que les formes de mobilisation partisanes apparaissent largement discréditées, ils relisent cette vieille histoire selon une grille d'analyse libertaire, et envisagent l'action des forbans comme l'exemple d'une triple résistance : à la globalisation marchande, à la discipline des corps, au gouvernement des âmes.
En fait, loin de nos fantasmes, la réalité est quelque peu différente.
Les écumeurs de mers furent longtemps aux ordres des marchands et des gouvernements, qui les manipulaient pour régler leurs comptes entre eux.
Mais, progressivement, à mesure que les échanges commerciaux se sont intensifiés, l'activisme des pirates est apparu de plus en plus parasitaire. Et en 1713, quand s'achève la guerre de la Succession d'Espagne, opposant l'Espagne et la France, d'un côté, à une coalition anglo-hollandaise, de l'autre, tout est réuni pour que les forbans se radicalisent.
En effet, la démobilisation massive des marines, l'expiration des contrats de mercenaires et l'effondrement du commerce obligent alors le "prolétaire" du large à accepter des conditions de travail de plus en plus pénibles : à bord des navires de commerce, il ne mange pas à sa faim, il est livré aux insultes et au fouet, il est à la merci des maladies. "Il y a la vérole sur le pont supérieur, la peste sur les ponts inférieurs, l'enfer dans le château avant et le diable à la barre", résume un dicton alors très couru chez les marins à cet époque.
D'où la multiplication des révoltes et des mutineries.
Parce que nombreux sont les bateaux qui sont organisés comme un lieu d'exploitation extrême, une aventure maritime qui joue d'ailleurs son rôle dans l'avènement simultané du capitalisme moderne et d'un prolétariat désireux de lui échapper.
Déserter ce bagne flottant, où beaucoup ont été enrôlés de force, cela signifie rejoindre le "pavillon noir", déclarer la guerre au monde entier.
Car le vaisseau pirate formait une société "inversée": il est égalitaire à l'époque des hiérarchies, il revendique le cosmopolitisme au temps des Etats-nations, il tend vers la démocratie dans une période qui n'en connaît aucune, il libère les esclaves au moment où le trafic négrier explose...
Autour d'un grand bol de punch, toutes origines confondues, les forbans partagent leur butin, élisent leur capitaine, débattent avant de prendre une décision.
Peut-on se risquer à parler de Commune au bord de l'eau ou de soviets à même les flots ? En fait, on aurait peine à y croire. Mais peu importe.
Parce que les pirates étaient, en fait, de grands affabulateurs. Ils jouaient des saynètes où ils imaginaient leur propre procès : "Ecoute-moi, misérable, espèce d'infect, pitoyable et infâme chien. Qu'as-tu à dire pour t'éviter d'être immédiatement pendu et installé pour sécher au soleil comme un épouvantail ?", lance le juge dans la pièce intitulée "Se moquer de la magistrature en se jugeant les uns les autres pour piraterie"...
Bref, les pirates aimaient raconter des histoires... tout comme ceux qui les mettent, aujourd'hui encore, au cœur de leur espérance.
L'essentiel est là : dans la continuité d'un mythe relancé de siècle en siècle, et que la chasse aux flibustiers, réclamée par les marchands puis orchestrée par les gouvernements, n'aura jamais réussi à anéantir.
Les forbans capturent le bateau de l'imaginaire populaire et 300 ans plus tard, ils ne semblent pas près de le rendre.
Bien plus, aujourd'hui, dans le navire d'une gauche radicale qui n'est pas à l'abri de telle ou telle dérive, les boucaniers pourraient se retrouver seuls à la barre.
Face au récit socialiste traditionnel, adossé à la vieille figure du travailleur d'industrie, cette légende maritime exhibe une autre histoire : celle qui oppose à l'ouvrier marxiste un bandit libertaire, c'est-à-dire un déclassé en colère, dont l'attitude se distingue par "un égalitarisme brutal et improvisé".
Adieu aux prolétaires, place aux lumpen-pirates, aux forbans en haillons ?
Un vent étrange souffle sur les politiques d'émancipation.
Pirates, flibustiers et autres écumeurs des mers...
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