Démantèlement de Dexia : la Belgique roulée dans la farine ?
A l'issue des négociations pour régler le démantèlement de la banque Dexia, Bruxelles va nationaliser les activités belges de l'établissement. Mais le reste de l'accord signé avec la France semble loin d'être à son avantage... Par Sébastian SEIBT (texte) L’heure des comptes a sonné. Alors que le processus de démantèlement de la banque franco-belge Dexia s’accélère, des voix commencent à se demander en Belgique si le pays ne s’est pas fait avoir par la France lors des négociations qui ont eu lieu pendant une bonne partie de la nuit de dimanche à lundi.
Un plan en trois parties
Ces âpres discussions entre autorités françaises, belges, luxembourgeoises et les dirigeants de Dexia ont débouché sur un plan en trois volets. Il prévoit que la Belgique nationalise les activités de banque de détail sur son sol de Dexia Belgique pour 4 milliards d'euros ; que la France cède à la Caisse des dépôts les activités de financement des collectivités qui représentent le coeur de métier de Dexia dans l'Hexagone ; et que Paris, Bruxelles et Luxembourg créent une banque poubelle (“bad bank”) pour gérer les quelque 100 milliards d’euros d’actifs toxiques qui plombaient les comptes de l'établissement. Une feuille de route claire en apparence et qui a plu aux agences de notation. Standard’s & Poor's a ainsi confirmé les notes de la France (AAA) et de la Belgique (AA+).
Côté belge en revanche, certains commencent à se demander si la France n'aurait pas berné le Royaume, en agissant avec la défense de ses intérêts comme seule préoccupation. La France, qui voit se profiler une élection présidentielle, aurait tout fait "pour garder à tout prix son rating AAA”, soulignait ainsi ce lundi le quotidien belge L’Écho.
Accord gagnant-perdant ?
Selon plusieurs journaux belges, la France aurait en fait lâché du lest sur le volet de la nationalisation de Dexia Belgique pour mieux obliger Bruxelles à accroître sa part dans le financement de la “bad bank”. Comme le rappelle La Libre Belgique, Paris a fini par concéder à Bruxelles le rachat de Dexia Belgique pour 4 milliards d'euros, après avoir estimé dans un premier temps que l'opération en valait 8 milliards.
En contrepartie, laisse entendre pour sa part le quotidien Le Soir, la Belgique aurait été contrainte d'assurer, à hauteur de 60,5%, la garantie de 90 milliards d’euros apportée à la “bad bank” - contre 36,5% seulement pour la France et 3% pour le Luxembourg. Autrement dit, si la banque poubelle n’arrive pas à se débarrasser de ses actifs toxiques, la Belgique devra payer 54 milliards d’euros, soit près de 15% de son PIB - ou encore 5 000 euros par habitant -, là où la France n’aurait à engager que 2% à peine de son PIB (soit 32 milliards d’euros).
Pour l'heure, s'il ne s'agit certes que de garanties, “il ne s'agit pas d'un bon accord pour la Belgique car une ‘bad bank’ engendre toujours des pertes pour les actionnaires”, rappelle à France 24 Pascal de Lima, professeur d’économie à Sciences Po-Paris et économiste en chef chez Altran, une société de conseils en finance.
La menace qui plane sur la Belgique
Pour le Royaume, cet accord est d'autant plus risqué que les agences de notation ont ce genre d’actifs toxiques en horreur. “Puisqu’avec cette garantie on augmente le risque financier pour l’État belge, la note générale du pays s'en trouve menacée”, analyse Pierre-Henri Thomas, spécialiste du secteur financier du quotidien belge Le Soir.
Une menace dont la Belgique, déjà malmenée sur les marchés, n'a vraiment pas besoin, rappelle Pascal de Lima. "Les taux d’intérêt que Bruxelles doit payer sur sa dette ont déjà beaucoup augmenté depuis le début de la crise de la zone euro. Une dégradation de sa note accentuerait cette hausse et risquerait de faire du pays le premier du nord de l’Europe à succomber à l’effet de contagion de la crise de la dette grecque”.