L'Essonne veut réfléchir à un statut d'«assistant sexuel»
Le président du département souhaite concevoir un service public de l'assistance sexuelle aux handicapés, en le distinguant strictement d'une forme de prostitution.
Le département de l’Essonne a relancé jeudi une proposition très controversée : la mise en place d’un statut «d’assistant sexuel» pour les personnes handicapées, un projet décrié par les féministes, qui redoutent une nouvelle forme de prostitution.
Le conseil général de l’Essonne a annoncé qu’il allait engager une réflexion «sur la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap» dont une des pistes serait la création d’un statut «d’assistant sexuel». Si le service voyait le jour, il s’agirait d’une première en France. «On s’occupe de l’accès aux transports, du droit au logement mais cet accès à la sexualité est un impensé total», a déclaré à l’AFP Jérôme Guedj, le président (PS) du département.
Le lancement de cette réflexion doit être entériné lundi à l’occasion de l’adoption par la collectivité du schéma départemental en faveur des personnes handicapées. Ce schéma prévoit aussi d’étendre la formation et l’information sur la vie affective et sexuelle des personnes handicapées. Début avril, un groupe de travail avec des associations et des juristes devrait être constitué, et des voyages d’étude notamment en Suisse et en Belgique, où l’aide sexuelle est légale, sont prévus. Les conclusions de cette réflexion ne devraient toutefois pas être connues avant la fin de l’année.
«Il s’agit d’une initiative citoyenne, qui brave les interdits et les tabous», s’est réjouie Pascale Ribes, vice-présidente de l’Association des paralysés de France (APF), qui souhaite désormais «l’ouverture d’un débat public sur le sujet». «Il s’agit du dernier droit à conquérir pour les personnes en situation de handicap», a-t-elle souligné, déplorant qu’il y ait pour le moment «zéro réponse».
«La formation, le cadre, tout reste à définir, à encadrer. Ensuite je ne sais pas, jusqu’où ça va aller. Est-ce que ça va aller jusqu’à l’acte sexuel ? Je ne sais pas», a toutefois tempéré le président de l’Essonne.
«Une femme n’est pas le médicament d’un homme»
La députée PS de l’Essonne, Maud Olivier, s’est insurgée jeudi contre sa proposition, y voyant une «forme de prostitution». «Répondre d’emblée à l’isolement et aux souffrances des personnes handicapées par un service de nature sexuelle ferme le débat et porte atteinte à la dignité des personnes handicapées», a-t-elle estimé.
Les féministes ont également mis en garde contre une proposition «intolérable», s’insurgeant contre une nouvelle «forme de prostitution». «Aujourd’hui, c’est pour les handicapés, demain ce sera pour les personnes âgées ?», s’est ainsi demandé Anne-Cécile Mailfert, porte-parole d’Osez le féminisme. «Une femme n’est pas le médicament d’un homme», a-t-elle poursuivi, rappelant que la proposition était en l’état «illégale».
En France, servir d’intermédiaire entre une personne qui se prostitue et une autre qui a recours à ses services, relève du proxénétisme. Les associations favorables à l’assistance sexuelle aux handicapés souhaiteraient une exception à la loi pénale pour l’autorisation de ces services.
Pour Jérôme Guedj, qui se dit «opposé à la marchandisation du corps», il ne s’agit pas d’instaurer «un service public de prostitués». «Nous souhaitons réfléchir à un cadre éthique et juridique pour cette mission complémentaire de l’accompagnement des personnes handicapées», a-t-il affirmé.
Le sujet a déjà rebondi en France. En 2011, le député UMP Jean-François Chossy avait proposé de légaliser le statut d’assistant sexuel. Dans un avis rendu public le 12 mars, le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) a émis un avis défavorable aux assistants sexuels pour les personnes handicapées, relevant des risques importants de dérives. Le comité préconise toutefois une formation des personnels soignants et éducatifs à la sexualité des patients.
Pour la ministre chargée du handicap, Marie-Arlette Carlotti, «la réflexion sur la vie affective, sentimentale et sexuelle des personnes en situation de handicap doit avoir lieu». «C’est une question légitime qui doit être étudiée de façon sereine. Le débat ne doit pas se résumer à la seule question des assistants sexuels», a-t-elle déclaré à l’AFP.