Statistiques.-

C'est grâce à cette malheureuse vérité générale que Staline a pu déporter des millions de personnes. Une information personnelle, la mort d'un homme avec une femme, des enfants, une famille, des amis, un travail, un vie (qu'il a perdu). On en a tous les jours, sur TF1, à 13h00. C'est fait pour les retraités et les chômeurs. C'est de l'actualité populaire, pour faire pleurer les vieilles personnes dans les vieilles chaumières, en un mot : du fait-divers (FD). Une information globale, la mort d'une centaines de personnes, dans une ville a nom tordu, dont même pas le quart de la population ne sait que c'est la capitale de l'Iran, ou un foyer palestinien à Gaza. On en a tous les jours, sur TF1, à 20h00. C'est fait pour impressionner, avec un générique des dents de la mer, pour choquer, au point qu'on se demande si on doit le montrer aux enfants, en quatre mots : de la massive information de masse (MIDM).




Saviez vous que l'homme, avant d'apprendre à compter, ne connais que 4 nombres ?
1, 2, 3 et beaucoup.
Si on vous demande de compter... oh, je ne sais pas moi, des morts. Si vous êtes face à moins de 3 cadavres, votre cerveau sortira l'information directement. Le temps d'analyse de la situation sera si rapide qu'il est presque de l'ordre de l'instinct. Vous le voyez (et le sentez). Il y a trois morts en face de vous. Maintenant, si vous êtes face à 5 cadavres, vous allez être obligés de compter. Vos esprit se met en branle. Il y a 3 hommes et 2 femmes, 1 en bleu et 1 en vert et 3 en rouge, 2 qui pissent le sang et 3 tous blancs, 2 et 2 entiers et 1 dont je ne trouve pas la tête. Vous comptez, et pendant ce temps, votre cerveau le comprend : 5 morts, c'est trop pour être du domaine de l'émotionnel et de l'instinctif. Ce sont des morts intellectuels. On est plus dans le ressenti, mais dans le réfléchi. Oui, ce ne sont pas des morts qui vont faire pleurer, ce sont des morts qui vont faire réfléchir.
Ensuite, si vous êtes journaliste, votre cerveau fera la même opération avec le nombre de kilomètres qui vous sépare des morts. 2 seulement ? Oh mon Dieu Madame Pichard, en allant chercher son pain ! Ca aurait pu être moi... De l'émotionnel, du local, hop, direction chez Pernault ! 6000 ? Bah, c'est la vie... On va tous y passer un jour ! Maintenant il est en paix et plus au milieu des bombes au moins ! Du détaché, du massif, hop, chez Chazal.
Résoudre cette complexe équation entre ce qui est peu violent mais proche et insoutenable mais lointain, c'est le travail de toutes les rédactions de France chaque jour pour savoir si c'est l'attentat au Pakistan ou l'école infectée de Grippe A qui va passer en premier. Le plus souvent, c'est le voyage de Carla Bruni (et de son mari) en Italie pour prendre des mesures inutiles qui va l'emporter.

Il existe des exceptions à cette règle : si vous reconnaissez un des cinq corps, vous ne verrai (et sentirai) plus que celui-là. 1<3, logique, c'est de l'émotionnel. C'est pour cette raison que, plus que les attentats qui font des milliers de morts, les tragédies personnifiées par une personnalité, une icône, sont émouvantes. De l’étudiant face au chars de Tiennanmen à l’ado survivante au crahs dans les Comorres, il faut incarner l’info pour aller au delà des chiffres.

Voici donc deux références :
- un site incroyable. Des compteurs qui affichent en temps réel des dizaines de stats. Cette overdose de chiffre submerge. Paradoxalement, quand on voit toutes ces données abstraites, on a jamais été aussi proches des gens qui vivent des tragédies.
- Une vidéo. Qui a fait le tour du monde. La mort de Neda qui montre bien que pour vivre l’info, il faut la voir de prêt.

Worldometers

Texte qui semble cynique en surface mais qui ne l'est pas le moins du monde.

Mérite que l'on s'y attarde...

Code:

pour vivre l’info, il faut la voir de prêt.

De loin, on crève d'ennui, ou comme dirait l'autre : loin des yeux, loin du coeur (une pensée émue aux milliers de congolais abandonnés des yeux du monde, et qui crèvent en silence chaque mois...)