Établir l'innocence d'un condamné à mort est extrêmement complexe et aboutit très rarement aux États-Unis, encore moins après l'exécution. (Los Angeles) Au moment d'être mis à mort, le 17 février 2004, Todd Willingham a dit ceci: «Je suis un homme innocent condamné pour un crime que je n'ai pas commis. J'ai été persécuté pendant 12 ans pour une chose que je n'ai pas faite.»
La déclaration n'était pas surprenante: Willingham a toujours nié avoir mis feu à sa maison et tué ses trois filles qui y dormaient, un matin d'hiver, en 1991.
Aujourd'hui, un juge du Texas compte rouvrir le dossier afin d'examiner de nouveaux éléments, un processus qui vise à remettre en question la culpabilité de Willingham.
S'il devait être déclaré innocent, Willingham deviendrait le premier condamné à mort à obtenir une réhabilitation à titre posthume aux États-Unis depuis le rétablissement de la peine capitale, en 1976.
Le juge Charles Baird, qui a convoqué l'audience à la demande de la famille Willingham, veut faire la lumière une fois pour toutes dans ce dossier, qui ne cesse de revenir dans l'actualité depuis 2004.
«Je ne vois rien d'aussi important dans notre système judiciaire que de blanchir quelqu'un qui était en réalité innocent, mais a été condamné et exécuté, a-t-il déclaré à l'AFP. C'est la chose la plus épouvantable qui puisse arriver.»
Le gouverneur invité à témoigner
Le juge Baird a invité plusieurs experts à témoigner lors de l'audience. Il a aussi invité le gouverneur du Texas, Rick Perry. Ce dernier n'a pas donné sa réponse.
Le sujet est potentiellement délicat pour le gouverneur. En 2004, M. Perry avait refusé de repousser la date de l'exécution de Todd Willingham, au moment où l'avocat de ce dernier disait avoir de nouvelles preuves de l'innocence de son client.
Puis, l'an dernier, le gouverneur a surpris tout le monde en licenciant le président de la Commission de science légale du Texas, pour le remplacer par un allié politique.
Instance administrative obscure, la Commission était sur le point de recevoir un rapport rédigé par le directeur de l'Association internationale pour la prévention des incendies, Craig Beyler, embauché pour une tâche précise: établir les faits dans l'incendie de la maison de Willingham.
Son enquête révèle que l'hypothèse d'un incendie criminel «n'est pas scientifiquement supportée par les faits».
«Les techniques utilisées par les enquêteurs pour déterminer la cause de l'incendie relèvent de la pensée magique», écrit M. Beyler, l'un des experts les plus respectés dans le domaine de la prévention des incendies.
Hier, Lucy Nashed, porte-parole du gouverneur Perry, a envoyé un courriel aux médias indiquant que la culpabilité de Willingham n'était pas en doute.
«Rien ne peut changer le fait que Todd Willingham a été reconnu coupable et condamné à mort par un jury de ses pairs pour le meurtre de ses trois enfants. Ce verdict de culpabilité a été passé en revue par plusieurs cours de l'État et cours fédérales depuis trois décennies.»
Selon le Centre d'information sur la peine de mort, 1227 personnes ont été exécutées aux États-Unis depuis le rétablissement de la peine de mort, il y a 34 ans. L'État du Texas détient le record: 463 personnes y ont été exécutées.
Nicolas Bérubé
La Presse