Une mutinerie virtuelle embarrasse l'armée israélienne
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Par Cyrille Louis
Mis à jour le 01/05/2014 à 17:41
Publié le 01/05/2014 à 17:24
Le Figaro
Ces soldats israéliens protestent, armés et masqués.
Plusieurs centaines de soldats ont exprimé sur les réseaux sociaux leur soutien à un jeune conscrit mis en cause pour avoir malmené un adolescent palestinien à Hébron.
De notre correspondant à Jérusalem
L'armée israélienne affronte ces jours-ci la première mutinerie virtuelle de son histoire. Depuis le début de la semaine, plusieurs centaines de militaires ont exprimé sur Facebook et divers autres réseaux sociaux leur soutien au soldat David Adamov, publiquement mis en cause par sa hiérarchie pour avoir malmené un jeune Palestinien dans le centre d'Hébron en Cisjordanie. Un mouvement d'humeur qui a contraint le chef d'état-major à prendre la parole ce jeudi. «Il est important de rappeler clairement à nos subordonnés que Facebook n'est pas un outil de commandement, a indiqué le général Benny Gantz. Il ne saurait se substituer au nécessaire dialogue entre les commandants et leurs soldats.»
Cette fronde numérique a débuté après la diffusion, dimanche soir, par la dixième chaîne de télévision israélienne, d'une vidéo filmée par un habitant d'Hébron. La séquence, qui dure une minute trente, met en scène une altercation entre un soldat de la brigade Nahal et un adolescent palestinien qui s'applique visiblement à le provoquer. Le conscrit repousse à deux reprises son contradicteur avant d'armer son fusil et de le pointer sur lui puis de lui donner un coup de pied. Lorsqu'il réalise qu'un deuxième individu est en train de filmer la scène, il le met à son tour en joue en criant: «Éteins ta caméra ou je te mets une balle dans la tête, fils de p…»
En découvrant la séquence, le porte-parole de l'armée israélienne a, dans un premier temps, dénoncé le «comportement déplacé» du soldat. Une rumeur erronée, laissant penser que le jeune homme avait été mis aux arrêts en raison de cet incident, a ensuite mis le feu aux poudres. Plus de 100.000 personnes lui ont depuis lors témoigné leur soutien dans un groupe Facebook. De très nombreux militaires ont publié des photos d'eux en uniforme, dissimulant leur visage au moyen de pancartes sur lesquelles on peut lire: «Je soutiens le soldat David». Le ministre de l'Économie, Naftali Bennett, a pour sa part indiqué: «À sa place, j'aurais agi comme ce combattant.»
Pris de cours par cette grogne inédite, le commandement a revu sa ligne de conduite dans l'espoir d'éteindre l'incendie. Mercredi, le porte-parole a fait savoir que si David Adamov a bien été mis aux arrêts, c'est en raison d'une altercation avec un supérieur intervenue avant l'incident d'Hébron. Par ailleurs, l'armée s'abstient désormais de tout commentaire sur le contenu de la vidéo, précisant qu'une enquête interne sera menée dès que le jeune soldat sera sorti de prison. La police militaire, ajoute-t-elle, ne sera saisie que si des manquements au règlement sont mis au jour.
Quoi qu'il en soit, la presse israélienne s'est emparée de cette affaire dans lequel elle voit le révélateur d'un malaise plus général. «Sans le vouloir, David est devenu le symbole d'une génération entière de combattants qui servent dans les Territoires et se plaignent d'être placés dans une situation impossible», observe ainsi Yossi Yehoshua, dans le quotidien Yedioth Ahronoth. Selon lui, les soldats israéliens affectés en Cisjordanie occupée sont confrontés à une pression d'autant plus forte que leurs moindres faits et gestes sont épiés par les nombreuses caméras que des ONG israéliennes de défense des droits de l'homme ont confié aux habitants palestiniens.
«Faire vivre les Palestiniens dans la peur»
L'association Breaking the silence, hostile à l'occupation de la Cisjordanie, estime que «la situation montrée dans la vidéo est loin d'être inhabituelle et que la réaction du soldat n'est en aucun cas extrême par rapport à la conduite quotidienne de l'armée israélienne dans les Territoires occupés». «Quand des soldats sont envoyés pour contrôler des millions de civils palestiniens, il n'y a qu'un moyen de le faire, ajoute l'ONG: s'assurer qu'ils vivent dans la peur. Il ne faut pas nous faire croire que la mise en cause de David résoudra un problème qui est enraciné dans la nature même des opérations militaires face à une population civile.»