A la recherche du bouc émissaire de Copenhague
rois jours après la laborieuse clôture des négociations à Copenhague, la parole des délégations présentes au sommet sur le climat commence à se libérer. Pointés du doigt pendant la conférence, Pékin et Washington se retrouvent à nouveau au centre de toutes les polémiques.
Premier à sortir du bois, lundi 21 décembre, le président brésilien Lula a accusé les Etats-Unis d'être en partie responsables de l'échec de la conférence en ne s'engageant pas suffisamment à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. "Les Etats-Unis proposent une réduction de 4 % par rapport à la date fixée par le protocole de Kyoto (en 1990). Cela est très peu", a affirmé le président dans son programme hebdomadaire de radio "Café avec le président". Selon lui, avec cette position, les Etats-Unis ont amené d'autres pays à éviter tout "engagement sur des objectifs [de réduction de CO2] et tout engagement financier". Le Brésil, l'un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, a pris l'engagement volontaire à Copenhague de réduire d'au moins 36 % ses émissions de CO2 par rapport aux prévisions de 2020, mais considère qu'il revient aux pays riches de financer l'effort des pays pauvres.
Dans la soirée, la diplomatie cubaine s'est elle aussi employée à faire de Washington le principal responsable de l'échec de Copenhague. A La Havane, le ministre des relations extérieures, Bruno Rodriguez, a qualifié d'"impériale et arrogante" l'attitude du président Barack Obama au sommet, et accusé la délégation britannique d'y avoir tenu à ses côtés le "rôle de bourreau". "Lors de ce sommet, il y a eu un seul Obama impérial, arrogant, qui n'écoute pas, qui impose et qui menace les pays en développement", a déclaré le ministre lors d'une conférence de presse exclusivement consacrée à Copenhague, avant de qualifier "d'échec" et de "mystification" le sommet. M. Rodriguez a aussi affirmé que les Britanniques avaient exercé un "chantage honteux" sur certains pays pauvres.
Accusé, donc, le premier ministre britannique Gordon Brown a de son côté évoqué une "poignée de pays", sans les citer, qui auraient "pris en otage" les négociations. "Nous ne permettrons pas que quelques pays nous empêchent d'aller de l'avant", a dit le chef du gouvernement britannique par visioconférence, sans désigner les Etats auxquels il pensait. "Ce qui s'est déroulé à Copenhague, c'est un processus de décision plein de défauts." De son côté, le secrétaire britannique aux changements climatiques et à l'énergie, Ed Miliband, s'exprimant dans les colonnes du Guardian, reproche spécifiquement à la Chine d'avoir empêché une entente à Copenhague sur des objectifs de réduction des rejets de gaz à effet de serre. Ed Miliband estime en outre, selon ses collaborateurs, que le Soudan, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua et Cuba portent eux aussi leur part de responsabilité dans l'incapacité de la communauté internationale à dégager un véritable accord à Copenhague. Pendant le sommet, la France avait elle aussi évoqué le rôle négatif de Pékin, la secrétaire d'Etat à l'écologie Chantal Jouanno déplorant "l'attitude totalement fermée de la Chine" dans les négociations.
Pour tenter de renverser la vapeur, c'est le premier ministre chinois lui-même qui est monté au créneau. La Chine "a joué un rôle important et constructif pour faire avancer les négociations de Copenhague pour arriver aux résultats actuels", a déclaré Wen Jiabao dans un entretien à l'agence de presse officielle Chine nouvelle. Selon des extraits de l'entretien publiés sur le site du ministère des affaires étrangères chinois, le chef du gouvernement assure notamment que son pays "a fait preuve de la plus grande sincérité et a déployé tous ses efforts".
Seul à se réjouir du résultat du sommet, le président bolivien Evo Morales a déclaré dimanche que la conférence s'était soldée par un "échec" mais s'est félicité que "l'hégémonie" exercée selon lui par les grands pays industrialisés ait été brisée au cours des négociations. "Ce sommet a échoué", a estimé le président Morales au cours d'une réunion avec des maires dans une localité rurale du sud-est de la Bolivie. Il a souligné que les pays industrialisés avaient préparé un document sans l'accord de l'ensemble des pays du monde, ce qui avait entraîné des critiques.
Quant à Jean-Louis Borloo, le ministre du développement durable français, il a mis en cause le fonctionnement de l'ONU, en partie responsable, selon lui, de l'échec du sommet. "Je suis un peu déçu par Copenhague", a-t-il déclaré sur RMC, incriminant "ce système de l'ONU où le climat est tellement peu important, apparemment, qu'on décide tout à l'unanimité". "Un système de consensus à 192 avec des gens qui ont des intérêts aussi divergents et contradictoires, en tout état de cause, il va falloir réfléchir à cela et avoir des règles de fonctionnement différentes", a-t-il dit, soulignant que "l'ONU a été incapable de présenter le moindre document". Le ministre a également stigmatisé les Etats-Unis, estimant que "la vraie difficulté de Copenhague, c'est le blocage du Congrès américain, qui empêche le président Obama d'aller plus loin".