Elle s’appelle Dounia Bouzar, elle est, paraît-il, « anthropologue du fait religieux », et elle a été nommée dimanche à l’Observatoire de la laïcité par le Premier ministre. La dame ayant siégé au Conseil français du culte musulman, des esprits malveillants pourraient objecter qu’elle est un tout petit peu juge et partie, mais en tout cas, elle prend sa mission très au sérieux. Elle démarre même très fort.
Dans sa première interview, accordée au magazine Challenges, elle déclare que la France doit continuer à montrer l’exemple d’un État assumant son credo laïc… et qu’elle doit remplacer deux fêtes chrétiennes fériées par Yom Kippour et l’Aïd. Le clergé, un peu réticent jusque-là, n’y serait plus opposé, donc tous les voyants sont au vert.
Et comme Challenges n’est pas un magazine économique pour rien, on fait montre de sens pratique : aussitôt dit, aussitôt fait, l’article en ligne est assorti d’un petit sondage pour les lecteurs, qui peuvent cocher la case de leur choix dans la liste des fêtes chrétiennes à faire éventuellement passer à la trappe.
Cette curieuse conception de la laïcité en ayant surpris plus d’un, Dounia Bouzar a dû préciser sa pensée, qui selon elle vise à « désamorcer l’islam radical » : « Le discours radical multiplie les occasions de faire croire aux musulmans qu’il y a un complot contre l’islam et fait tout pour séparer les musulmans des autres. Moi, je me suis dit que faire une place symbolique aux fêtes juives et musulmanes pouvait être une manière de leur couper l’herbe sous le pied. »
Et voilà, tout est clair. C’est la théorie bien connue du « grain à moudre ». C’est le discours radical qui alimente les tensions. Si on donne des gages de bonne volonté, l’islam radical n’aura plus de grain à moudre. Et hop, l’affaire sera dans le sac, notre pays ne sera plus qu’amour, tendresse et baisers laïcs dans le cou.
Maintenant, je considère la liste de Challenges, et je me demande si supprimer l’Ascension, que plus personne ne connaît, ou l’Assomption, date à laquelle, de toutes façons, eu égard à la chaleur, personne ne bosse réellement, aura une charge « symbolique » suffisante ?
Pâques, en revanche… Un lapin en chocolat sur une tête de gondole, cela a quelque chose de terriblement agressif pour qui n’a pas la foi chrétienne, voire de comploteur, avec ses grandes oreilles et ses petits yeux sournois…
Mais une fois que l’on aura commencé à couper l’herbe sous le pied du « discours radical », il faudra — c’est logique — tondre tout le gazon. De vous à moi, ces clochers omniprésents dans la campagne française sont un peu comme les fêtes chrétiennes qui trustent le calendrier… cela peut agacer. Transformons-en tout un lot en mosquées. Et toc ! L’islam radical sera bien déconfit de ne plus avoir de grain à moudre. Ça, c’est une bonne idée. Surtout si le clergé catholique est d’accord et plus du tout réticent.
Allez, on continue, la pelouse est encore trop haute : les rues de Paris. Le boulevard Saint-Michel, le boulevard Saint-Germain, la rue Saint-Honoré, la rue Saint-Denis, la rue Saint-Dominique, la rue Saint-Jacques… Un vrai martyrologe. Une place Saint-Augustin mais aucune place Averroès… Quant au prophète et à ses compagnons, on les cherche désespérément sur les lignes du métro, entre Saint-Placide, Saint-Sulpice, la Trinité et Abbesses. Et si c’était cela, qui rendait certains un peu nerveux dans les couloirs, le soir ? Damons le pion de l’islam radical en lui offrant quelques stations « symboliques », il sera drôlement désappointé. Le discours radical se nourrissant de rancœurs et de frustrations, l’islam radical ne disparaîtra que lorsque les chrétiens auront enfin cessé de la ramener. Comme en Syrie et au Pakistan, par exemple ?