Rappel du premier message :Par Christian Merville
Suivez le guide, messieurs-dames, dans son percutant exposé sur les conséquences d’une reconnaissance par les Nations unies d’un État palestinien. Terrifiant mais combien édifiant le tableau qu’il nous fait entrevoir de l’Armageddon à venir.
« Taillé dans la chair vive d’Israël », nous assène doctement le professeur Louis Rene Beres dans le quotidien Haaretz, ce 23e membre à venir de la Ligue arabe s’empressera de s’embarquer dans une campagne d’extension territoriale bien au-delà des frontières fixées par l’organisation internationale et donc de nos lignes (sans précédent cet aveu par Tel-Aviv de l’existence de décisions internationales).
Attendez, le pire est à venir. Le stratège en question prévoit que la communauté internationale ne pipera mot face à ce grignotage, « qui fera de notre pays un intrus dans la région », menacé dans son existence même. Prévenir valant mieux que guérir, il conviendrait donc, recommande-t-il, d’« avoir une capacité dissuasive nucléaire moins ambiguë ». Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, cela signifiera « sortir la bombe de l’abri », une décision qui, bien entendu, « renforcera pour un temps notre sécurité » mais qui, « à la longue, accroîtra les chances d’un recours à l’arme suprême ».
Certes, il s’agit là des élucubrations en chambre d’un docteur Folamour en puissance qui n’hésite pas – au diable la mesure ! – à pousser le bouchon trop loin.
Mais l’inénarrable Avigdor Lieberman dit-il autre chose quand il évoque la rassurante perspective d’« un bain de sang sans précédent »? Soyons honnête : c’est l’Autorité de Mahmoud Abbas qu’il accuse en fait de préparer cette peu réjouissante perspective – on est toujours le Palestinien de quelqu’un, dirait l’autre... Un autre boutefeu, ex-général de son état, se hasarde à parler d’une guerre totale, une perspective qui, pour être plutôt vague, n’en est pas moins effrayante. Quant à Moshe Yaalon, le numéro deux du gouvernement, il veut, lui, donner à l’ennemi « une leçon qu’il n’oubliera pas »
. Toujours ce langage de la force de la part de dirigeants qui ne veulent pas en connaître d’autre. Normal s’agissant d’un pays né et vivant dans la violence.Dans la pratique, les responsables prennent leurs précautions. À coups de millions de dollars, les stocks de grenades ont été reconstitués et d’ultrapuissants canons à eau ont été acquis, de même que des joujoux inédits comme ce « Boash » qui dégage une insupportable odeur de putois (d’où son nom) ou encore un haut-parleur qui émet un son très strident et douloureux. Pour un peu, on aurait ressorti les trompettes de Jéricho, sauf que, dans le cas présent, le mur érigé permet de protéger ceux qui se prennent pour des « bons » de ceux en qui ils s’obstinent à voir des « méchants ».
Le mur ? On est déjà à plus de 700 kilomètres de longueur et sa construction est loin d’être achevée. En certains points, il mesure 9 mètres de haut et
sert à isoler la population arabe de ses terres et à séparer les familles entre elles. Si cette mobilisation sans précédent de moyens, de crédits et d’effectifs a eu pour effet provisoire d’assurer une sécurité toute relative, elle n’a pas permis pour autant – au contraire même – d’éviter la débâcle diplomatique annoncée pour le 20 septembre.
À cette date, la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU a toutes les chances de recevoir l’onction de la majorité requise à l’Assemblée générale – probablement, selon un dernier pointage, 150 des 192 membres de l’auguste aréopage. Les choses commenceront à se gâter devant le Conseil de sécurité où neuf des quinze voix sont requises, à condition toutefois qu’aucun des cinq membres permanents (États-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine) n’y oppose son veto, un recours qui pose problème à Washington, à un moment où sa réputation dans le monde arabe, déjà passablement écornée par des rebuffades israéliennes à répétitions, souffre en outre du contrecoup d’un « printemps arabe » qui voit tomber l’une après l’autre ses plus fidèles créatures.
Dans le cadre de sa chasse aux suffrages onusiens, Hillary Clinton multiplie ces temps-ci les contacts pour, dit-elle, « éviter un scénario négatif ». Le langage n’a rien de neuf : cela fait des semaines que Washington s’efforce de faire valoir auprès de ces Palestiniens ingrats tous les bénéfices qu’ils pourraient espérer à se tenir cois, dans l’attente du salut qui viendra de la quête inlassable conduite depuis trois ans par la Maison-Blanche, et demeurée sans effet sur l’inébranlable Benjamin Netanyahu. Il n’est pas dit qu’en dernier ressort Abou Mazen et ses compagnons d’infortune demeureront insensibles aux voix des sirènes washingtoniennes
. Mais d’ici que les Israéliens acceptent de retourner à la table de négociation, il y a tout lieu de craindre qu’il ne restera plus rien à négocier.