Dans son rapport de 250 pages publié jeudi, la Cour des comptes relève de nombreuses imperfections dans l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique, provoquant la colère du ministre de l'Intérieur Claude Guéant. Et une vague de réactions à droite et à gauche.
Didier Migaud, ex-député socialiste et premier président de la Cour des Comptes : "Je ne polémique pas. On ne peut contester les constats que nous faisons. Le rapport est exact, objectif et fruit de la collégialité et s'appuyant sur la contradiction". "On peut déplaire, ce n'est pas notre problème."
Delphine Batho, députée PS des Deux-Sèvres et chargée de la sécurité au PS à l'Assemblée : "Le rapport de la Cour des Comptes (...) fera date. Pour la première fois, une évaluation objective dresse le bilan réel de la politique de sécurité conduite depuis plusieurs années. Ce rapport dément point par point la prétendue réussite de la politique de sécurité de Nicolas Sarkozy. Cette fois, ce n'est pas l'opposition qui le dit, ni les syndicats de police, mais la Cour des Comptes.
La Cour des Comptes dresse un état des lieux très préoccupant (...). La politique de sécurité doit désormais être changée de A à Z (...) Je demande que puisse se tenir très rapidement une audition conjointe devant la commission des Finances et de la commission des Lois des rapporteurs de la Cour des Comptes".
Jean-Jacques Urvoas, monsieur sécurité du PS : "Il faut évidemment permettre aux policiers et gendarmes d'avoir les moyens et les déployer là où ils sont attendus : il ne faut pas revoir la police de proximité, il faut la recréer". "C'est ce que le PS fera l'année prochaine quand nous créerons des zones de sécurité prioritaires définies en lien avec les élus", référence aux propositions socialistes pour 2012.
Claude Bartolone, président PS du conseil général de Seine-Saint-Denis : "Hier sésame électoral du président de la République, la sécurité est aujourd'hui le symbole de son échec". Ce rapport "fait l'effet d'une véritable ‘bombe' dans le jardin de M. Sarkozy, tant il remet en cause l'efficacité de la politique de sécurité publique menée depuis 2002". Il "fait la démonstration d'une impasse, d'une injustice et d'un tripatouillage".
Jean-François Copé, patron de l'UMP : "ce n'est pas un rapport totalement objectif". "La Cour des Comptes (ndlr, présidée par l'ex-député socialiste Didier Migaud) doit rester dans son rôle et son rôle c'est celui d'évaluer les politiques publiques", et "pas de s'ajouter au débat politique". Désignant "les rapporteurs" et "pas la Cour des comptes", Copé a estimé que les auteurs du rapport avaient "sans doute leur engagement, respectable, mais qui ne saurait engager à lui tout seul la voix" de l'institution. Puis interrogé sur les conclusions du document pointant des déséquilibres dans les déploiements entre police municipale et police nationale, il a déclaré : "C'est de l'idéologie! Moi, j'invite les rapporteurs qui ont fait ce travail - qu'ils viennent de la Cour des Comptes ou d'ailleurs, d'où qu'ils viennent- à venir un peu sur le terrain".
Bernard Carayon, député UMP du Tarn : "La Cour des Comptes est-elle devenue une filiale du Parti socialiste ? La question est légitime lorsqu'on lit son rapport (...) Ce n'est pas un rapport, mais un tract du PS ! Ce n'est guère étonnant si l'on se souvient que le président de la formation de la Cour des Comptes chargée de ce rapport est un ancien sénateur socialiste, que le rapporteur du rapport est un ancien maire socialiste de Draguignan et que 4 des conseillers maîtres de cette formation de la Cour des Comptes sont issus eux-mêmes de cabinets ministériels socialistes. Jamais la Cour ne s'est comportée avec une telle bassesse. Son Premier président, lui-même ancien député socialiste de l'Isère, devrait, s'il a quelque honneur, présenter ses excuses aux ministres de l'Intérieur concernés par ce rapport".
François Rebsamen, sénateur-maire PS de Dijon : "Le rapport de la Cour des Comptes sur les forces de sécurité confirme l'échec accablant de la politique de sécurité de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement. (...) C'est une politique de la poudre aux yeux (...) La pseudo culture du résultat basée sur une politique du chiffre et les effets dévastateurs de la mise en oeuvre aveugle de la RGPP (Révision générale des politiques publiques, ndlr) ont instrumentalisé, démoralisé les forces de police, cassé leur rapport de confiance avec la population et paralysé leur efficacité. Il est temps de tourner la page. L'alternance et la victoire de la gauche à l'élection présidentielle permettront de proposer aux Français une nouvelle politique de sécurité publique".
Europe Ecologie-Les Verts : "Depuis 2002, la droite a basé sa communication sur son bilan en matière de sécurité. La Cour des comptes vient de démonter le mythe et montrer la faillite de sa politique : statistiques absurdes, efficacité discutable, baisse des effectifs constante depuis 2007, appauvrissement de la police et de la gendarmerie, développement sans cadre adapté des polices municipales et promotion aveugle de la vidéosurveillance sans évaluation sérieuse. Ce n'est pas la lutte contre la délinquance qui s'est améliorée, c'est avant tout la communication du ministère de l'Intérieur". Pour EELV, "il faut mettre fin à une politique de sécurité idéologique et inefficace, où la prévention, la dissuasion et la réinsertion ont été délaissées au profit d'une politique basée uniquement sur la répression".
Ian Brossat, responsable des questions de sécurité au PCF : "Manque de policiers sur le terrain, hausses des violences faites aux personnes, efficacité contestable de la vidéosurveillance, ou encore baisse drastique des moyens des forces de sécurité: la Cour des Comptes n'épargne pas le gouvernement. Pour toute réponse, le ministre de l'Intérieur accuse ce rapport d'inexactitudes, d'erreurs voire de sous-entendus partisans. Pourtant, les faits relevés par la Cour des Comptes n'ont rien de fantaisiste. Ils sont accablants. Syndicats, personnels, experts, tous les pointent du doigt, depuis plusieurs années. Mais Claude Guéant n'aime pas la mauvaise publicité. On dirait un mauvais élève qui accuse son bonnet d'âne".
Marine Le Pen, présidente du Front national : ce rapport "rétablit la vérité et démolit la stratégie de communication de Nicolas Sarkozy, qui tente depuis des années qu'il s'occupe de sécurité de masquer ses terribles échecs par des mots et des discours". "Le rapport confirme les analyses inquiètes du FN et des syndicats de policiers: forte réduction des effectifs des forces de l'ordre depuis 2005, mauvaise répartition de ces forces sur les territoires, désengagement de l'Etat au profit des polices municipales et au mépris de l'égalité entre les Français."
Unité police SGP-FO (premier syndicat de gardiens de la paix) : "Face à cette situation décrite par la Cour des comptes et dénoncée mille fois" par le syndicat, celui-ci écrit dans un communiqué, par la voix de son secrétaire général Nicolas Comte, qu'"il ne restera pas l'arme au pied".
TF 1 le 07 juillet 2011 à 14:38