Publié le Dimanche 16 Juin 2013 à 12h04
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44 ans après la disparition de son fils, Marie-José le retrouve vivant
AFP
«Je vis un conte de fées»: la voix pleine d’émotion, Marie-José E. vient d’avoir la preuve ADN qu’elle a retrouvé son «bébé volé» en Espagne, après 44 années de recherche désespérée.
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Sous Franco, des centaines de milliers d’enfants avaient été enlevés.
«C’est quelque chose d’incroyable. C’est l’euphorie. C’est des hauts et des bas terribles. Quand je me réveille le matin, je me dis: il est là, il existe, et puis après j’ai peur de le perdre», confie à l’AFP cette enseignante de Tours, dans le centre de la France, proche de la retraite et qui souhaite conserver l’anonymat pour préserver son intimité.
Son fils, qui fêtera ses 44 ans le 12 juillet, vit, lui, à Valence, dans l’est de l’Espagne, là où il est né et a été adopté.
Ils font partie des milliers de familles victimes du vaste scandale des «bébé volés du franquisme» en Espagne, qui a éclaté fin 2010 avec les premières plaintes en justice et qui pourrait toucher jusqu’à 300.000 enfants, affirment les associations.
La dictature de Francisco Franco permettait l’enlèvement de nouveaux-nés lorsque les parents étaient des opposants de gauche ou quand l’enfant était né hors mariage. Des groupes de victimes affirment que le trafic a continué, dont la vente de bébés, après la mort de Franco en 1975 et jusqu’à la loi de 1987 encadrant l’adoption, notamment dans des cliniques gérées par des institutions catholiques qui faisaient croire aux parents que leur bébé était mort peu après la naissance.
Marie-José, de père espagnol et de mère française, était une étudiante de 22 ans lorsqu’elle est tombée enceinte. Son père, «très très dur», l’emmène accoucher le 12 juillet 1969 au Couvent Santo Celo à Valence. «C’était cauchemardesque», raconte Marie-José, encore traumatisée par la «méchanceté de la mère supérieure». Contrairement aux promesses de garder le bébé, le père le donne aux religieuses. «Je n’ai plus jamais reparlé à mon père. Ma mère est morte trois ans plus tard et mon père cinq ans après, tous les deux d’un cancer», dit-elle.
Depuis, elle n’a eu de cesse de chercher son fils. Elle s’est mariée et a eu un autre garçon aujourd’hui âgé de 30 ans. De son côté, Juan apprend à 14 ans par ses parents qu’ils l’ont adopté. «Mais ils lui disent que ses parents biologiques sont morts dans un accident de voiture», explique Marie-José.
Vendu par des religieuses
Au décès de sa mère adoptive en 2011, au moment où le scandale des bébés volés éclate, Juan voit que ses parents adoptifs apparaissent comme «biologiques» sur son acte de naissance. Il cherche la vérité.
«Finalement, une cousine germaine, plus âgée, lui a tout raconté il y a trois semaines. Elle lui a dit qu’il avait été vendu par les religieuses, comme cela se faisait beaucoup à l’époque», dit Marie-José, évoquant la complicité de membres de l’Eglise, de l’administration et de médecins pour établir les «vrais-faux» papiers.
Il contacte immédiatement les associations d’aide à Valence, qui très vite font le parallèle avec Marie-José, qu’elles connaissent bien. Les tests ADN confirment le lien mère-fils. «Depuis, on s’appelle tous les jours», dit Marie-José.
Pour l’heure, très peu de familles ont pu retrouver les leurs en Espagne. «Il y en a une douzaine», dit Soledad Luque, représentante de la CoordinadoraX24, qui regroupe la majorité des associations d’aide aux familles en Espagne. Sur quelque 3.000 plaintes déposées, seules 900 sont encore en cours d’instruction, précise-t-elle.