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Le féminisme islamique: une nécessité pour le changement
13 Mai 2013
Le concept de féminisme islamique a été très médiatisé ces derniers mois. Déclaré comme inconcevable par ses détracteurs, ElKalam m’offre l’occasion d’en éclaircir certains points souvent attaqués. Si sa terminologie est dérangeante pour certain(e)s, il est utile de rappeler que l’idée même de féminisme islamique est née dans les sphères intellectuelles. Mais l’idée seulement ! Car c’est en observant les revendications des femmes musulmanes faites au nom de la religion que des anthropologues choisirent de nommer la posture revendicatrice de ces femmes sous le terme de féminisme islamique. Dans ces quelques lignes, je vous propose de revenir sur l’essence des revendications des féministes musulmanes. Dans le contexte français, je propose une analyse du symbolisme du hijab et de la place des femmes dans la communauté. Je présenterai également cette autre voie d’émancipation proposée par les féministes musulmanes.
La particularité des féministes musulmanes réside dans l’attachement sincère et assumé que ses femmes ont du Coran et de la Sunna. Pour elles, le message coranique et l’exemple prophétique sont des modèles de respect, de dignité et d’égalité faits aux femmes. Et ces musulmanes tentent d’appliquer cette justice dans leur vie quotidienne, sociale et religieuse. Pourtant, la réalité est bien souvent différente. Elles ne retrouvent pas cet idéal dans les mentalités de leur communauté religieuse, qui continuent à fonctionner selon une mise sous tutelle des femmes et d’une ségrégation sexuelle qui les handicape. Dans certains pays, ce sont des lois dites islamiques, qui leurs déni des droits fondamentaux. On peut donc légitimement se demander en quoi ces lois s’inspirent du Coran et de l’exemple du prophète (PSSL). En France, il n’y a qu’à s’intéresser de près à la place faite aux femmes dans la grande majorité des mosquées pour se rendre compte du mal dont souffre la communauté musulmane. Reléguées derrière des rideaux, balcons et autres, les femmes sont malheureusement perçues comme celles qu’il faut invisibiliser pour ne pas perturber les hommes croyants dans leurs actes d’adoration. Le hijab ne suffisant pas à neutraliser leur dimension sexuelle. Elles sont aussi majoritairement absentes des fonctions de représentation religieuse (poste de direction, décisionnel, CFCM, CRCM) , reléguées aux tâches domestiques et activités traditionnellement "féminines" (garderie, cuisine, couture…). Malheureusement, lorsque les centres cultuels et culturels fonctionnent ainsi, ils se privent d’une force vive indispensable et nécessaire. Si aujourd’hui, les femmes musulmanes sont entachées de tant de préjugés, ce n’est pas seulement le fait de stéréotypes liés à l’histoire coloniale ou à l’orientalisme. C’est aussi dû au fait que la culture et la religion se sont mêlées et que, bien souvent, ce qui est prôné au nom du religieux à l’égard des femmes, n’est que le résultat de coutumes héritées, patriarcales et sans rapport avec l’islam. La communauté musulmane souffre d’un mal insidieux, celui du à l’absence de ses femmes dans la vie sociale, celui de l’absence de l’apport et de la richesse des femmes comme actrices nécessaires au changement. La croyance en Dieu traduite dans l’islam par une éthique et une morale, amène à poser les questions génératrices de changement. Ce qui se traduit par une attitude réflexive dans une dynamique éthique, morale guidée par l’envie de se conformer aux textes.
Le hijab
D’un côté pour ses détracteurs, le Hijab est perçu comme le symbole d’une trahison, une forme de renoncement aux droits pour lesquels chaque femme aspire. Parmi ces droits, il y a le droit à l’éducation, et je rappellerais que ce ne sont pas les musulmanes voilées qui ont renoncés à l’éducation mais un système laïc qui les a mises au banc de l’école. Le hijab, comme choix, ne peut être entendu par une France post-coloniale qui a gardé un rapport très inégalitaire avec les enfants des anciens colonisés. S’ajoute à cela les injustices que certaines subissent dans les sphères familiales, parce que femme ; et sociales, parce que femmes musulmanes voilées. Bientôt, elles devront faire le choix entre autonomie économique et conformisme religieux. Dans une société où elles vivent la discrimination et dans laquelle l’émancipation des femmes est prétendument acquise d’une part ; dans une communauté religieuse où on prône l’honorable place des femmes d’autre part, elles demandent à ce que cela soit mis en pratique. Ce sont toutes ces discriminations qui ont participé à l’émergence d’un mouvement libérateur et réformiste au sein de l’islam. Un mouvement de musulmanes, qui au nom de leur attachement à leur croyance, exige qu’on les respecte, qu’on les écoute. Elles se réapproprient leurs voix, trop longtemps accaparées par des hommes, représentants associatifs et religieux qui parlent pour elles. Perçues comme victimes, si les musulmanes ne prennent pas la parole, si ceux sont sans cesse des hommes qui parlent pour elles : comment justifier et expliquer qu’elles ne sont pas mises sous tutelle dans les faits ? Elles refusent aussi de se conformer aux stigmates d’un appareil politique qui les assigne à un rôle d’éternel « soumise, docile et incapable » de se libérer si ce n’est par la force. Ce hijab qui constitue aussi un élément par excellence du symbolisme mis en jeu dans une société ethnique [1] est tour à tour symbole de résistance, singularité identitaire, protestation à l’injonction d’intégration, apaisement d’une lutte entre deux cultures et par-dessus tout symbole d’une démarche spirituelle.
« Alter-émancipation »
Dans politique de la piété , Saba Mahmood [2], qui se définit comme une féministe laïc, dit que « la conviction laïque procède d’une hiérarchisation du mode de vie » et donc « que les autres formes d’accomplissement humain et d’univers de vie étaient forcément inférieurs aux solutions que nous avions élaborées sous la bannière d’une politique laïque. » En effet, la caricature qui est faite de l’islam en termes historiques, politiques, médiatiques, montrent que l’on considère toujours ici en Occident que les « Orientaux » ne sont pas capables parce que trop traditionnels, pas assez civilisés, d’organiser des mouvements réformistes de justice, dans l’incapacité de contester la domination masculine. Finalement, ce que viennent affirmer ces féminismes islamiques dans leur diversité contextuelle, c’est qu’elles n’ont pas besoin d’un modèle importé de libération, qu’elles peuvent penser leur propre émancipation, qu’elles peuvent critiquer les systèmes de domination, qu’elles ont une posture critique et réformiste de ce qui est fait au nom du religieux et que s’émanciper peut passer par une voie pacifique. Et surtout que s’émanciper ne passe pas forcément par des ruptures avec Dieu, avec l’homme, le père, le frère etc… D’ailleurs, ce que l’on remarque c’est que tous les opposants « au projet féministe dans l’islam ont un point commun : une compréhension essentialiste et anhistorique de l’islam et de la loi islamique. Ils ne parviennent pas à reconnaître que les hypothèses des lois à propos du genre dans l’islam, comme dans n’importe quelle autre religion, sont socialement construites et par conséquent historiquement changeantes et ouvertes à la négociation. » [3]
Condamner les injustices
Si l'exemple du prophète est venu révolutionner le statut des femmes et qu'il a dénoncé les injustices qu'elles subissaient parce que femme, comment peut-on se dire musulman et discriminer les femmes, les maltraiter au nom du sacré, les mettre sous tutelle, les placer dans une grande précarité? Ces femmes ne croient pas que ces pratiques soient le fruit de l’éthique islamique. En un sens, elles vont plus loin que l’opposition simple, elles s’inscrivent dans une transformation pour un juste milieu. Les féministes musulmanes sont donc des femmes qui ne se reconnaissent plus dans cette ségrégation sociale et sexuelle, qui refusent qu’on leur dicte leurs rôles selon les intérêts des hommes, légitimés religieusement et pourtant absent de l’histoire prophétique. Elles croient que l’islam, à travers l’exemple du prophète, est venu condamner (entre autres) les discriminations faites aux femmes et qu’il est venu rétablir une situation d’égalité où les croyantes et les croyants étaient tous deux acteurs d’un système social juste. Le message coranique promulgue des droits révolutionnaires pour cette époque et c’est dans cet esprit que les femmes lisent ce texte. C’est justement à travers un outil recommandé pour la compréhension du texte, le concept d’Ijtihad, que ces femmes travaillent à une meilleure interprétation du texte. L’ijtihad est un outil qui permet de vivre sa foi partout et en toute situation. Elles ne combattent pas les hommes, contrairement à ce que véhicule le terme féminisme de manière péjorative, mais elles sont à leur coté sur le chemin d’une construction sociale juste et équitable. Pourquoi faudrait-il avoir autant peur de ce mouvement qui n’est qu’une piqure de rappel de l’idéal sociale de l’islam ? Certain(e)s répondront, l’islam nous a tout donné ! Et je répondrai : pourquoi tant de femmes sont victimes et dans une situation de grande vulnérabilité face à la violence, à la précarité d’un système inégalitaire. Dieu ne nous a-t-il pas promis que les croyants et les croyantes étaient égaux ? Et c’est ici que réside la force des féminismes islamiques comme mouvement local de conscientisation du décalage entre les textes (Coran et Sunna) et les pratiques qui en découlent, elles sont une chance de rétablir la justice sociale.
Conclusion
Le féminisme islamique se caractérise par une double dimension : c’est à la fois un mouvement critique et un mouvement réformiste porté par les femmes, lesquelles s’inscrivent dans le corpus religieux pour revendiquer leurs droits. Et c’est de la compréhension de ce corpus religieux, qu’elles tirent leur légitimité parce qu’elles s’adressent à des croyants. L’une des priorités des féministes musulmanes est d’aller puiser leur grammaire de justice et d’égalité dans le texte, dans le Coran qui est le cœur et le fondement même de la religion. L’intérêt d’une telle dynamique réside dans le fait de changer les choses de l’intérieur tout en refusant de se voir imposer un modèle d’émancipation de l’extérieur. Ainsi elles défendent : l’égalité des sexes et la justice sociale qui ne peuvent pas être respectés dans un système patriarcal, qui déni le statut d’acteur responsable aux femmes.
Notes bibliographiques :
[1] Bastenier, A. (2004). Qu'est-ce qu'une société ethnique? Ethnicité et racisme dans les sociétés européennes d'immigration, PUF, Paris. [2] Mahmoud, S (2009), Politique de la piété.Le féminisme à l'épreuve du renouveau islamique, La Découverte, Paris, p.8 [3] Ali, Z. (2012), Féminismes islamiques, La Découverte, Paris, p.131
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kalawasa
Nombre de messages : 10293 Date d'inscription : 29/12/2012
Sujet: Re: Le féminisme islamique 19/9/2016, 14:35
Mara-des-bois
Nombre de messages : 2572 Date d'inscription : 11/06/2015
Sujet: Re: Le féminisme islamique 19/9/2016, 17:44
Une lettre de Belgique,bien nette et qui merite ses 3 minutes de lecture...
Lettre ouverte aux citoyennes musulmanes « voilées et féministes »
J'y ajouterais simplement que l'etendure de l'incultance de la plupart des bavards et des medias qui mettent allegrement en paralelle le regulier et le seculier, qui representent une ordonnance traditionnelle en France, est un facteur de confusion regrettable. Cette ignorance crasse et assumée (car balayée d'un revers de main lorsque quelqu'un essaie timidement d'en causer) est le terreau des revendications absurdes et des comparaisons foireuses.
Mab
kalawasa
Nombre de messages : 10293 Localisation : En haut à droite Date d'inscription : 29/12/2012
Sujet: Re: Le féminisme islamique 19/9/2016, 19:27
Je vais essayer Google Traduction !
Biloulou
Nombre de messages : 54566 Localisation : Jardins suspendus sur la Woluwe - Belgique Date d'inscription : 27/10/2008
Sujet: Re: Le féminisme islamique 19/9/2016, 19:39
Mara-des-bois a écrit:
Une lettre de Belgique,bien nette et qui merite ses 3 minutes de lecture... (...)
Mab
Attends que je me situe, ce n'est pas de la lettre de "Invité" d'introduction au topic, du site elkala.com (tiens, tiens) que tu parles, n'est-ce pas ?
Younes bis
Nombre de messages : 2362 Date d'inscription : 18/12/2015
Sujet: Re: Le féminisme islamique 19/9/2016, 20:38
Trés bonne émission On y voit notamment Fatima Mernissi ( R.A) disparu en 2015...
Mara-des-bois
Nombre de messages : 2572 Date d'inscription : 11/06/2015
Sujet: Re: Le féminisme islamique 20/9/2016, 09:30
Biloulou a écrit:
Attends que je me situe, ce n'est pas de la lettre de "Invité" d'introduction au topic, du site elkala.com (tiens, tiens) que tu parles, n'est-ce pas ?
Du tout. Il s'agit de l'article d'un blog daté du 16 septembre de cette année, suffit d'suivre le lien
Mab
quantat
Nombre de messages : 5399 Date d'inscription : 17/11/2008
Sujet: Re: Le féminisme islamique 20/9/2016, 10:41
Mara-des-bois a écrit:
Une lettre de Belgique,bien nette et qui merite ses 3 minutes de lecture...
Lettre ouverte aux citoyennes musulmanes « voilées et féministes »
J'y ajouterais simplement que l'etendure de l'incultance de la plupart des bavards et des medias qui mettent allegrement en paralelle le regulier et le seculier, qui representent une ordonnance traditionnelle en France, est un facteur de confusion regrettable. Cette ignorance crasse et assumée (car balayée d'un revers de main lorsque quelqu'un essaie timidement d'en causer) est le terreau des revendications absurdes et des comparaisons foireuses.
Mab
Elle a raison cette femme (et moi j'avais tort quand je défendais le droit de porter le voile là où il fallait l'interdire) ... les musulmanes de Roubaix avec qui ma douce travaille se disent désespérées de voir leur filles porter le voile après qu'elles mêmes se soient battues pour l'enlever ... oui cette "mode" devient une "norme" dans divers quartiers ...( c'est là le risque du burkini: devenir peu à peu une obligation )
Younes bis
Nombre de messages : 2362 Date d'inscription : 18/12/2015
Sujet: Re: Le féminisme islamique 21/9/2016, 22:26
En Egypte, un rap féministe sans tabous
Couverture de l'album Bent al-Masarwa. Ce visage de femme percé représente une véritable provocation dans la société égyptienne.
Dans un pays où presque toutes les femmes disent avoir été victimes de harcèlement sexuel, des rappeuses brisent les tabous et se font le porte-voix des Egyptiennes. Leur but ? Faire évoluer les mentalités.
Je suis une partie de la réalité, et pas seulement une partie du mirage. Je pense toujours de ????? , le nuage, et le brouillard. Je vais dire beaucoup de choses que l'on m'a dit qu'elles étaient presque impossibles. J'ai le droit d'aller courir tôt le matin sans commentaires stupides. Qu'est-ce qui se passera si je monte un vélo sans qu'il soit dit: «Cette fille est folle" Pourquoi, quand je porte une robe, faut-il que se soit une occasion spéciale? Je ne mourrai pas jusqu'à ce que je connaisse la définition de la liberté. Même avant qu'il ne soit mon droit, ma liberté est votre devoir. Pour le père, mon frère ou mon mari: Respectez-moi! Juste demandez-vous une fois: quelle est la définition de la vie amère? Vous répondez en me disant que nous sommes Moyen-Orientaux, et non pas étrangers ( occidentaux) . Ma vie privée est mon droit et vous devez le respecter. Je ne suis pas une possession publique. Vous me faites mal plus en croyant cela. Laisse-moi vivre ma vie avec mon vrai visage. Vous avez planifié le chemin de ma vie depuis que je suis une petite fille. Mon corps est à moi seule et il ne vous appartient pas de le défigurer. J'ai encore des droits, ne les réduisez pas bande d'ordure La première étape, dites vous que j'ai le droit de choisir et que je vais assumer la responsabilité de ma décision. J'ai le droit de terminer mes études jusqu'à ce que je soit pleinement satisfaite. Je le droit de me montrer au monde. Je ne veux pas disparaître. J'ai le droit de choisir mon propre partenaire et non pas le choix de ma famille de partager la route avec moi et me aider à remplir mon voyage. J'ai le droit que mon frère me respectent et qu'il ne m'agresse pas . Ne me dites pas: «La liberté est dans d'autres pays» ni de me taire. Je ne mourrai pas jusqu'à ce que je connaisse la définition de la liberté. Même avant qu'il ne soit mon droit, ma liberté est votre devoir.
« Bnt AlMasarwa » (« Fille de l'Egypte »):
Ma liberté
https://soundcloud.com/bnt-almasarwa/5-horeity
« On nous répète toujours que nous sommes des filles, qu'il nous est défendu de parler, de protester, que notre voix est un affront tout comme notre corps. Mais c'est à nous de changer les mentalités, et pour cela, il faut une révolution »
Younes bis
Nombre de messages : 2362 Date d'inscription : 18/12/2015
Sujet: Re: Le féminisme islamique 23/9/2016, 17:46
Nadia El Bouga, une sexologue revêtue d’un voile, brise les préjugés devant les caméras de LCI
Nombre de messages : 2362 Date d'inscription : 18/12/2015
Sujet: Re: Le féminisme islamique 29/9/2016, 18:19
Les femmes en Arabie saoudite
Diffusé sur Arte le samedi 20 août 2016 à 20:00 ( Connaissant la politique d'arte ce reportage risque de ne pas rester en ligne longtemps...)
Biloulou
Nombre de messages : 54566 Localisation : Jardins suspendus sur la Woluwe - Belgique Date d'inscription : 27/10/2008
Sujet: Re: Le féminisme islamique 29/9/2016, 20:07
Younes bis a écrit:
Les femmes en Arabie saoudite Diffusé sur Arte le samedi 20 août 2016 à 20:00 ( Connaissant la politique d'arte ce reportage risque de ne pas rester en ligne longtemps...)
En effet, je l'ai appris à mes dépens. Donc, je l'ai enregistré.