La rocambolesque arrestation d'un pirate somalien, piégé par la police belge
Le Monde.fr | 15.10.2013 à 13h49 |
C'est en usant d'un stratagème inédit et longuement élaboré que la police fédérale belge est parvenue à mettre la main, samedi 12 octobre, sur l'un des principaux "parrains" de la piraterie en Somalie, Mohamed Abdi Hassan, 60 ans, alias Afweyne – ce qui signifie "grande gueule" dans sa langue. Le dirigeant du gang de pirates King Pin, victime de sa vanité, a été attiré à Bruxelles par un prétendu contrat pour un film qui devait lui être consacré... Un faux projet qui l'a attiré à Bruxelles et lui a valu une arrestation et une mise en examen pour détournement, prise d'otages et participation à une organisation criminelle. Un autre homme qui l'accompagnait, Mohamed Aden Ticeey, aujourd'hui gouverneur de région, a également été cueilli à la sortie d'un vol en provenance de Nairobi.
Les policiers étaient depuis longtemps sur la trace d'Afweyne, soupçonné d'avoir détourné plusieurs navires, dont le dragueur belge Pompei, en 2009. Douze pirates avaient attaqué le bateau et l'avaient dérouté. Le Pompei et son équipage avait été libérés au bout de 71 jours contre le versement d'une rançon de 2 millions d'euros. Le navire avait été, ensuite, soumis à une enquête minutieuse et à un relevé d'empreintes. Deux suspects avaient déjà été appréhendés, extradés et condamnés par la justice belge.
"MESURE D'AUTODÉFENSE"
Renonçant à toute idée d'une arrestation de Mohamed Abdi Hassan dans son pays, la police fédérale belge a monté une opération "sous couverture". Des agents ont approché Mohamed Aden Ticey, un homme de confiance du chef de gang. Ils proposèrent d'embaucher ce dernier comme "conseiller" d'un film et de venir signer son contrat en Belgique. Soucieux de son image, M. Abdi Hassan avait annoncé en janvier qu'il changeait de camp et allait désormais se consacrer à la lutte contre la piraterie et l'exploitation des jeunes contraints de se livrer à cette activité. A cette occasion, il avait décrit ses activités antérieures comme une "mesure d'autodéfense" face à la présence d'une flotte militaire internationale contrariant la pêche en mer.
Des rapports des Nations unies de 2010 et 2011 jugeaient, en revanche, qu'il était un criminel très influent, à la tête d'une fortune considérable, accumulée aussi grâce au commerce du khat. Il aurait cédé le contrôle des activités de piraterie à son fils, Abdiqadir en 2011. Et son réseau d'influence lui aurait apparemment permis de disposer d'un passeport diplomatique et d'échapper ainsi à une arrestation en Malaisie, au début de l'année.