Crise de la dette : le coup de pouce financier de la Chine n’ira pas sans contreparties pour l’Europe
«La Chine fait comprendre à l’Europe qu’elle doit se montrer compréhensive dans le dossier du yuan face aux pressions exercées par les Etats-Unis.»
Selon la presse portugaise, la Chine pourrait aider Lisbonne à surmonter la crise financière en lui achetant plusieurs milliards d’euros de dette souveraine. L’information n’a pas été officiellement confirmée, mais les autorités chinoises ont réaffirmé, ce jeudi 23 décembre, leur intention d’investir massivement en Europe à l’aide de leurs réserves de change.
Une aide financière qui permettra à Pékin de conforter son influence économique, mais aussi diplomatique, auprès des pays européens.
« Nous sommes prêts à aider les pays de la zone euro à surmonter la crise financière… A l’avenir, l’Europe sera l’un de nos principaux marchés pour investir nos réserves de change. » La déclaration, ce jeudi 23 décembre, du porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a le mérite de la clarté. Assis sur un trésor de guerre quasiment inépuisable (2 700 milliards de dollars – les premières réserves monétaires au monde), Pékin se pose en sauveur potentiel d’une Europe en pleine déroute financière. Sans confirmer pour autant les informations de la presse lusophone, selon laquelle la Chine pourrait acheter plusieurs milliards d’euros de dette au Portugal, les autorités chinoises confirment leur nouvelle ambition : après avoir été le principal créancier des Etats-Unis, devenir celui de l’Europe, en commençant par les pays les plus fragilisés par la crise financière.
Officiellement, la Chine n’a pas l’intention d’imposer ses conditions à ses futurs débiteurs. Pékin affirme seulement vouloir diversifier ses placements à l’étranger, et se tourner vers l’Europe après avoir investi massivement, ces dernières années, dans la dette américaine. Cette stratégie strictement financière – ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier - s’accompagne également de préoccupations commerciales. En 2010, l’Europe est devenue le principal débouché pour les exportations chinoises. Un effondrement économique en Europe, pour cause de crise financière, aurait donc des répercussions catastrophiques pour les industriels chinois.
Mais l’aide financière de la Chine aura forcément des contreparties, en tout cas sur le long terme. En prêtant de l’argent aux pays européens, Pékin va s’offrir un moyen de pression supplémentaire sur la scène internationale. « La Chine peut ainsi espérer un soutien de l’Europe et l’éloigner un peu des Etats-Unis, explique Marie-Françoise Renard, de l’Institut de recherche sur l’économie de la Chine, à l’Université de Clermont-I. Elle vient en aide aux pays les plus fragiles, mais elle fait comprendre à l’Europe qu’elle doit se montrer compréhensive dans le dossier du yuan, face aux pressions exercées par les Etats-Unis. »
L’influence financière de la Chine pourrait également peser dans d’autres dossiers, tout aussi stratégiques que celui du yuan, et qui font l’objet de vives discussions entre l’Union européenne et la Chine : les barrières commerciales non-tarifaires imposées par Pékin aux produits étrangers, et les exportations de terres rares, indispensables aux nouvelles technologies, contrôlées à 97% par la Chine.
Dans ces deux dossiers, comme dans les négociations internationales sur les équilibres monétaires, Pékin pourra donc se prévaloir de son nouveau rôle de créancier de la zone euro afin d’imposer ses vues à ses interlocuteurs européens