¤ Introduction :Le
Boeing YAL-1 Airborne Laser Testbed (désigné auparavant Airborne Laser,
ABL), est un élément important du programme de bouclier anti-missile
poursuivi par l’administration du Président George W.Bush (2001-2009).
Ce
système d’armement peu conventionnel s’articule autour d’un laser COIL
(Chemical Oxygen Iodine Laser), aéroporté par le biais d’appareils
Boeing 747-400 lourdement modifié. L’objectif affiché de cet ambitieux
programme est la destruction de missiles tactiques balistiques, durant
leur phase de boost, c'est-à-dire peu après le décollage de ces
derniers.
Le principe du système ABL ne réside pas en un
laser détruisant directement sa cible par rayon destructeur. Le laser
frappe de son rayon la surface du missile visé, l’affaiblissant et
provoquant sa dislocation, à cause des tensions très fortes induites par
la vitesse de vol très élevée. Sept YAL-1 sont prévus, pour être
assignés à deux zones de combat simultanées au maximum.
La
mise en service initiale était prévue pour 2008, mais le développement
fastidieux et l’explosion des coûts fut à l’origine d’importants retards
de mise en œuvre.
L’appareil a été officiellement désigné YAL-1
par le Département américain de la Défense le 12 mai 2004 (Ndlr : Y =
Appareil en essais, AL = Airborne Laser).
Cette année 2004
marqua les débuts concrets du projet YAL-1, avec des essais de laser au
sol, et le premier vol d’un appareil YAL-1 entièrement équipé, essais
finalement totalement aboutis courant 2005.
L’YAL-1 a
effectué début 2007 des essais avec un laser basse-puissance, sur une
cible aéroportée (un NC-135E Big Crow), depuis la base d’Edwards en
Californie. Trois années plus tard, en janvier 2010, c’est un laser
haute puissance installé en 2008, qui fut essayé à son tour, avec succès
: En février 2010, deux missiles de test sont interceptés, coupant
court aux sévères critiques de ce projet de bouclier anti-missile, jugé
parfois extravagant d’un point de vue technologique, mais le plus
souvent beaucoup trop coûteux. En ces temps de disette budgétaire pour
le Pentagone, il n’est que plus important de pointer la viabilité du
projet YAL-1, puisque celui-ci est maintenu.
¤ Des premiers pas au stade de développement actuel : Les
prémisses du YAL-1 ont été concrétisées par l’Airborne Laser
Laboratory. Il s’agissait d’un prototype de laser d’interception de
missiles, installé sur un Boeing NKC-135A. Celui-ci opérait à partir de
la base aérienne USAF de Kirtland (Nouveau-Mexique), et aura démontré
les capacités d’un laser haute puissance monté sur un aéronef, en
matière d’interception de cibles aéroportées.
Ce premier
programme aura permis d’entériner la fiabilité d’un tel ensemble de
défense, puisque plusieurs missiles auront été détruits avec succès
durant les 11 années d’essais de cet appareil, notamment 5 missiles
air-air AIM 9 Sidewinder, ou encore un drone de l’US Navy BQM-34A.
Dans
la continuité de ce premier succès, le programme Airborne Laser fut
initié par l’US Air Force en 1996, avec la signature d’un premier
contrat afférent à la conception d’un système d’armement tel que décrit
ci-dessus. En 2001 sous l’impulsion de la nouvelle administration,
l’ensemble du programme est transmis à la MDA (Missile Defense Agency)
et converti en programme d’acquisition.
Le développement du
YAL-1 est réalisé par un consortium d’équipementiers de haut niveau,
répartie de la façon suivante : Boeing Defense, Space and Security s’est
chargé de fournir l’appareil de support, l’équipe de management ainsi
que les processus d’intégration des différents systèmes. Northrop
Grumman de son côté est chargé de fournir le laser COIL, tandis que
Lockheed Martin fournissait la tourelle avant ainsi que le système de
mise à feu et de contrôle du tir du laser.
En 2001, l’US Air
Force acquit un Boeing 747-200 d’occasion auprès de la compagnie Air
India.Celui-ci fut convoyé par camion ailes démontées depuis l’aéroport
de Mojave jusqu’à la base d’Edwards, où le corps de l’appareil fut
accueilli au sein du System Integration Laboratory (SIL), composante du
Centre d’essais de vols Birk, à Edwards.
Ceci afin de
permettre de vérifier et essayer les divers composants. Le SIL fut
initialement créé afin d’essayer le laser COIL (Chemical Oxygen Iodine
Laser) à une altitude opérationnelle simulée. Durant cette phase
d’essais, le laser fut utilisé à plus de 50 reprises, effectuant une
durée d’utilisation représentative par rapport aux engagements
opérationnels qui allaient suivre.
(Ndlr :A titre indicatif,
le laser COIL comprend six modules interconnectés -pesant chacun 3
tonnes !- et en phase de tir, le laser produit durant 5 secondes
seulement autant d’énergie que consommé un foyer américain typique
durant une heure).
A l’issue de ces essais, le système COIL
fut pleinement validé, et celui-ci put être intégré sur l’appareil
opérationnel, tandis que le SIL fut démantelé.
Boeing réalisa les
modifications nécessaires sur un nouveau Boeing 747-400 en 2002,
appareil qui réalisa son premier vol le 18 juillet 2002, depuis le
centre de test Boeing de Wichita (Kansas).
Prélude aux essais
d’interception en vol, les essais au sol du laser COIL en 2004, furent
jugés satisfaisants. Le nouvel YAL-1 fut logiquement assigné au 417th
Flight Test Squadron Airborne Laser Combined Test Force, basé à la base
d’Edwards (Californie).
Aux côtés du laser COIL, le système
fait également intervenir des Lasers « Target Illuminator » de classe
deux kilowatts, pour le suivi des cibles. Le 15 mars 2007, le YAL-1
réussit avec succès un tir de laser en vol, atteignant la cible. Ainsi
qu’évoqué en introduction, la cible était un NC-135E Big Crow, appareil
spécialement modifié afin de servir de cible volante. Cet essai réussi
permit de valider les capacités de suivre une cible aéroportée ; de
mesurer et de compense la distorsion atmosphérique.
La phase
suivante des essais du programme impliquait le laser SHEL (Surrogate
High-Energy Laser), qui allait illustrer la transition entre pointage
lumineux de la cible et tirs entièrement simulés. Le Laser COIL fut lui
installé sur l’avion en juillet 2008, et débuta les essais au sol dans
la foulée.
Durant une conférence de presse du 6 avril 2009,
le Secrétaire américain à la Défense Robert Gates recommanda
l’annulation du second appareil ABL YAL-1, au motif que le programme
rencontrerait « des problèmes technologiques significatifs, ainsi qu’un
coût prohibitif ; alors même qu’il est permis de douter du rôle
opérationnel proposé de ce programme », selon cette recommandation.
Le
6 juin 2009 eut lieu un tir d’essai au large de la Californie, tir
auquel était subordonné implicitement la poursuite du programme, un
succès représentant l’espoir d’un rendu opérationnel du projet ABL pour
2013. Le Président Barack Obama avait laissé entendre qu’il comptait
supprimer les lignes de budget afférentes au programme, cependant le
Secrétaire à la Défense Robert Gates est intervenu afin d’inciter à
maintenir le versement des fonds correspondants. Le 13 août 2009, le
premier test du YAL-1 modifié s’acheva sur un tir réussi du laser SHEL
sur un missile de test.
Le 18 août de la même année, la MDA
effectua un test de tir réussi du laser haute puissance installé sur le
YAL-1, pour la première fois. Le YAL-1 prit son envol de la base
d’Edwards, et effectua son tir alors qu’il volait au-dessus du désert du
Mojave. Le laser fut mis à feu en direction d’un appareil de mesure de
température, qui captura le rayon et évalua sa puissance.
En
janvier 2010, le laser haute puissance fut utilisé en vol, afin
d’intercepter (et non détruire), un missile de test MARTI (Missile
Alternative Range Target Instrument) durant sa phase de boost. Le 11
février 2010, durant un essai à Point Mugu Naval Air Warfare Center
(Weapons Division Sea Range), le système a détruit avec succès un
missile balistique alimenté par carburant liquide.
Moins
d’une heure après ce succès, un second missile, alimenté par carburant
solide cette fois, fut « engagé avec succès » selon la MDA, avec tous
les critères de validation remplis, mais sans destruction au bout du
compte. La MDA releva que l’ABL réussit toutefois à détruire un missile
alimenté par carburant solide identique à celui « manqué », 8 jours
auparavant.
Cependant, il fut indiqué ultérieurement par le
magazine de référence Aviation Week and Space Technology, que si le
premier tir du 11 février requit moitié moins de temps que prévu pour
détruire le missile ; et bien le second tir fut prématurément terminé
avant destruction du missile et ce en raison d’un problème d’alignement
du rayon laser.
¤ Considérations opérationnelles et développements potentiels :Le
système ABL fut conçu pour une utilisation envers des missiles
balistiques tactiques (TBM – Tactical Ballistic Missiles), lesquels ont
une portée moindre et volent moins rapidement que les missiles
balistiques intercontinentaux (ICBM – Inter Continental Ballistic
Missiles).
La MDA suggéra récemment que l’ABL pourrait être
utilisé contre des missiles ICBM durant leur phase de boost. Cette
optique nécessiterait des vols de YAL-1 plus longs avant d’atteindre la
position de tir, et ne serait pas envisageable au-dessus de territoires
hostiles. Les missiles ICBM alimentés par carburant liquide pourraient
être plus faciles à détruire, du fait de leur carapace plus mince et
aussi à cause de leur de boost de plus longue durée.
Si l’ABL
remplit ce pour quoi il est conçu, il serait possible de détruire des
missiles ICBM alimentés par carburant liquide distant de plus de 600 km,
contre 300 km pour missiles ICBM alimentés par carburant solide,
distance trop courte pour permettre une utilité dans la plupart des cas.
Ceci fut établi par un rapport rendu en 2003 par l’American Physical
Society.
Concernant le fonctionnement du système ABL, il est
intéressant de détailler la manière d’interception de ce système
révolutionnaire. Des capteurs infrarouges sont mis en jeu pour la
détection initiale du missile. A l’issue de la détection initiale, trois
lasers de suivi basse puissance déterminent trajectoire et vitesse du
missile visé, le point de visée, et les turbulences. En effet, celles-ci
déforment et dévient le rayon du laser, c’est pourquoi le système ABL
mesure les turbulences afin de compenser et d’obtenir un rayon efficace.
Le
laser principal, localisé dans la grande tourelle situé à l’avant de
l’avion, est déclenché durant 3 à 5 secondes, occasionnant la
dislocation du missile peu après son lancement (durant sa phase de
boost). Le système ABL n’a pas été conçu pour intercepter des missiles
TBM durant la phase finale de leur vol, ni durant la phase de descente.
Ainsi, l’ABL doit se situer à quelques centaines de kilomètres du site
de lancement de missiles. L’ensemble du processus de destruction se
déroule en 8 à 12 secondes, approximativement.
Le système ABL
utilise un carburant chimique analogue à celui des roquettes, afin
d’alimenter en énergie le laser haute puissance. Chaque YAL-1 emporte
assez de carburant laser, pour pouvoir effectuer 20 tirs, voire 40 tirs à
basse puissance envers des missiles TBM fragiles. Au-delà, l’avion doit
atterrir et être ravitaillé en carburant. L’idée retenue initialement
et conservée ensuite, était que l’ABL soit escorté par des avions de
chasses et des avions de contre-mesures électroniques, afin d’assurer la
protection du dispositif en intervention.
Potentiellement,
l’ABL devrait effectuer des missions de longue durée en orbite autour
des sites de lancement de missiles présumés, permettant de pointer le
laser contre les missiles. L’avion peut être ravitaillé en vol, afin de
pallier un retour sur terre pour ravitaillement.
Enfin, le système ABL pourrait éventuellement être utilisé envers d’autres cibles.
En
effet, théoriquement l’ABL pourrait servir contre des appareils
ennemis, des missiles de croisière. Ou encore des satellites en orbite
basse . Cependant, cela ne fut pas envisagé initialement sur le plan
concret, aussi est-il difficile de se prononcer quant aux capacités de
l’ABL face à ce type de cibles. Un des soucis éventuels pourrait
provenir du fait que les satellites et d’autres appareils peuvent avoir
une signature thermique plus réduites que les missiles TBM, rendant ce
type de cibles plus difficiles à détecter.
En tout état de
cause, un emploi du système ABL contre des cibles terrestres semble
utopique. Hormis la difficulté d’acquérir et suivre une cible terrestre,
l’obstacle proviendrait du fait que tirer au travers de la dense
atmosphère affaiblirait le rayon. De surcroît, des cibles terrestres
telles que des véhicules blindés, ne sont pas assez fragiles pour être
détruites par un laser de classe mégawatt. Toutefois, il existe un autre
programme, l’ATL (Advanced Tactical Laser), qui envisagerait l’usage
air-sol d’un laser classe mégawatt monté sur un avion plus approprié
pour des vols à basse altitude.
Photo US Government -libre de droits.
¤ Caractéristiques :Motorisation : 2 General Electric CF6-80C2B5F
Puissance : 4x 276 kN
Envergure : 64,90 m
Longueur du fuselage : 70,60 m
Hauteur au sol : 19,40 m
Masse à vide : 178 800 kg
Masse maximale : 396 890 kg
Plafond pratique : Distance franchissable : 8 230 km
Vitesse maximale : Mach 0,92
Equipage : 2 membres
Boeing YAL-1 - sur Wikipedia.fr
Boeing YAL-1 - sur Wikipedia.en
Dossier Boeing YAL-1 - sur le site Global Security