Gainsbourg, l'esprit libre

Serge Gainsbourg affirmait: «Ma vie n'est qu'une œuvre, hélas!»

Ce quasi-oxymore montre la nécessité de tout recommencer sans cesse, éclaire Michel David, psychanalyste, membre de l'Association de la Cause freudienne et auteur de Serge Gainsbourg. La scène du fantasme (Actes Sud).

La multitude de noms que Gainsbourg a essayés témoigne d'une fuite hémorragique de son identité. Il avait toujours besoin de vérifier son nom d'artiste, d'autojustifier sa position. Son art se confrontait à ses fêlures, à ses névroses, à ses incertitudes existentielles.

Serge Gainsbourg notait sans arrêt des associations d'idées, des homophonies, des allitérations, des mots-valises, des listes de titres et de rimes riches. Sa spécialité reste les doubles, voire les triples sens.

Ainsi, Je suis venu te dire que je m'en vais est un adieu à la vie écrit après sa première attaque. Aux enfants de la chance est le nom du cabaret où jouait son père, pianiste. (Melody) Nelson renvoie à l'amiral et Les Sucettes à l'anis seraient un clin d'œil aux yé-yé qui scandaient des «sucreries» et à Annie Chancel (Sheila), ex-vendeuse de bonbons.

Dans son œuvre, le ludisme est roi, les jeux de mots illustrent les jeux de miroirs. Gainsbourg fait chanter à Birkin ses sentiments pour Bardot, et à Bambou ses regrets de Birkin. Il bascule un texte d'un interprète (Chamfort) à l'autre (Deneuve).

S'amuse des variations sur le même thème: la Lolita de Nabokov, l'Ophélie de Shakespeare. Et tourne autour des mêmes aphorismes. Ceux de Francis Picabia: «Je fuis le bonheur pour qu'il ne se sauve pas.» Ou les siens: «Prendre les femmes [ou les hommes, selon les versions] pour ce qu'elles ne sont pas et les laisser pour ce qu'elles sont.»