ll y a 31 ans, Béchir Gemayel, élu président de la République, se positionnait en rassembleur et bâtisseur d’un État véritable
Trente et un ans déjà... Il y a trente et un ans, jour pour jour,
le 23 août 1982, Béchir Gemayel accédait à la magistrature suprême. Une élection qui avait alors suscité une vague d’optimisme sans précédent. Et pour cause : le jeune président élu s’était positionné, d’emblée, en rassembleur et, surtout, en bâtisseur de l’État, dans toute l’acception du terme, d’un État véritable, jouissant de tous les attributs de la souveraineté nationale et soucieux réellement des besoins quotidiens d’une population qui était déjà, à l’époque, meurtrie par les années de guerre et les retombées de l’invasion israélienne.
Cette farouche détermination du président Béchir Gemayel à engager résolument, et sans compromissions, le Liban et l’État sur la voie du redressement et de l’essor national lui avait permis de réaliser rapidement le rassemblement autour de lui d’un très large éventail de forces et de leaders d’horizons divers, même parmi ses adversaires du moment, tels que, notamment, l’ancien Premier ministre Saëb Salam, tandis que le ténor de l’opposition antisyrienne, Albert Moukheiber, qui avait refusé de voter pour Béchir Gemayel, recevait quand même à sa résidence de Beit Méry le nouveau président élu, dans un geste très significatif de l’impact créé par l’élection de Béchir Gemayel.
Trente et un an après, le projet du président-martyr Béchir Gemayel en vue de l’édification d’un Liban souverain et pluraliste et d’un État digne de ce nom reste toujours de mise. D’où le slogan qui marque cette année la célébration de l’élection de Béchir Gemayel à la présidence de la République : « Le dernier mot revient à la République. » Et geste hautement symbolique, reflétant le caractère profondément libaniste et rassembleur qu’avait représenté l’accession de Béchir Gemayel à la première magistrature : le conseil municipal de Beyrouth et la Fondation Béchir Gemayel organisent aujourd’hui, 23 août, sous le haut patronage du président de la République Michel Sleiman, une cérémonie solennelle et officielle au cours de laquelle le nom du président Béchir Gemayel sera donné à l’une des principales artères de la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth. Autre symbole significatif : cette artère principale est située à l’emplacement qui a marqué le coup d’envoi de la révolution du Cèdre, en mars 2005, à quelques mètres du mausolée d’un autre président-martyr, Rafic Hariri, dans le secteur où a eu lieu l’historique rassemblement du 14 mars 2005 et où le courant souverainiste du 14 Mars a organisé ses gigantesques rassemblements populaires.
La cérémonie organisée aujourd’hui, à 18 heures, devant la statue des Martyrs, sera marquée par des discours du représentant du président Sleiman, le ministre Nazem el-Khoury, du député Nadim Gemayel, fils du président-martyr, et par le président du conseil municipal de Beyrouth, M. Bilal Hamad.
Trente et un an après, un retour aux déclarations du président Béchir Gemayel au lendemain de son élection et peu de temps avant son accession à la première magistrature permet de raviver la mémoire au sujet des grandes orientations nationales du président-martyr.
Président de tous les LibanaisLe lendemain de son élection, le président Béchir Gemayel recevait un groupe de journalistes de la presse étrangère à qui il avait exposé les grandes lignes directrices qu’il comptait suivre en tant que chef de l’État. Ses propos avaient été rapportés dans l’édition de L’Orient-Le Jour datée du 25 août 1982 : « Je suis le président de tous les Libanais et j’espère ainsi réaliser l’unité nationale authentique. Je souhaite que nous nous regroupions tous, les uns autour des autres, en tant que Libanais, dépassant les slogans du passé et les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés, notamment au cours des huit dernières années avec ce qu’elles nous ont apporté comme malheurs, bombardements, exodes, destructions. Nous devons nous rassembler pour rebâtir notre pays, édifier une vie digne et nous entendre ensemble sur l’avenir que nous devons préparer pour notre pays. »
Invité à définir ce devenir, le président élu avait déclaré : « Je souhaite un Liban libre et responsable de sa sécurité et de sa souveraineté. Un Liban libéré de toute présence armée étrangère sur son sol. »
Prié de préciser quels étaient ses projets, il avait répondu : « Mes projets et mes plans sont prêts. Mais je ne veux pas entrer dans les détails maintenant. Il appartiendra au gouvernement qui sera formé en temps dû de le faire. Il arrêtera son action en accord avec l’Assemblée nationale et avec les responsables libanais concernés. Notre objectif est d’aboutir à une décision libanaise une. »
L’été 1982
Peu de temps avant son élection, Béchir Gemayel avait accordé à Jean-Paul Chatelier une interview publiée dans Politique internationale, dans laquelle il avait clarifié ses vues concernant l’ensemble du problème libanais, dans ses différentes dimensions. Il est fréquent d’entendre dire que le Liban est constitué d’une fédération de communautés ou bien qu’il vit en régime fédéral « personnel », pour bien le distinguer du véritable fédéralisme à base territoriale, avait déclaré Béchir Gemayel. Mais en utilisant ces expressions, nous ne faisons qu’adapter aux concepts occidentaux une réalité spécifiquement orientale, le régime du « millet », dont l’origine remonte à l’Empire ottoman et peut-être – même de manière plus informelle – à l’Empire byzantin. Ce système consiste aujourd’hui à reconnaître à chacune des seize communautés religieuses implantées dans le pays une autonomie législative et judiciaire et, comme le prévoit la Constitution libanaise de 1926, le droit « d’être représentée équitablement dans les emplois publics et dans la composition du ministère. Toutefois, l’organisation politique actuelle du Liban est celle d’un État unitaire, conforme au modèle classique de l’État-nation européen et caractérisée par un pouvoir central hiérarchisé ».
Et d’ajouter : « La règle de l’équité prévue par la Constitution a progressivement pris un caractère rigide, le pouvoir s’est émietté et chacune des communautés, jalouse des parts qui lui revenaient, s’est érigée en forteresse. C’est dans ce contexte archaïque que le Liban a dû faire face aux courants unionistes qui déferlent sans cesse sur le Moyen-Orient et aux pressions des Palestiniens décidés à s’emparer du pouvoir? Il n’est pas étonnant que, sous les multiples coups de boutoir de l’irrédentisme arabo-musulman, le pays se soit démembré et que les institutions de l’État se soient effondrées. En fait, l’unité est beaucoup plus réelle que la diversité ne le laisse apparaître. Le vrai le seul problème – celui que nos ennemis s’acharnent à occulter en instillant le doute quant à l’unité de la nation – consiste à libérer le territoire national des forces étrangères qui l’occupent et à restaurer l’État. La diversité est certes une réalité avec laquelle il faut compter, mais sa maîtrise est l’affaire des techniciens, Les juristes inventeront aisément les mécanismes, nécessaires au maintien de l’équilibre entre les parties et à la neutralisation des pressions extérieures hostiles. »
Interrogé sur le rôle des maronites au Liban, Béchir Gemayel avait déclaré : « Les maronites ont toujours été les champions de la résistance à toutes les agressions dont le pays a été victime au cours de l’histoire. À certains moments critiques, ils ont parfois bénéficié d’un soutien européen. Les liens qui unissent naturellement les chrétiens à l’Europe, notamment dans le domaine culturel, les ont amenés à promouvoir en Orient la technologie moderne et à organiser le Liban sur le modèle de l’État démocratique. C’est pourquoi, en s’attaquant essentiellement aux chrétiens, les Palestiniens et les Syriens savent très bien ce qu’ils font ! Ils cherchent à détruire la charpente fondamentale sur laquelle repose toute la structure du pays. Et cela, en commettant un véritable génocide. Car comment appeler autrement une action soutenue par les massacres, des bombardements à l’artillerie lourde de la population civile, le terrorisme urbain, la destruction systématique des établissements publics et privés – églises, écoles, hôpitaux, usines...– destinés à tuer le plus de gens possible et à contraindre des survivants à fuir ou à se soumettre ? »