Une autre vision de l'Histoire (de cul) ...
Extrait de " Alain DUCUL raconte ... "
La Baie des cochons: bienvenue sur la plage libertine du Cap-d’Agde
Dans les dunes, on peut croiser dominateurs et soumises, parfois tenus en laisse ...
Au coeur du village naturiste du Cap-d’Agde, sur un morceau de plage rebaptisé “baie des cochons”, les libertins s’amusent. Fellations, masturbations, bukkake, gang bang : ici, le plaisir est public et collectif. Article extrait des Inrocks spécial sexe, actuellement en kiosque.
C’est l’heure du goûter et quelques messieurs, visiblement affamés, hâtent le pas sur le sable chaud. Arrivés à hauteur d’un parasol gris, ils s’arrêtent et se placent soigneusement en arc de cercle. Ils sont cinq, puis dix, trente. Tous sont nus et en érection. Muscles contractés, mâchoire serrée, la plupart se masturbent même avec énergie. Sous le parasol, posé sur une serviette blanche, un couple se montre. La femme est allongée sur le dos, l’homme se tient sur elle, dans la position du missionnaire. Ils ont une cinquantaine d’années et leurs corps sont extrêmement blancs, totalement épilés. Bientôt, ils glissent en levrette. Autour d’eux, les spectateurs semblent toujours plus nombreux, toujours plus excités. Après quelques instants, elle souffle un mot à son partenaire, en allemand. Il se retire d’elle et introduit un premier doigt dans son vagin, puis un deuxième. Avec attention, il accélère le mouvement et, rapidement prise de convulsions, elle jouit. Elle jouit magistralement. Madame est une femme fontaine et l’assistance est aux anges. Quelques applaudissements se font même entendre. Le spectacle ne fait pourtant que commencer.
Au Cap-d’Agde, sur un morceau de la plage du camp de naturistes, long d’une centaine de mètres et rebaptisé “baie des cochons”, rien ne semble interdit. Les couples s’aiment en public et assouvissent leur désir d’exhibitionnisme devant une cohorte de voyeurs à l’affût. En semi-érection permanente, ceux-ci passent d’un couple à l’autre exactement comme un enfant enchaînerait les attractions à Eurodisney. Ici, la police se fait extrêmement rare. Elle intervient parfois lorsque les ébats se prolongent en bordure de la plage, dans les dunes rattachées à la réserve naturelle. Il est même arrivé que des voyeurs et des exhibitionnistes s’y fassent arrêter et emmener au poste, simplement habillés d’une paire de menottes. Mais sur la plage, elle ferme les yeux. Car, même si l’exhibitionnisme y est, comme partout, un délit, les plaintes sont rarissimes. Dans le coin, tout le monde sait ce qui se trame à cet endroit.
Tout le monde est adulte, consentant et nu
Depuis la construction du village naturiste du Cap-d’Agde dans les années 70, cette parcelle de sable a toujours accueilli les libertins et leurs pratiques ont presque fini par entrer dans les moeurs. Des lois informelles se sont même établies au fil du temps. Sur la “baie des cochons”, tout le monde est adulte, consentant et nu, absolument nu (même le journaliste, après qu’il eut renoncé au stratagème du paréo). Le groupe veille sur lui-même et chasse ceux qui mettraient en danger son harmonie. Cet après-midi-là, un homme ayant eu l’indélicatesse de sortir un téléphone portable pour filmer une femme en action se fera ainsi sévèrement reprendre. Son portable finira même à l’eau.
Au Cap-d’Agde, les exhibitionnistes se montrent dans l’assurance que les voyeurs sauront se tenir, malgré l’excitation. Ici, lorsqu’un homme jouit et répand sa semence sur la plage, il prend même le temps de la recouvrir de sable.
Un peu plus loin, c’est maintenant une femme très bronzée, la cinquantaine peroxydée et siliconée, qui s’offre à son homme. Il est à genoux devant elle et lui lèche le clitoris. Un nouveau cercle de voyeurs se forme autour d’eux. Les plus jeunes ont 25 ans, les plus vieux presque 80, à vue d’oeil. Ils sont là, agglutinés, collés les uns aux autres, le sexe à la main. Ils se masturbent dans un silence de cathédrale, comme concentrés sur les petits cris de plaisir poussés par la femme. C’est elle l’héroïne de ce spectacle improvisé, aux allures de tournage porno en plein air et en public. C’est elle qui donne le tempo, dit “oui” ou “non”.
Quand une femme désigne un homme, il doit venir la contenter
Au Cap-d’Agde, la femme est toujours au coeur des attentions, et ses désirs sont comme des ordres. Quand elle désigne un homme dans la foule des voyeurs, celui-ci doit se rapprocher et venir la contenter, ce qu’il fait généralement avec empressement. Là, le veinard est un jeune homme d’origine maghrébine au corps ferme. Délicatement, il s’installe à côté de madame et pose ses doigts sur son corps, puis lèche ses seins. Bientôt, il pourra venir en elle.
Comme partout ailleurs, personne n’est évidemment égal devant le désir. Il y a une hiérarchie et un ordre esthétique. Dans Les Particules élémentaires, s’arrêtant pendant quelques pages magistrales sur la plage du Cap-d’Agde, Michel Houellebecq écrit :
“(…) une femme au corps jeune et harmonieux, un homme séduisant et viril se voient entourés de propositions flatteuses. Au Cap-d’Agde comme ailleurs un individu obèse, vieillissant ou disgracieux sera condamné à la masturbation – à ceci près que cette activité, en général proscrite dans les lieux publics, sera ici considérée avec une aimable bienveillance.”
Nudité, érection et chaussures de ville, tout passe
Au fil des heures, et des jours, rien ne choque ou ne surprend plus vraiment. On s’habitue à voir déambuler des sexagénaires équipés d’épais cockrings en métal (assurément l’accessoire de l’été 2012 au Cap-d’Agde). On se fait aussi au spectacle bizarroïde d’hommes en érection, nus mais chaussés de leurs chaussures de ville ou de leurs baskets, car le sable brûle les pieds en plein après-midi. Tout devient normal. Tout passe. Même quand notre voisine de serviette, âgée d’au moins 70 ans, ouvre ses cuisses en grand et entreprend de se caresser pour le plaisir d’un mateur venu se poser à quelques centimètres d’elle, sous l’œil approbateur du mari, un homme aux longs cheveux blancs et au physique de gourou de secte.
Faisons un tour en club échangiste
Ici, les corps, entièrement épilés dans l’immense majorité des cas, sont souvent usés, tombants, fripés. La moyenne d’âge tourne autour de 45 ou 50 ans et, si l’on recense quelques hommes dans la fleur de l’âge, les femmes de moins de 40 ans sont très rares. “C’était mieux avant”, regrette d’ailleurs un homme à casquette, posté en haut d’une petite dune, à un poste d’observation privilégié. “Il y avait des jeunettes, des belles filles. Elles sont toutes parties…”
De façon générale, des habitués de la plage aux policiers municipaux en passant par les habitants du coin, on s’accorde à dire que “la baie des cochons” est au creux de la vague, et qu’il s’y passait davantage de choses il y a cinq ou dix ans. Pour la police, les arrestations dans les dunes portent leurs fruits et dissuadent une partie des exhibitionnistes et voyeurs. Pour les autres, c’est l’apparition des boîtes libertines, ouvertes le jour, qui a changé la donne. Il se dit, par exemple, que les jeunes libertines du Cap-d’Agde passent désormais leurs après-midi au Glamour, une boîte de nuit du village naturiste réputée pour la qualité de ses ambiances mousse.
Il est 18 heures, les choses s’accélèrent
Pourtant, indiscutablement, les trois ou quatre cents fidèles venant poser leur serviette chaque jour d’été sur “la baie des cochons” continuent de s’y s’amuser. Il est maintenant 18 heures et le poste de surveillance des maîtres nageurs vient de fermer. Les choses s’accélèrent. Dans l’eau, à quelques mètres du bord, on remarque une vingtaine d’hommes en groupe. Au milieu d’eux, une femme aux cheveux courts, extrêmement généreuse.
Sur la plage, on s’active aussi. Goguenard, un homme revient de derrière les dunes et raconte à ses copains qu’”une fille vient de se faire éjaculer sur le visage par une dizaine de types” (une pratique connue sous le nom de bukkake). Plus loin, une femme rousse allongée sur le sol fait l’attraction. Elle est entourée d’au moins cinquante hommes et elle désigne les élus, appelés à venir profiter d’elle. Ils piaffent tous, cherchent à capter son regard dans l’espoir d’un signe. Mais elle semble impénétrable, les yeux dans le vague, doucement gagnée par le plaisir.
Elle dit ” viens” à un homme. Elle est française, comme une majorité des gens présents sur la plage, semble-t-il. Il y a aussi beaucoup d’Allemands, de Hollandais, de Belges et quelques Anglais. Mais, dans le plus simple appareil, les étiquettes tombent vite, et les marqueurs sociaux s’estompent naturellement. C’est aussi le charme du Cap-d’Adge. Si quelques coupes de cheveux ou quelques tatouages maladroits semblent trahir, parfois, une appartenance à un milieu populaire, on ne peut savoir véritablement qui est riche, qui est pauvre, qui est cadre ou ouvrier.
Toujours dans Les Particules élémentaires, Houellebecq évoquait, avec une certaine gourmandise, la présence “d’infirmières hollandaises, de fonctionnaires allemands, tous très corrects bourgeois, genre pays nordiques ou Benelux”. Sur place, pourtant, les informations sont difficiles à glaner. Un homme, habitué des lieux depuis une dizaine d’années, glisse qu’il est commercial dans l’agroalimentaire. Une femme dit être kinésithérapeute. Mais, ici, personne ne veut être ramené à la vraie vie. Il y a tellement mieux à faire. Tellement mieux à évoquer. Le soleil tombe et des couples se rapprochent, entament la conversation. Il est grand temps de préparer ce qui se passera plus tard, à l’abri des regards, cette fois.