Rappel du premier message :
Repères sur l’Innovation en Israël
séminaire de réflexion organisé par l’ANRT
Résumé : Comment expliquer la
réussite d’Israël, petit pays aux nombreuses tensions politiques et
économiques, qui a su devenir l’un des pionniers de l’industrie de haute
technologie dans le monde et leader incontesté dans de nombreux
secteurs ? Parmi ses atouts exceptionnels, il faut mentionner un rythme
de création de start-ups supérieur à celui de l’Europe entière et le
fait qu’Israël possède le plus grand nombre des société cotées au Nasdaq
après les Etats-Unis et depuis l’an 2000 devant le Canada…
Quels sont les mécanismes mis en
oeuvre en Israël pour exploiter sa base scientifique ? Comment expliquer
le développement spectaculaire des entreprises innovantes ? Quel est le
rôle des mesures gouvernementales en faveur de l’innovation et de
l’investissement en capital risque ? Et celui des principaux acteurs de
recherche et d’innovation, universités, centres de recherche, groupes
industriels dans la création d’un environnement favorable à la création
d’entreprises par les chercheurs ?
Intervention de Dominique Bourra:
Israël, un partenaire stratégique ?
« Comme on l’a compris au travers
des différents témoignages que nous avons entendus, la France et Israël
sont d’ores et déjà des techno-alliés, avec des réseaux bilatéraux
extrêmement actifs et beaucoup d’initiatives de rapprochements et de
partenariats.
Les technologies israéliennes sont
largement présentes dans les objets de la vie courante, qu’il s’agisse
de médicaments génériques, de puces informatiques, de boîtes vocales, de
la carte orange, etc. Certaines de ces innovations ont été développées
en partenariat avec des sociétés françaises ; c’est le cas des power
lines qui sont actuellement en cours d’expérimentation avec EDF à
Courbevoie, ou de la pilule endoscopique Given’ Imaging, qui a été
développée avec une composante stratégique française. François Béhague a
de son côté décrit le partenariat qui s’est instauré entre Alcatel et
des sociétés israéliennes, et des accords stratégiques ont été signés
entre IAI et Thales.
Les échanges bilatéraux ont doublé en dix ans et les relations
commerciales entre les deux pays sont en hausse : environ 6.000
entreprises françaises travaillent avec Israël, et 700 sociétés
israéliennes travaillent avec la France.
Par ailleurs de nombreux réseaux bilatéraux sont très actifs, comme
ceux qui existent entre l’ENS Cachan, le CNRS, l’Université Ben Gourion,
pour la création d’un projet de laboratoire binational en biophotonique
; ou entre l’université Joseph Fourrier de Grenoble et l’université Ben
Gourion, qui développent ensemble des bio-capteurs; ou encore entre
l’Institut Pasteur et l’Institut Weizmann ; sans oublier le réseau X-Israël ou la Chambre de commerce France-Israël, qui est présente non seulement à Paris mais aussi à Lyon, Marseille et Strasbourg.
Mais en dépit de cette pléthore d’initiatives, on constate que des
obstacles structurels s’opposent encore à une coopération renforcée.
Ainsi, par exemple, la non-éligibilité des coopérations avec Israël au
crédit d’impôt recherche : une société qui confie de la sous-traitance à
des laboratoires de recherche israéliens ne peut pas bénéficier de
cette mesure. Ou encore la non-éligibilité d’Israël aux investissements
de
FCPI, ou l’insuffisance des bourses de thèse accordées pour la recherche en Israël.
Il n’y a pas non plus de
financements pour des coopérations bilatérales de grands groupes
français avec des start-up israéliennes ; or dans certains cas,
contrairement à ce qu’on pourrait croire, les grands groupes auraient
besoin d’un « coup de pouce » pour initier des recherches conjointes sur
des projets innovants. Alcatel prend en charge ces programmes lui-même
avec beaucoup de brio, mais cela reste l’exception.
Enfin il manque une coordination des initiatives scientifiques et
industrielles : il existe un haut comité pour la recherche, un haut
comité pour l’industrie, mais pas d’entité commune capable de porter une
véritable réflexion stratégique. Les processus d’évaluation décrits par
Didier Chaton se déroulent de façon séparée, même si les responsables
se parlent et se coordonnent : il n’y a pas d’évaluation globale du
projet par un collège technologique et financier. Dernier point : le
capital-risque franco-israélien est pour l’instant sur la défensive, à
quelques exceptions près comme le cas que nous a relaté Simon Bénita ou
l’investissement que la banque Rothschild a réalisé dans la société
Visionix. Il s’agit cependant d’opérations très limitées quand on pense
au potentiel que représente la Silicon Valley israélienne : celle-ci
suscite en moyenne 400 investissements par an, pour un montant d’un
milliard de dollars, voire d’1,5 milliards en 2004. La moitié seulement
provient du capital-risque israélien. Il est regrettable que le
capital-risque français s’y intéresse aussi peu.
On connaît pourtant des modèles de coopération bilatérale réussis,
grâce à des fonds dédiés entre Israël et des technopuissances, telles
que les USA, le Canada, le Royaume-Uni, Singapour, la Corée. Aux
États-Unis, la Bird Foundation, le fonds gouvernemental
israélo-américain, a investi plus de 210 millions de dollars dans 670
projets communs, ce qui a généré 7 milliards de dollars de revenus et
contribué à des dizaines d’IPO sur le Nasdaq.
Grâce à ce type de coopération,
certaines sociétés israéliennes entrent également à la Bourse de
Londres, et d’autres pourraient entrer dans d’autres bourses
européennes, mais cela ne peut pas se faire par hasard : il y faut une
réelle volonté.
En conclusion, les obstacles structurels restent tels qu’on peut se
demander si le vrai creuset de la coopération franco-israélienne ne sera
pas l’Europe, à travers le
PCRD,
mais avec un inconvénient de taille : les possibilités ouvertes de ce
côté sont encore sous-exploitées par les PME. Il est donc urgent de
renforcer la coopération stratégique nationale avec Israël, afin de
capter les avancées académiques et industrielles, et seuls des
financements ad hoc, à la fois publics et privés, permettront
d’atteindre des résultats satisfaisants dans l’intérêt de la recherche
et de l’industrie françaises.