Manifestation : à quand cinq femmes de plus au Panthéon ?
«Aux grands hommes la patrie reconnaissante», peut-on lire sur la façade du Panthéon, où reposent 70 personnalités de sexe masculin et seulement deux femmes. Un collectif de féministes a manifesté devant le monument ce lundi pour réclamer l'entrée d'au moins cinq grandes dames sur la liste. ( Le Parisien )
Plus d'une centaine de personnes (200 selon les organisateurs) ont manifesté lundi après-midi devant le Panthéon (Paris Ve) à l'appel du «Collectif pour des femmes au Panthéon» pour réclamer plus de représentantes du beau sexe parmi les « grands hommes» envers qui «la patrie» se dit «reconnaissante».
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Les participants, dont de nombreux hommes, ont pour l'occasion entonné une Marseillaise féminisée : «Entendez-vous dessous vos dalles mugir ces féroces amazones?».
Seules deux femmes ont eu l'honneur d'être inhumées au Panthéon jusqu'ici. La première, Sophie Berthelot, n'a eu droit à cette distinction en 1907 que parce que son époux Marcellin, reconnu comme un éminent chimiste et décédé le même jour qu'elle, désirait être enterré à ses côtés. De ses travaux à elle ne reste rien et son épitaphe ne porte que la vague mention de «scientifique». La seconde, Marie-Curie, a réussi à faire passer son talent avant sa vertu conjugale aux yeux des juges de l'Histoire. C'est au titre de ses travaux de physicienne et de chimiste, qui lui avaient déjà valu deux prix Nobel (le premier en physique avec son mari Pierre, le second seule en chimie), qu'elle a vu sa dépouille entrer au sommet de la rue Soufflot en 1995, cinquante-neuf ans après sa mort.
2 femmes pour 70 hommes
Les soixante-dix autres heureux élus sont des hommes. Mais il se pourrait bien que dans les prochains mois ou les prochaines années la penseuse du XVIIIème siècle Olympe de Gouges, auteure de la «Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne», vienne s'immiscer entre Pierre Garnier de Laboissière (un illustre inconnu qui fut général sous Napoléon Ier) et Henri Grégoire (prêtre catholique qui réclamait l'abolition des privilèges et de l'esclavage à l'heure de la Révolution française).
La pionnière du féminisme figure parmi les cinq femmes présentées comme les plus «panthéonisables» par le «Collectif pour des femmes au Panthéon», un melting pot d'une cinquantaine d'associations féministes, dont Osez le féminisme, Les féministes en mouvements ou encore La Barbe, qui ont manifesté ce lundi .
Les internautes ont voté pour 5 femmes «panthéonisables»
La liste, établie à partir d'un vote organisé depuis mi-juillet sur Facebook par le collectif, comporte également les noms de l'écrivaine Simone de Beauvoir, de la communarde Louise Michel, de la mulâtresse Solitude, figure de la résistance des esclaves noirs en Guadeloupe au XVIIIème siècle, et de l'ethnologue Germaine Tillion, qui dirigea un groupe de Résistants de 1941 à 1942. C'est un peu court mais plus susceptible de faire mouche qu'une énumération exhaustive comprenant George Sand, Colette, Camille Claudel ou encore Lucie Aubrac. «La "panthéonisation" de femmes qui ont fait l'Histoire de France serait une mesure symbolique d'importance, un premier pas vers une réhabilitation plus générale des grandes femmes de notre histoire», estime le collectif.
Retrouvez sur Facebook la liste des 5 femmes «panthéonisables» selon le Collectif Osez le féminisme
Alors, entendra-t-on bientôt la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, ouvertement engagée pour la parité dans le monde de l'art et de la culture, mugir «Entre ici, Germaine Tillion», comme l'avait fait son illustre prédecesseur André Malraux en accueillant Jean Moulin au Panthéon en 1964 ? Dans un discours prononcé à Reims, à la veille de la Journée internationale de la femme le 7 mars dernier, le président François Hollande avait appelé «à mieux reconnaître la place des femmes dans l’histoire de la République, dans l’histoire même de notre pays avant même la République». «J’attends des propositions - il y en a - pour prendre, le moment venu, des décisions pour accueillir des femmes au Panthéon», avait-il ajouté, réagissant à la proposition de la candidate socialiste à la mairie de Paris Anna Hidalgo d'y faire entrer Olympe de Gouges à l'heure certains plaidaient pour que la dépouille de Stéphane Hessel, tout juste décédé, y soit accueillie.
Une promesse de François Hollande
Depuis, le président du Centre des monuments nationaux (CMN) Philippe Belaval, chargé de remettre au chef de l'Etat d'ici le 30 septembre un rapport sur le «rôle du Panthéon dans la promotion des principes de la République» et sur des personnalités susceptibles d'y être honorées, s'est engagé à faire entrer des femmes au Panthéon. En partenariat avec la Comédie Française, le CMN a notamment proposé d'y inhumer des femmes écrivains telles que Margueritre Duras ou Yourcenar.
C'est pour appeler François Hollande et Philippe Belaval à respecter cet engagement que le Collectif pour les femmes au Panthéon a organisé cette action ce lundi, choisissant pour marquer le coup la date anniversaire de la naissance du Mouvement pour la libération de la femme (MLMF) qui mena sa première action publique le 26 août 1970 en déposant une gerbe sur la tombe du soldat inconnu en déclarant : «Il y a plus inconnu que le soldat inconnu : sa femme». Une pétition baptisée «François Hollande : panthéonisez les femmes» mise en ligne par le collectif a par ailleurs récolté plus de 2100 signatures. En attendant de voir le projet aboutir, le groupe de féministes a rendez-vous le 6 septembre avec Philippe Bélaval pour discuter des potentielles futures colocataires de Sophie et Marie.