> Orphelin dès sa naissance, le 28 juin 1712, Jean-Jacques Rousseau a grandi librement dans la République calviniste de Genève, auprès d'un père fantasque, puis chez un pasteur. Un châtiment immérité suscite en lui la haine du mensonge et de l'injustice. Mis en apprentissage à 12 ans, l'enfant passe "
de la sublimité de l'héroïsme à la paresse d'un vaurien" et mène une existence vagabonde.
Une rencontre inoubliable :En mars 1728, trouvant au retour d'une promenade les portes de Genève fermées, Rousseau part courir l'aventure. Un curé le recueille et l'envoie à Annecy chez Madame de Warens, jeune femme pieuse qui venait en aide aux futurs convertis. Rencontre inoubliable, mais très brève, avec celle auprès de qui il passera sa jeunesse et qu'il appelle "Maman".
Elle fait entrer son jeune protégé à l'Hospice des Catéchumènes de Turin où il abjure le protestantisme et reçoit le baptême.
Successivement laquais, séminariste, musicien, secrétaire d'un piètre escroc, Rousseau regagne Annecy et retrouve en 1731 Madame de Warens qui décide de le "
traiter en homme". C'est auprès d'elle qu'il effectue deux séjours dans le Vallon des Charmettes, près de Chambéry, et connait le "
court bonheur" de son existence. Mais elle finit par se fatiguer de lui et, après être resté seul aux Charmettes pour parfaire son instruction en autodidacte, il se place à Lyon, chez Monsieur de Mably, frère de l'abbé encyclopédiste Mably et du philosophe Condillac.
A la conquête de Paris :En 1742, Rousseau part pour la capitale. Et là, voulant faire son "trou", c'est d'abord par le biais de la musique qu'il tente de percer. Il propose à l'Académie des Sciences un nouveau système de notation musicale, qui est aussitôt critiqué par Rameau, le grand musicien de l'époque. Cette méchante affaire lui fait connaître cependant le monde littéraire, notamment Marivaux, Mably, Fontenelle et Diderot, puis la société brillante et mondaine du "Tout-Paris".
Il décroche un emploi chez le Comte de Montaigu, ambassadeur auprès de la République Sérénissime, ce qui lui permet de découvrir Venise, mais les mesquineries de son patron à son égard suscitent en lui une amertume profonde, source des condamnations qu'il portera plus tard contre l'ordre social de son siècle.
Revenu à Paris en 1744, Rousseau se réfugie dans la musique et il compose un opéra,
Les Muses galantes, qui obtient un succès réel, et remanie un opéra de Voltaire.
D'une liaison avec une lingère orléanaise, Thérèse Levasseur, naîtront cinq enfants qu'il déposera à l'Hospice des Enfants Trouvés. Il n'en continue pas moins à développer ses relations mondaines, devient secrétaire de Madame Dupin, fait la connaissance de Madame d'Epinay, fréquente Diderot, Condillac, Grimm, d'Alembert et rédige pour l'
Encyclopédie des articles de musique.
L'illumination de Vincennes :Au mois d'octobre 1749, en allant rendre visite à son ami Diderot enfermé au château de Vincennes, Rousseau lit le sujet mis au concours par l'Académie de Dijon : "
Si le progrès des Sciences et des Arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs." Il se sent devenir "un autre homme" et rédige alors son
Discours sur les Sciences et les Arts (1750). Le voilà célèbre. Mais il s'est convaincu que la civilisation a perverti les moeurs : soucieux de mettre sa vie en accord avec ses théories, il entreprend une "réforme morale" et se détourne alors des mondanités.
Après le triomphe de son opéra
Le Devin du village (1752), il s'engage dans la "querelle des Bouffons", puis séjourne alors quelques mois à Genève pour abjurer le catholicisme et redevenir citoyen d'une cité libre. Son humeur étrange commence à le brouiller avec ses amis philosophes qui jugent un peu artificiel son
Discours sur l'inégalité (1755), dédié à la République de Venise.
Le temps des grandes oeuvres :Rousseau retourne à Paris et accepte l'hospitalité de Madame d'Epinay, à l'Ermitage, où il s'éprend de Madame d'Houdetot : sa passion folle et romanesque trouvera quelques années plus tard son écho dans les derniers livres de
La Nouvelle Héloïse.
Son caractère ombrageux le brouille successivement avec Voltaire, puis avec Grimm, d'Alembert et même son vieil ami Diderot qui ne comprennent pas sa volonté d'isolement. Il s'installe alors à Montmorency, de 1759 à 1762, chez le Maréchal de Luxembourg. Ces quelques années de retraite lui ont permis une intense activité créatrice, marquée d'abord par sa
Lettre à d'Alembert sur les spectacles (1758), puis par la composition simultanée de ses trois plus grandes oeuvres :
La Nouvelle Heloïse (1761), qui obtient un immense succès, du
Contrat Social (1762) où il expose ses idées politiques et l'
Emile, un traité sur l'Education.
L'homme traqué :Le 9 juin 1762, le Parlement de Paris condamne l'
Emile en raison des idées religieuses présentées dans la
Profession de foi du vicaire savoyard, et décrète son auteur de prise de corps. Rousseau doit quitter précipitamment Montmorency : le 14 juin, il est en Suisse, mais
Du Contrat social et l'
Emile sont brûlés en place publique à Genève. Le voilà réduit pour longtemps à la condition de fugitif et de persécuté, à la fois chez les catholiques mais aussi chez les calvinistes.
"
J'étais un impie, un athée, une bête féroce, un loup", écrira t-il plus tard.
Il trouve alors refuge à Motiers, près de Neuchâtel, alors principauté prussienne, où il ébauche ses
Confessions. Mais après ses
Lettres écrites de la montagne (1764), sa maison est lapidée et il doit s'enfuir sur l'île Saint-Pierre, au milieu du lac de Bienne, qui lui laisse le souvenir enchanteur d'un très bref moment de répit et de bonheur.
Chassé à nouveau par les Bernois, il accepte l'hospitalité du philosophe David Hume. Mais après quelques mois passés en Angleterre, il se brouille avec son hôte et quitte un pays où il se croit exposé aux attaques de Voltaire, de d'Holbach et des philosophes.
Le refuge dans l'autobiographie :De plus en plus obsédé par l'idée d'un complot, Rousseau connait une succession d'aventures pitoyables qui le bouleversent. Contre ce qu'il croit être une conspiration universelle, il se justifie en achevant ses
Confessions (1765-1770). Ses dernières années se passent à Paris, où il recommence à gagner sa vie en copiant de la musique, partage ses loisirs entre la botanique et ses promenades avec Bernardin de Saint-Pierre et compose difficilement ses
Dialogues, puis à partir de 1776,
Les Rêveries du promeneur solitaire : ses obsessions d'homme traqué s'estompent et il parait jouir de ce qu'il contemple, de ses souvenirs et du simple sentiment de son existence.
Rousseau meurt le 2 juillet 1778 à Ermenonville, où il est inhumé dans l'île des Peupliers, qui devient un lieu de pèlerinage jusqu'au transfert de ses cendres au Panthéon par la Convention en 1794.