MARGUERITE D'AUTRICHE, UNE FEMME AU POUVOIR
Née en 1480, fille de Marie de Bourgogne, petite-fille de Charles le Téméraire, elle devint, pour les Francs-Comtois, la protectrice tant espérée à laquelle ils resteront attachés jusqu'à sa mort, en 1530.
Fait rare à cette époque : une province est alors gouvernée par une femme...
Ceci est le résultat de la volonté du peuple et de l'accord tant attendu de l'empereur Maximilien qui, en 1509, soit trois ans après la mort de son fils, accorde à sa fille la jouissance viagère des Pays-Bas et de la Franche-Comté.
Pour les Francs-Comtois, le fait de posséder une souveraine particulière leur fait admettre l'idée d'être gouvernés, en réalité, depuis Bruxelles.
Dans sa prime jeunesse, Marguerite d'Autriche fut promise au trône de France et dans cette perspective, elle vécut sept années à la cour de Louis XI sur les bords de la Loire. Elle y mena l'existence d'une petite fille heureuse et comblée. Sa répudiation, en 1491, fut ressentie comme une humiliation et une dure épreuve à peine adoucie par les paroles de sa gouvernante : "
Puisque vous n'avez pu avoir le Roi, vous en aurez un autre !"
Marguerite, la "reinette de France", devint dès lors infante de Castille.
On lui trouva bientôt un second mari : don Juan, dont l'union fut négociée par son père et Ferdinand d'Aragon. Le couple fut heureux, tout au moins au début, mais après quelques mois, don Juan, en proie à la "folie d'amour" mourut. Ainsi, elle avait perdu deux royaumes et était veuve à l'âge de 18 ans seulement !
On la remaria au très séduisant Philibert le Beau, duc de Savoie. Une nouvelle union heureuse. Mais trois ans après, son prince charmant mourut à son tour. Pour lui, elle fit construire le monastère de Brou, près de Bourg-en-Bresse, où elle pensait vieillir.
La mort de son frère Philippe, en 1506, allait une nouvelle fois changer son destin.
Elle fut d'abord chargée de l'éducation de ses neveux et nièces, avant d'être nommée, en 1509, "lieutenante générale, gouverneresse et administraresse" des Pays-Bas et de la Franche-Comté.
Sa popularité fut immédiate.
Avec Arborio Gattinara, qu'elle fit nommer président du parlement de Dole, puis chef de son Conseil Privé, elle contribua à pacifier la Franche-Comté tout en règlant, par des voies judiciaires, les querelles nobiliaires.
Femme très intelligente et douée d'un grand sens politique, elle partagea le gouvernement entre, d'une part, les robins du parlement et le maréchal de Vergy, représentant de l'ancienne noblesse. Et ce, dans le but de "
pourvoir ensemble à toutes les affaires concernant le bien public".
Les Francs-Comtois lui furent gré d'avoir modéré les exigences financières de l'Empereur Maximilien en le tenant informé régulièrement de l'état de la province.
Son attention pour la Franche-Comté fut constante. Ainsi, alors que la période était marquée par des conflits violents, notamment entre la France et l'Espagne, Marguerite sut épargner à la petite province d'être prise dans les affres de la guerre, et contribua à la prospérité de ce territoire.
Charles Quint, son neveu, émancipé grâce à elle lorsqu'il eut 15 ans, empereur à 19, lui renouvella sa confiance dans ses fonctions, qu'elle exerça avec sagesse et autorité.
Par raison politique, elle comprit toute l'originalité à conserver l'héritage bourguignon dans l'empire de son neveu. Préserver la Franche-Comté dans la famille des Habsbourg, c'était ne pas abolir le nom de la Maison de Bourgogne. Maintenir l'unité de ce lien avec son destin, c'est l'unique conseil qu'elle prodigua, avant de s'éteindre à l'âge de 50 ans, au maître de la Chrétienté.