> Six ans après le choc de l'inflation galopante de 1923, la grande crise produit en Allemagne un ébranlement économique, social et psychologique sans précédent dans l'histoire et qui ouvre à Hitler les voies du pouvoir.
Comment en est-on arrivés là ?
D'abord,
une économie sous le choc : tout commence dans les mois qui précèdent le krach de Wall Street d'octobre 1929 avec le reflux des capitaux étrangers. Les retraits s'amplifient après la poussée nazie aux élections de septembre 1930, qui suscita l'inquiétude chez les porteurs étrangers. En mai 1931, la faillite du Creditanstalt, une banque importante de Vienne, met en difficulté plusieurs autres banques allemandes, et l'Etat doit prendre le contrôle des établissements en déconfiture.
Le retour au protectionnisme et la dévaluation de la livre fait chuter les exportations. Les produits allemands sont alors moins compétitifs. La production s'effondre rapidement : les Konzerne du coton et de la bière périclitent, entraînant à leur suite la fermeture des petites entreprises. Le chômage gonfle de manière catastrophique : on compte 3 millions de chômeurs en 1930, 5,5 millions en 1932, sans compter les 8 millions de chômeurs partiels. En 1933, 18,5% de la population active est sans emploi. Soit quatre fois plus qu'en France à cette époque.
Le
chancelier Brüning tente une impopulaire déflation en 1930 ; l'austérité doit réduire les coûts et relancer l'exportation.
Il baisse les prix de 10%, réduit les salaires, loyers, aides sociales, restreint le crédit, diminue la circulation de billets, majore les impôts, relève les droits de douane, instaure un contrôle des changes. EN VAIN. Les exportations restent au point mort et la baisse des prix ne profite que très peu aux travailleurs dont les salaires diminuent d'autant. Quant à la consommation, elle piétine, dans l'attente de nouvelles baisses.
Et les faillites d'entreprises continuent...
Les extrémistes progressent et font leur beurre de la situation.
Les communistes doublent leurs effectifs parlementaires entre 1928 et 1932 et doublent leurs voix entre les élections présidentielles de 1925 et 1932. Mais comme ils refusent toute alliance avec les socialistes, la division de la gauche va faciliter grandement la montée du nazisme.
Le parti Nazi, lui, multiplie ses députés par 19 entre 1928 (18 élus) et 1932 (230). A l'élection présidentielle de 1932 où le vieux maréchal Hindenburg (85 ans) est réélu, Hitler obtient 36,8% des voix.
Hindenburg, sous la pression des grands propriétaires terriens dont les subventions ont été réduites, renvoie Brüning mais refuse de prendre Hitler. C'est le centriste
von Papen qui devient chancelier dans un climat de violence quotidien entre nazis et communistes.
Afin de briser les extrémismes, Papen dissout le Reichstag. FATAL ERROR. Loin de les avoir brisés, ça les a renforcés : ainsi, aux élections de juillet 1932, les communistes grossissent encore leur score et les nazis triomphent. Von Papen est évincé et remplacé par
von Schleicher.
Pendant ce temps, Hitler gagne la confiance des industriels et des militaires en promettant de relancer l'économie par le réarmement s'il accède au gouvernement. Le 4 janvier 1933, il passe avec Papen un accord lui assurant la chancellerie si Papen est lui-même vice-chancelier. Le 30 janvier 1933, Hindenburg accepte la combinaison et Hitler prête serment.
Adolf Hitler est chancelier.
La dictature en six mois :1 - Hitler rassure l'opinion en ne prenant que deux ministres nazis (Goering et Frick). Il ménage les catholiques en annonçant un "redressement national" fondé sur les valeurs familiales et chrétiennes et en promettant un concordat avec le Saint-Siège (conclu effectivement en juillet 1933 ... ce qui n'empêchera pas Hitler de s'asseoir dessus par la suite).
2 - Hitler, subtilement, s'arroge peu à peu un pouvoir absolu grâce à des mesures d'exception :
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Il s'entoure de fonctionnaires sûrs. Ainsi, la loi du 7 avril permet d'écarter tout fonctionnaire ou magistrat pour ses origines juives ou ses opinions politiques différentes.
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Il exploite l'incendie du Reichstag - coup monté par des militants nazis - pour éliminer les communistes. Dès le lendemain, le 28 février, un décret suspend les libertés de réunion, de presse, d'association et instaure la "détention de sécurité". Des camps de concentration s'ouvrent, notamment à Dachau : 4000 communistes y sont incarcérés.
Aux élections du 5 mars 1933, les nazis enlèvent 44% des suffrages, mais ils n'ont toujours pas la majorité absolue au Reichstag. Alors, ils l'arrachent en faisant invalider les députés communistes.
3 -
Le 23 mars 1933, Hitler obtient les pleins pouvoirs. Un décret abolit la structure fédérale. Les partis doivent se saborder. Le 14 juillet, le NSDAP est nommé parti unique.
L'Allemagne, patrie de Goethe, de Schiller, Schopenhauer, de tant d'artistes, de musiciens, et de philosophes, devient dès lors le IIIe Reich, un Etat totalitaire et policier, et ce sans avoir fomenté de putsch ni de révolution. Simplement par des moyens légaux et démocratiques...